Les
autorités de Rio de Janeiro, ville hôte des jeux olympiques qui
commencent le 5 août, l'avaient promis : sa célèbre baie où se dérouleront les
épreuves de voile sera irréprochable.
Mais
la baie de Rio, entourée par le relief si particulier de ses collines rondes et
verdoyantes, souffre depuis longtemps des conséquences des activités humaines
et d'un dramatique problème de pollution des eaux…
Près
de 9 millions de personnes vivent à proximité de cette étendue d’eau de
380 km². 14.000 industries - dont des terminaux et chantiers
maritimes, des ports commerciaux, des raffineries de pétrole - exercent des
activités très polluantes et sont responsables de fuites de produits toxiques
et de métaux lourds.
La
baie recevrait 18 000 litres par seconde de déchets domestiques, notamment
les eaux usées de près d’un million et demi de personnes qui se déversent
directement dans les rivières sans aucune forme de traitement. C’est le cas
notamment à Duque de Caxias et Nova Iguaçu, des communes dépourvues de système
de tout-à-l’égout, où les maladies et les mauvaises odeurs affectent la
population depuis des années.
Une étude
de l’Institut de santé et de développement durable (Instituto Saúde e
Sustentabilidade) démontrait en 2012 que la pollution atmosphérique des communes
de la zone nord de Rio dépassait les limites maximales imposées par
l’Organisation mondiale de la santé et que les infections respiratoires et
bactériennes auraient causé près de 36 000 morts en sept ans dans
toute la région, soit 14 morts par jour.
Les pêcheurs taquinent les détritus plutôt que les poissons
Le
déficit récurrent des politiques publiques, vis-à-vis du traitement obligatoire
des déchets et de la préservation environnementale, a fait de ce bout de mer
une poubelle à ciel ouvert. Sur les rivages, on peut voir s’échouer tous
les vestiges de la modernité : télévision, pneus, réfrigérateurs, etc. Au
centre de la baie, on découvre, lorsque l’on prend le ferry, un immense
cimetière de bateaux, allant de petites embarcations à d’immenses cargos,
abandonnés là depuis plusieurs décennies. Même si les autorités ont commencé à
faire le ménage, il restait encore, fin 2015, près de 150 navires
rouillant entre deux eaux.
Dans
ces conditions, les athlètes s’inquiètent pour le bon déroulé de la compétition,
mais aussi pour leur santé. En réponse, les autorités ont mis en place
récemment des solutions palliatives avec l’installation de
17 « écobarrières » pour retenir les déchets en amont et la
mise en service « d'écobarques », qui ramassent jusqu’à 40 tonnes
par mois de détritus flottants. Un travail un peu dérisoire lorsque certaines
études estiment que 90 tonnes de résidus solides sont jetées par jour dans
la nature.
Le
secrétaire à l’Environnement de l’État de Rio de Janeiro, André Corrêa, lors d’une
conférence de presse, le 20 juillet dernier, a pourtant essayé de
rassurer. « Je suis très optimiste sur le fait que nous aurons des
épreuves de voile convenables, même s’il existe un risque d’avoir un
problème. » Les autorités ont également promis que la qualité des eaux
serait testée tous les jours durant les compétitions.
La
question de la dépollution n’est pas nouvelle depuis plus de 20 ans, bien
avant l’attribution des Jeux olympiques. Dans les années 1990, le gouvernement
avait lancé un programme, qui a déjà coûté 10 milliards de réais (environ
3 milliards d’euros), pour un résultat mitigé. Il estime aujourd’hui qu’il
en faudrait au moins le double pour arriver à un résultat satisfaisant, et cela
pas avant 20 à 25 années d’efforts. Or, l’État de Rio de Janeiro est
aujourd’hui en faillite…
Pour
de nombreux spécialistes, l’échec d’une dépollution complète pour les J.O.
était prévisible mais pas inévitable. L’objectif des organisateurs de traiter
80 % des égouts des 15 municipalités riveraines était ambitieux,
lorsque l’on sait qu’en 2007, à l’époque de la candidature de la ville, seuls
11 % des eaux usées étaient traitées. Mais, d’après le journaliste Emanuel
Alencar, auteur du livre « La baie de Guanabara, négligence et
résistance » la mise en œuvre technique a souffert de nombreux retards,
d'un manque de transparence et d’accompagnement des organes de contrôle.
« Certaines erreurs ne devraient plus être commises tant d’années après le
début du programme de dépollution. Et pourtant, elles continuent d’être
faites », souligne le journaliste brésilien.
Ainsi
quatre grandes stations d’épuration ont bien été construites durant la mise en
place du programme pluriannuel, mais elles fonctionnent aujourd’hui bien en
dessous de leur capacité. Le professeur Paulo Canedo, spécialiste en ressources
hydriques de l’université de Rio de Janeiro, explique que le réseau de
collecte, lui, n’a tout simplement pas été construit. « Il n’y a pas assez
d’égouts qui arrivent, les stations ne peuvent donc pas remplir leur mission. »
La
ville organisatrice s’était pourtant engagée avec le Comité olympique à remplir
plusieurs objectifs environnementaux. Pour le biologiste Mario Moscatelli, qui
lutte depuis 20 ans pour la préservation des écosystèmes aquatiques de Rio
de Janeiro, « les Jeux étaient une occasion formidable de faire quelque
chose. Les autorités brésiliennes ont promis beaucoup pour pouvoir gagner les
Jeux. Mais aujourd’hui, les rivières et les mangroves sont mortes. »
Outre
la baie de Guanabara, deux autres lieux de compétition, les lacs de Jacarepagua
et de Rodrigo de Freitas, n’ont pas respecté les objectifs de dépollution, et
resteront interdits à la baignade. La replantation de 24 millions d’arbres
qui devait permettre une compensation carbone de l’événement est également en
dessous des promesses faites...
Photo
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