Le 54ème
salon International de l’Agriculture, qui vient de s’achever porte de
Versailles, a vu le passage de la plupart des candidats à la prochaine
élection présidentielle des 23 avril et 7 mai prochains.
Mais
si le salon a tenu lieu d’arène politique aux différents postulants, la
crise agricole et les nombreux suicides de paysans qu’elle entraîne n’ont pas
pour autant été au cœur des débats…
Les candidats à l'élection présidentielle ont déployé avec plus ou moins de bonheur leur traditionnelle opération de séduction lors du salon de l'agriculture. Certains ont même rivalisé entre eux pour battre des records de présence en visitant tous les stands et en dégustant toutes les spécialités régionales devant l'ensemble des micros et caméras. François Hollande y a passé neuf heures, battant ainsi son record de présence du quinquennat.
Pour
Jean-Luc Poulain, président du salon, « on n’attendait rien des sortants mais
on espérait un débat de fond avec les candidats, et on a été déçus. » En
effet, comment ne pas être déçu quand on sait que depuis la mise en place de la
politique agricole commune (PAC) à la fin des années 50, les responsables
politiques de tous bords ont développé le produire plus, la modernisation, les
économies d'échelles. A chaque crise, la réponse a été identique : il faut
grossir, augmenter la taille de son élevage, ce qui entraîne automatiquement
une surcharge de travail, la mécanisation pour compenser, l'emprunt pour
financer. Cette politique a été accompagnée pendant toutes ces années avec
bienveillance par la FNSEA, principal syndicat agricole.
Fédération
de fédérations, la FNSEA représente l’agriculture française au niveau,
national, européen et mondial. Elle est membre du Conseil de l'agriculture
française (CAF) en France, du Comité des organisations professionnelles
agricoles (COPA) dans l'Union européenne et l’Organisation mondiale des
agriculteurs (en lien direct avec l'Organisation mondiale du commerce) au
niveau mondial.
D'après
la confédération paysanne, organisation syndicale représentative, la FNSEA soutient
le système agricole conventionnel, promeut l’industrialisation des
exploitations, l’exploitation animale, l’utilisation de pesticides dans un but
de rentabilité, de productivité et de compétitivité. Elle défend activement les
droits et causes des agriculteurs intensifs lorsque leurs intérêts sont menacés
et s'oppose régulièrement aux normes et contraintes environnementales par
l'organisation d'importantes manifestations et lobbying.
Enfin,
certains dénoncent une situation de conflit d'intérêt du fait des multiples
casquettes qui ont été portées par Xavier Beulin, président de la FNSEA,
décédé le 19 février 2017.
Le suicide des agriculteurs
Par la
multiplication de contraintes administratives et environnementales, le système
du « toujours moins cher », la politique des travailleurs détachés dans les
abattoirs allemands payés 3 € de l’heure et le développement des fermes usines,
le monde politique et la commission de Bruxelles ont acculé les agriculteurs
français à mettre fin à leurs jours.
Trop de pression de toute part, trop de dettes, les paysans ne savent plus comment survivre dans un système qui pousse à leur disparition au profit de l’agro-industrie. La crise actuelle des éleveurs notamment est le symptôme de la faillite d’un mode de développement agricole. Un système qui est allé au bout de sa logique et inévitablement, les paysans disparaissent massivement à chaque crise, victimes des politiques publiques.
Trop de pression de toute part, trop de dettes, les paysans ne savent plus comment survivre dans un système qui pousse à leur disparition au profit de l’agro-industrie. La crise actuelle des éleveurs notamment est le symptôme de la faillite d’un mode de développement agricole. Un système qui est allé au bout de sa logique et inévitablement, les paysans disparaissent massivement à chaque crise, victimes des politiques publiques.
Un
membre de l’association « Solidarité paysans en Ille-et-Vilaine » raconte :
« Il y a deux semaines, on a appris, pour une famille, qu’une dame brûlait
toutes les factures. Son mari, ses frères, personne ne se doutait de rien, tout
semblait aller bien. Et puis, la dame a vu paraître, dans un journal agricole,
l’avis de liquidation de leur ferme. Elle s’est suicidée. »
L’association
a vu aussi un autre agriculteur très dépressif : « Son lait n’est plus
collecté, mais il ne veut pas arrêter. Il avait mis de l’argent de côté, donc
pour le moment, il reste avec ses animaux, mais il ne vend plus rien. Çà ne
pourra pas durer longtemps comme ça. Je ne sais pas comment il va
faire. »
Des
histoires comme celles-là, il y en a beaucoup. Elles ne relèvent plus de
l’anecdotique. 400 à 500, c’est le nombre de suicides d’agriculteurs recensés
chaque année en France, d’après des chiffres provenant des Caisses de la
Mutualité sociale agricole (MSA) et de l’Institut national de veille sanitaire
(inVS). Mais le chiffre réel est sans doute bien supérieur aux statistiques et
certains observateurs parlent même de 600 suicides par an.
Alors
que ceux-ci sont au bord du gouffre, les annonces gouvernementales et tables
rondes se succèdent. Tout le monde clame haut et fort qu'il faut sauver
l'élevage, que les grandes surfaces doivent augmenter les prix, que l'on doit
manger français, etc. On évoque tantôt l’embargo russe, tantôt la
conjoncture défavorable pour expliquer la crise. Mais celle-ci est avant tout
structurelle depuis des dizaines d'années et les agriculteurs, éleveurs ou pas,
sont d’abord victimes d'un manque criant d'anticipation et de clairvoyance des
décideurs politiques.
Face à
ce désarroi, François Hollande et le ministre de l’Agriculture
Stéphane Le Foll soutiennent les accords de libre-échange avec l'Amérique du
Nord (CETA) qui vont détruire à jamais la production de viande bovine en France
et mettre à rude épreuve les autres filières d'élevage.
L'agriculture
intensive est dans le mur et il faut faire le choix d'une agriculture d'avenir,
compatible avec les enjeux climatiques, qui valorise l'environnement au lieu de
le détruire, d'une agriculture qui crée de l'emploi, vivifie les territoires,
relocalise la valeur ajoutée accaparée par les multinationales de
l'agroalimentaire et les milieux financiers...
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