En
réponse aux attaques de l'ouvrage de Valérie Trierweiler, " Merci pour ce
moment ", François Hollande a eu ces mots : " Je suis au service des
plus pauvres, c'est ma raison d'être ". Pour le Président de la
République, son ex-compagne chercherait avant tout à se venger et mentirait en
affirmant qu'il n'aime pas les pauvres.
Toujours
est-il qu’il faut considérer d’abord les actes et non les paroles pour se faire
une idée précise de la valeur des propos présidentiels…
Les
riches ou les pauvres sont avant tout des personnes physiques. En
s‘intéressant au régime fiscal qui leur est appliqué, on peut savoir
aisément quelles sont les personnes qui sont privilégiées par le système fiscal
français et celles qui le sont beaucoup moins. Et en analysant l’action (ou
l’inaction…) de François Hollande en matière fiscale depuis 2012, la réponse
apparaît claire...
A qui profite le manque de progressivité de l’impôt sur le revenu ?
Dès
lors que le nombre de tranches comme l’éventail des taux d’imposition ont été
réduits et resserrés vers le bas, notamment par Laurent Fabius, ministre
des finances en 2000, l’IR n’est plus hélas calculé en fonction des
« facultés » de chacun.
Le
simple rétablissement de quatorze tranches d’imposition telles qu’elles
existaient au début des années 1980, au lieu des cinq tranches actuelles
(5,50%, 14%, 30%, 41%, 45%) aurait permis de rétablir une réelle progressivité
de l'IR et de dégager des recettes supérieures aux 58 milliards d'euros qu'il a
rapporté en 2012. Mais François Hollande s’est contenté uniquement de porter le
taux marginal de 41% à 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 €
et sans toucher au reste, cela ne change quasiment rien au système fiscal qui
reste toujours dégressif pour les plus hauts revenus. De plus, ce taux de 45%
rapportera seulement 0,7 milliard € de recettes supplémentaires !
François
Hollande et Jean-Marc Ayrault ont laissé en outre perdurer en 2012 le gel du
barème introduit en 2011 par le gouvernement de François Fillon. Ce gel a été
ensuite reconduit sur les revenus de 2012 et l’impôt payé en 2013, ce qui
représente en fait une hausse déguisée supportée par les contribuables de 3,4
milliards d'euros !
Et
maintenant, après avoir fait rentrer des millions de contribuables dans l'IR en
gelant le barème, le nouveau Premier ministre Manuel Valls les fait ressortir
en annonçant la suppression de la 1ère tranche de l'IR. C'est de
l'improvisation fiscale permanente avec toujours le même refus d'engager une
réforme fiscale ambitieuse et juste !
Qui est favorisé par le maintien du quotient familial et du quotient conjugal ?
- Le
montant de l’IR est modulé en fonction du quotient familial, un mécanisme qui
prend en compte la taille de la famille mais subventionne davantage les
familles riches que les familles pauvres, la réduction d'impôt étant en effet
proportionnelle au revenu. Le plafonnement du QF a certes été baissé de 2000 €
à 1500 € par demi-part pour les familles imposables en haut de l’échelle mais
le système reste toujours aussi injuste compte tenu de la concentration des
gains actuels sur les ménages les mieux lotis.
Le
remplacement du QF par un crédit d'impôt, identique pour tous, serait bénéfique
pour les familles modestes, pas ou peu imposées, car elles verraient leur
niveau de vie augmenter sensiblement. Et que la France abandonne le QF
(appliqué en Europe seulement au Luxembourg et en Suisse) et adopte un système
de crédit d’impôt comme le font déjà l'Allemagne, la Belgique, le Canada,
l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la
République Tchèque, ne serait donc pas déraisonnable.
-
Quant au quotient conjugal, il est imprégné d'un schéma familial daté, pour ne
pas dire séculaire, où le chef de famille apporte des revenus au ménage et la
femme s'épanouit dans les tâches domestiques. Il consiste à diviser la somme
des revenus d'un couple par deux avant de lui appliquer le barème progressif.
Ainsi pour un ménage où un conjoint gagne 54 000 € par an et l’autre
6000 €, l’impôt n’est pas calculé sur 60 000 € mais sur
30 000 € (revenus moyens du couple) puis le résultat est multiplié
par deux pour arriver à l’impôt à payer.
La
conséquence du QC est double. Il réduit fortement l'impôt des couples aisés dont
l'un des membres - le plus souvent la femme - ne travaille pas ou très peu. Il
permet en outre d’obtenir une réduction d'impôt d'autant plus élevée que le
revenu principal est important. Pour un même revenu, les couples aisés sont
ainsi avantagés au détriment des célibataires, des personnes séparées, des
veufs ou encore des familles monoparentales. Le coût de cet avantage
fiscal oscille entre 5,5 milliards €, d'après le Trésor, et 24 milliards €,
selon la Cour des comptes. Et contrairement au QF, l'avantage retiré du QC
n'est pas plafonné !
Qui s’enrichit grâce aux niches fiscales ?
Selon
la commission des finances de l’Assemblée Nationale, les niches fiscales
étaient évaluées à 72,7 milliards € en 2010, soit 3,5% du PIB. Mais d’après un
rapport de la cour des comptes, réalisé sous le magistère de feu Philippe
Séguin, celles-ci représentaient pour l’année 2009 146 milliards € ! Une
somme colossale et une aberration économique puisque cette somme est trois fois
supérieure au produit de l'IR payé par les particuliers !
Si
certaines d’entre elles répondent à un souci d'équité ou à des mesures
économiquement utiles, d'autres permettent surtout à une minorité de personnes
de réduire fortement leur imposition tout en se constituant un patrimoine
important.
Certes,
le gouvernement de François Hollande a plafonné quelques niches à 10.000 € au
lieu de 18 000 € mais beaucoup d’entre elles sont totalement inefficaces
et doivent être purement et simplement supprimées. Pire, l’ancien Premier
Ministre, Jean-Marc Ayrault, a réussi l'exploit d'accorder à deux niches
fiscales (Sofica et loi Girardin pour les DOM) des plafonds supérieurs à ceux
fixés antérieurement par la droite !
François
Hollande ne semble pas avoir imaginé un seul instant qu’avec la récupération
d’un tiers seulement de ces recettes perdues, on réglerait une bonne fois pour
toute les intérêts annuels de la dette publique qui se montent à 50 milliards €
?
Qui bénéficie de la fraude fiscale ?
La
fraude fiscale, par son ampleur et ses caractéristiques (au minimum entre 60 et
80 milliards € par an, selon le Syndicat national unifié des impôts), réduit
aussi fortement les rentrées fiscales et accentue les inégalités, sans parler
de l'optimisation fiscale qui fait le bonheur des avocats d'affaires. Ce sont
essentiellement les grosses entreprises et les riches particuliers qui en
bénéficient car ils peuvent faire de gros investissements déductibles de
l’Impôt ou user de l’existence des paradis fiscaux.
L’administration
fiscale a perdu 25 000 emplois depuis 2002 sur l'ensemble de ses missions, dont
une grande partie est concentrée sur des services qui forment le premier étage
du contrôle fiscal, c'est-à-dire le service de gestion de l'impôt, le service
de contrôle sur pièces et le service de programmation des contrôles fiscaux.
Ces pertes d'emploi ont fragilisé la détection de la fraude et le contrôle
fiscal dans son ensemble.
Suite
à l’affaire Cahuzac, il a bien été procédé à un renforcement de 50 agents à la
DGFIP (Direction Générale des Finances Publiques) mais on est loin du compte,
ce petit geste s’apparentant plutôt à un pansement sur une jambe de bois…
Un
signal fort aurait dû être donné par la création d’au moins 2000 postes dans
les administrations chargés de lutter contre les fraudes et par l’établissement
de la liste « française » des pays considérés comme non coopératifs
ou comme paradis fiscaux et judiciaires en accompagnant cette liste des
sanctions infligées aux entreprises qui utilisent ces territoires.
L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) plus progressif mais allégé
L’ISF
a été si souvent remanié depuis 2011 qu'on y perd quelquefois son latin.
Globalement, l'opinion publique retient surtout retenu que la droite a toujours
eu en horreur cet impôt et que la gauche l'a réhabilité.
Accédant
à l’Elysée au moment précis où cet ISF super allégé par Nicolas Sarkozy devait
être acquitté, François Hollande a mis en place une réforme plus globale dans
le cadre du budget 2013 et le barème est redevenu progressif grâce à cinq
tranches et cinq taux différents.
Mais
si l’on analyse attentivement la réforme intervenue depuis 2012, quelques
surprises apparaissent. L’ISF a été effectivement rétabli mais la disposition
prise par Nicolas Sarkozy, au terme de laquelle le seuil de déclenchement
de l’ISF ne joue qu’à compter de 1,3 million € de patrimoine, a été maintenu.
En clair, le premier taux d’imposition de 0,50% prend effet à compter de
800 000 € mais seulement si ce seuil de 1,3 million € est atteint.
Le
nouveau barème est donc sensiblement allégé par rapport à la version antérieure
à 2011 et il l’est aussi pour d’autres raisons : les taux applicables ont
été abaissés de 0,55 à 0,50% pour la première tranche et de 0,75 à 0,70% pour
la seconde, la tranche de 1,65% est supprimée, le taux marginal passe de 1,80 à
1,50% !
Au
bout du compte, l'ISF sera moins lourd en 2013 sous la gauche (4,074 milliards
€ estimés) qu’en 2011 sous la droite (4,321 milliards €) et il faut interpréter
ce tour de passe-passe pour ce qu’il révèle profondément : les socialistes,
eux aussi, ne tolèrent l’ISF que dans une mouture allégée pour les milieux très
aisés.
La fiscalité locale toujours aussi injuste
Les
impôts locaux représentent une part de plus en plus importante du total des
impôts : 12 milliards € pour la seule taxe d’habitation (particuliers) et
15 milliards € pour la taxe foncière sur le bâti et le non-bâti (particuliers
et entreprises).
Avec
la décentralisation et les transferts de compétences de l’Etat vers les
collectivités locales, l’augmentation des impôts locaux est très forte depuis
plusieurs années et il n’est pas rare aujourd’hui pour un salarié de
« sortir » presque un mois de salaire pour payer la taxe d’habitation
et un autre s’il paye également la taxe foncière !
De
plus, les bases de ces taxes sur les logements sont totalement archaïques car
elles datent de 1961 (taxe foncière) et de 1970 (taxe d’habitation). Le montant
à payer pour les contribuables ne dépend pratiquement pas du revenu fiscal
déclaré, sauf pour les personnes qui ont des difficultés sociales graves et qui
bénéficient d’exonérations partielles ou totales. Ainsi, comme le souligne la
cour des comptes, " les ménages modestes ou moyens subissent
proportionnellement un prélèvement plus lourd que les ménages les plus aisés
".
De
plus, la fiscalité locale n'assure pas non plus l'équité entre les
collectivités sur l'ensemble territoire. Les disparités du "potentiel
fiscal par habitant" vont du simple au double entre les régions (67 € en
Corse, 111 € en Haute-Normandie), du simple au quadruple entre les départements
(296 € dans la Creuse, 1.069 € à Paris) et de 1 à 1.000 entre les communes !
C'est en
grande partie l'ampleur des changements dans le domaine fiscal qui
conditionnera la possibilité de rétablir une certaine justice sociale et ce
d’autant plus qu’à la fiscalité directe s’ajoute la fiscalité indirecte, dont
on parle peu dans les médias (TVA, TIPP, taxes diverses représentant 65% des
recettes budgétaires totales !), mais qui frappe durement les couches
modestes et moyennes.
Naguère,
Pierre Mendès France avait l’habitude de dire que si les réformes essentielles
ne sont pas faites dans les six mois qui suivent l’installation d’un nouveau
gouvernement, elles ne se font en général jamais. Au bout de 2 ans et demi de
pouvoir socialiste, les choses sont maintenant claires…
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