Le
nouveau Premier ministre a annoncé la mise en œuvre d’une réforme concernant
les collectivités territoriales : réduction du nombre de régions et
suppression des conseils départementaux, appelés anciennement conseils
généraux.
C’est
la plus grosse surprise du discours de politique générale de Manuel Valls à
l’assemblée nationale le 8 avril dernier et on peut s’étonner que cette réforme
majeure n’ait pas été envisagé dès le début du quinquennat de François
Hollande…
Simplifier
le millefeuille administratif, l’idée n’est pas neuve car la carte territoriale
française offre beaucoup trop de niveaux institutionnels. Si chaque
collectivité locale est censée avoir des domaines d'action spécifiques, de
nombreux doublons existent entre collectivités en matière de développement
économique, sport, culture, tourisme et jeunesse ainsi qu’entre départements et
Etat dans les affaires culturelles ou l'action sociale et sanitaire. .
Trop
d'intermédiaires entre le citoyen et la puissance publique renchérissent
fortement les budgets de fonctionnement, augmentent considérablement les délais
de décision et induisent une difficulté de compréhension du système par les
citoyens. La dette totale des collectivités locales pèse de plus en plus dans
la dette publique : 173,7 milliards d’euros en 2012, soit 8,5% du PIB...
Aujourd’hui,
Il existe 26 régions (22 pour la métropole et 4 pour l’Outre
Mer) représentant 2040 élus. Chacune des régions dispose en outre d’un Conseil
économique et social de 40 à 110 membres selon l’importance
économique et démographique et d’une Chambre des comptes (340 magistrats et 300
assistants).
Les
départements, au nombre de 100 (96 pour la métropole
et 4 pour l’Outre Mer) se trouvent dotés d’un préfet, d’une
préfecture et son administration, d’un conseil général avec un président,
plusieurs vice-présidents et 4042 conseillers généraux.
Les
départements se subdivisent encore en cantons, arrondissements et pays. On
dénombre autant de cantons que de conseillers généraux,
326 arrondissements qui ont comme compétence le contrôle administratif des
communes (le tout avec autant de sous-préfets !), 358 territoires
particuliers, dénommés pays, exprimant la communauté d'intérêts économiques,
culturels et sociaux de ses membres.
Outre les départements et leurs nombreuses subdivisions, il existe par ailleurs :
- 17367 groupements intercommunaux (communautés de communes, communauté d'agglomérations, communauté urbaine) représentant environ 38 000 élus.
- 36.635 communes en métropole et DOM avec autant de maires et près de 520 000 conseillers municipaux. La France possède, à elle seule, près de la moitié du nombre de toutes les communes d’Europe ! (14 000 communes en Allemagne, 8 000 seulement en Espagne et en Italie, etc.)
Et,
cerise sur le gâteau, depuis la loi du 19 décembre 2013 créant des « métropoles »
dans 14 villes, la France est passée de 5 à 6 strates administratives :
état, région, département, intercommunalité, métropole, commune et même 7
strates si l’on y ajoute l’échelon européen. Du jamais vu dans aucun pays au
monde ! (Pour mémoire, les USA compte trois strates…)
Tout
cela représente plus de 500 000 élus accompagnés par 1,81 million de
fonctionnaires. Un député apparenté PS, René Dosière, dans sa traque des
gaspillages, a calculé que cela faisait tout de même 1,4 milliards d’euros
d’indemnités par an !
Le brouillard hollandais
En
2010, Nicolas Sarkozy avait fait un tout petit pas en avant vers la
simplification des collectivités locales avec le statut du conseiller
territorial qui devait être, à partir de 2014, une même personne élue à la fois
au Conseil général et au Conseil régional. Ceci correspondait à une fusion à
terme des élections des représentants de la région et du département mais sans
remettre en cause toutefois l’existence de deux structures parallèles.
Devant la pression des élus socialistes, cette petite avancée timide a été remise immédiatement en cause par le gouvernement de François Hollande qui a abrogé le statut de conseiller territorial au profit d'un binôme homme-femme par canton pour les prochaines élections cantonales, avec à la clé une division par deux du nombre des cantons et la création de nouveaux cantons agrandis.
Dans
ses vœux aux Corréziens, le 18 janvier dernier, le chef de l'Etat s'était
prononcé contre la suppression des départements : "Les départements
gardent leur utilité pour assurer la cohésion sociale, la solidarité
territoriale, et je ne suis donc pas favorable à leur suppression pure et
simple, comme certains le réclament, car des territoires ruraux perdraient en
qualité de vie, sans d'ailleurs générer d'économies supplémentaires."
Quant aux régions, Il avait indiqué simplement que les régions qui se
regrouperaient bénéficieraient " d'un bonus dans le calcul des dotations
de l'Etat ".
Quant
à Marylise Lebranchu, chargé de la réforme territoriale, elle déclarait encore
le 21 janvier dernier : « Arrêtons de chiffonner notre millefeuille et de
vouloir supprimer des feuilles au hasard. C’est un raisonnement simpliste. Les
départements sont un pilier de l’organisation territoriale ».
Et
aujourd’hui, Manuel Valls propose la réduction du nombre de régions ainsi que
la suppression des conseils départementaux et une méthode pour y arriver mais
renvoie à 2017 la création des nouvelles régions et à 2021 la suppression des
conseils départementaux…
Le
calendrier annoncé est ainsi à l’image de François Hollande, on reste dans le
flou et on renvoie à plus tard… Cela entame très sérieusement la crédibilité de
la démarche du Premier ministre, d’autant plus que de telles réformes vont
soulever, et c’est déjà le cas, l’opposition des élus socialistes qui verront
leurs postes, à terme, se réduire sensiblement...
Mettre en œuvre au plus tôt une véritable réforme
Le
nombre trop important de régions et leur contour géographique souvent
fantaisiste justifie une baisse sensible de leur nombre mais laisser aux
régions actuelles le soin de fusionner éventuellement entre elles, comme l’a
suggéré Manuel Valls, n’est pas forcément la meilleure façon d’y parvenir.
Outre la fusion consensuelle pour atteindre une taille respectable, il
convient aussi de créer des régions en fonction de critères géographiques
naturels.
Une
grande région «Massif central», une vraie région Alpes, Bretagne, Bassin
Méditerranéen ou la réunification de la Basse et de la Haute Normandie (divisée
à l’origine pour un vulgaire partage de gâteau électoral entre majorité et
opposition…) permettraient de voir des régions à dimension européenne et plus
conformes à la situation géographique réelle.
Quant
aux départements, mis en place sous la Révolution française le 15 janvier 1790,
ils sont devenus complètement obsolètes. A l’époque un émissaire à cheval
devait pouvoir atteindre n’importe quelle zone du territoire départemental en
une seule «journée de voyage» afin de renseigner au mieux l’autorité
administrative. C'est pourquoi les superficies de tous les départements
sont très proches mais aujourd'hui, à l'heure d'internet, ces critères conçus
il y a plus de 200 ans font sourire.
Les nouvelles
régions devraient donc se voir attribuer toutes les compétences exercées par
les conseils départementaux. Sur un plan pratique, des permanences ou points
relais de la région peuvent être installés dans chaque territoire
départemental, et ce pour répondre au besoin de proximité avec les citoyens,
problème invoqué par les partisans du maintien des départements.
Il
faut préciser enfin que quand on parle de suppression du département, il s’agit
en fait du conseil général, des cantons et des conseillers généraux. Le
département peut très bien continuer à exister en tant qu'entité géographique
pour devenir une circonscription électorale servant à l'élection des
conseillers régionaux, élus du territoire départemental pour siéger au Conseil
Régional, ou à l’élection de députés ou de sénateurs à la proportionnelle.
Mais
si l’idée d’une diminution du nombre de régions et d’une suppression des
conseils départementaux est positive, rien n’indique vraiment que cette réforme
verra le jour, tout comme l’intégration sensible de communes et
d’intercommunalités dans les nouvelles métropoles crées.
Trop
d’élus locaux font de la résistance et bloquent en fait toute évolution. Le
lobby socialiste des présidents de régions et départements est très puissant et
dispose de plusieurs relais, notamment au Sénat où gauche et droite se sont
entendus depuis longtemps pour faire du surplace et conserver le plus longtemps
possible leurs prérogatives et les "petits avantages" financiers ou
matériels qui vont avec...
Pierre
Mendès France avait l’habitude de dire naguère que si des réformes essentielles
ne sont pas faites dans les six mois qui suivent l’installation d’un nouveau
gouvernement, elles ne se font en général jamais ! Pour mémoire, Matteo
Renzi, en Italie, va supprimer 101 provinces italiennes dans 7 mois alors que
Manuel Valls veut supprimer les conseils départementaux dans 7 ans...
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