03 août 2016

JO 2016 : la baie de Rio est une immense poubelle !

La baie de Guanabara est une baie du littoral brésilien
Les autorités de Rio de Janeiro, ville  hôte des jeux olympiques qui commencent le 5 août, l'avaient promis : sa célèbre baie où se dérouleront les épreuves de voile sera irréprochable.

Mais la baie de Rio, entourée par le relief si particulier de ses collines rondes et verdoyantes, souffre depuis longtemps des conséquences des activités humaines et d'un dramatique problème de pollution des eaux…


Près de 9 millions de personnes vivent à proximité de cette étendue d’eau de 380 km². 14.000 industries - dont des terminaux et chantiers maritimes, des ports commerciaux, des raffineries de pétrole - exercent des activités très polluantes et sont responsables de fuites de produits toxiques et de métaux lourds.

La baie recevrait 18 000 litres par seconde de déchets domestiques, notamment les eaux usées de près d’un million et demi de personnes qui se déversent directement dans les rivières sans aucune forme de traitement. C’est le cas notamment à Duque de Caxias et Nova Iguaçu, des communes dépourvues de système de tout-à-l’égout, où les maladies et les mauvaises odeurs affectent la population depuis des années. 

Une étude de l’Institut de santé et de développement durable (Instituto Saúde e Sustentabilidade) démontrait en 2012 que la pollution atmosphérique des communes de la zone nord de Rio dépassait les limites maximales imposées par l’Organisation mondiale de la santé et que les infections respiratoires et bactériennes auraient causé près de 36 000 morts en sept ans dans toute la région, soit 14 morts par jour.

Les pêcheurs taquinent les détritus plutôt que les poissons


Le déficit récurrent des politiques publiques, vis-à-vis du traitement obligatoire des déchets et de la préservation environnementale, a fait de ce bout de mer une poubelle à ciel ouvert. Sur les rivages, on peut voir s’échouer tous les vestiges de la modernité : télévision, pneus, réfrigérateurs, etc. Au centre de la baie, on découvre, lorsque l’on prend le ferry, un immense cimetière de bateaux, allant de petites embarcations à d’immenses cargos, abandonnés là depuis plusieurs décennies. Même si les autorités ont commencé à faire le ménage, il restait encore, fin 2015, près de 150 navires rouillant entre deux eaux. 

Dans ces conditions, les athlètes s’inquiètent pour le bon déroulé de la compétition, mais aussi pour leur santé. En réponse, les autorités ont mis en place récemment des solutions palliatives avec l’installation de 17 « écobarrières » pour retenir les déchets en amont et la mise en service « d'écobarques », qui ramassent jusqu’à 40 tonnes par mois de détritus flottants. Un travail un peu dérisoire lorsque certaines études estiment que 90 tonnes de résidus solides sont jetées par jour dans la nature. 

Le secrétaire à l’Environnement de l’État de Rio de Janeiro, André Corrêa, lors d’une conférence de presse, le 20 juillet dernier, a pourtant essayé de rassurer. « Je suis très optimiste sur le fait que nous aurons des épreuves de voile convenables, même s’il existe un risque d’avoir un problème. » Les autorités ont également promis que la qualité des eaux serait testée tous les jours durant les compétitions.

La question de la dépollution n’est pas nouvelle depuis plus de 20 ans, bien avant l’attribution des Jeux olympiques. Dans les années 1990, le gouvernement avait lancé un programme, qui a déjà coûté 10 milliards de réais (environ 3 milliards d’euros), pour un résultat mitigé. Il estime aujourd’hui qu’il en faudrait au moins le double pour arriver à un résultat satisfaisant, et cela pas avant 20 à 25 années d’efforts. Or, l’État de Rio de Janeiro est aujourd’hui en faillite… 

Pour de nombreux spécialistes, l’échec d’une dépollution complète pour les J.O. était prévisible mais pas inévitable. L’objectif des organisateurs de traiter 80 % des égouts des 15 municipalités riveraines était ambitieux, lorsque l’on sait qu’en 2007, à l’époque de la candidature de la ville, seuls 11 % des eaux usées étaient traitées. Mais, d’après le journaliste Emanuel Alencar, auteur du livre «  La baie de Guanabara, négligence et résistance » la mise en œuvre technique a souffert de nombreux retards, d'un manque de transparence et d’accompagnement des organes de contrôle. « Certaines erreurs ne devraient plus être commises tant d’années après le début du programme de dépollution. Et pourtant, elles continuent d’être faites », souligne le journaliste brésilien.

Ainsi quatre grandes stations d’épuration ont bien été construites durant la mise en place du programme pluriannuel, mais elles fonctionnent aujourd’hui bien en dessous de leur capacité. Le professeur Paulo Canedo, spécialiste en ressources hydriques de l’université de Rio de Janeiro, explique que le réseau de collecte, lui, n’a tout simplement pas été construit. « Il n’y a pas assez d’égouts qui arrivent, les stations ne peuvent donc pas remplir leur mission. » 

La ville organisatrice s’était pourtant engagée avec le Comité olympique à remplir plusieurs objectifs environnementaux. Pour le biologiste Mario Moscatelli, qui lutte depuis 20 ans pour la préservation des écosystèmes aquatiques de Rio de Janeiro, « les Jeux étaient une occasion formidable de faire quelque chose. Les autorités brésiliennes ont promis beaucoup pour pouvoir gagner les Jeux. Mais aujourd’hui, les rivières et les mangroves sont mortes. » 

Outre la baie de Guanabara, deux autres lieux de compétition, les lacs de Jacarepagua et de Rodrigo de Freitas, n’ont pas respecté les objectifs de dépollution, et resteront interdits à la baignade. La replantation de 24 millions d’arbres qui devait permettre une compensation carbone de l’événement est également en dessous des promesses faites...


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