Le
Parlement européen, réuni en session plénière à Strasbourg, s'est prononcé en
faveur de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada
(CETA), objet d'une vive contestation.
Le
texte devra encore être ratifié par l'ensemble des parlements nationaux et
régionaux de l'UE mais curieusement 90 % de ce traité entrera en
application provisoire à partir du 1er mars, sans approbation des Parlements
des États membres…
Les
eurodéputés se sont prononcés, mercredi 15 février 2017, en faveur
du CETA, accord commercial entre le Canada et l’Union
européenne. 408 parlementaires ont voté pour, 254 contre et 33
se sont abstenus. Les eurodéputés de droite, ainsi que les libéraux
et le Parti socialiste européen étaient favorables au texte, tandis que
les Verts, l'extrême gauche, l'extrême droite et les socialistes français
s'y sont opposés.
L’accord
économique et commercial global (AECG), ou Comprehensive Economic and Trade
Agreement (CETA) est un traité dont les négociations avaient été
conclues le 18 octobre 2013 et qui a été signé le 26 septembre 2014 par le
gouvernement canadien et le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy
accompagné du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.
Comme
dans le traité de libre-échange transatlantique encore en négociation, plus
connu sous les noms de TAFTA ou TTIP (accord UE-USA), on traite dans le CETA de
l’accès aux marchés et des droits de douane, du commerce des services, des
investissements, des marchés publics, de la compatibilité réglementaire et de
la coopération réglementaire, de l’énergie, de l’arbitrage des conflits entre
firmes privées et pouvoirs publics. On trouve dans le CETA, pour chacun de ces
domaines, les propositions formulées par les grandes firmes transnationales et
avancées dans le cadre de la négociation du cycle de Doha de l’OMC.
Menace pour l’agriculture, en particulier pour la viande bovine
« Le
CETA est un accord progressiste avec un partenaire progressiste », a
souligné la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, qui
défend ce texte depuis des mois, en dépit des nombreuses critiques. « Rien
dans cet accord » n’affectera « la sûreté de la nourriture que nous
mangeons ou des produits que nous achetons », ni n’entraînera « la
privatisation » des services publics, avait-elle assuré un peu plus tôt
aux eurodéputés, au cours d’un débat de trois heures, parfois houleux.
Mais
en réalité toutes les propositions du CETA poursuivent les mêmes objectifs
: affaiblir la puissance publique au profit du secteur privé, affaiblir l’Etat
et les collectivités territoriales face aux firmes privées, affaiblir la
défense de l’intérêt général - santé, éducation, environnement - au profit
d’intérêts particuliers.
Parmi
les principales critiques, les tribunaux arbitraux amenés à être mis en place
une fois que le traité aura été définitivement approuvé. Ces juridictions
pourront être saisies par une entreprise afin de demander réparation à un Etat
qui aurait pris une réglementation contraire à ses intérêts. Le Parlement de la
région francophone belge de Wallonie (sud de la Belgique) s'en était vivement
inquiété en octobre 2016, entraînant une brève rébellion et une mini-crise
diplomatique avec le Canada, point d'orgue de la contestation. Au final, la
signature formelle du traité par l'UE et le Canada en avait été retardée de
quelques jours.
« Ce
traité est probablement contraire au droit de l’Union et peut-être même à notre
Constitution, a réagi notamment le groupe Europe-Ecologie-Les Verts. Dans ses
dispositions, il fragilise notre modèle social et environnemental et constitue
une menace pour la capacité de décision des pouvoirs publics et des citoyens.
Il crée également une justice parallèle, rompant ainsi l’égalité de toutes et
tous devant la loi. Plus généralement, il consacre la supériorité du droit
commercial sur toute souveraineté politique. »
Andrée
Desvaux du Collectif Roosevelt précise : « D’une part le CETA
aggravera encore la crise agricole, les problèmes de santé publique et la
destruction de la planète, et d’autre part il inaugure une nouvelle génération
de traités commerciaux qui déposséderont les gouvernements et les parlements de
leur capacité d’agir et de réglementer dans l’intérêt général. Car la
Commission, soutenue par la plupart des États membres, entend multiplier ce
type d’accords très larges, comprenant des dispositions d’arbitrage, de
coopération réglementaire ou encore de libéralisation des services par voie de
liste négative, ou d’ouverture de nos marchés publics à davantage d’entreprises
étrangères. »
Comme
pour le TAFTA, il convient de réduire ou d’écarter ce qu’il y a de
meilleur en termes de protection de l’environnement, de santé des consommateurs
et de diminuer les contraintes que la puissance publique peut mettre en place
pour réguler les activités des multinationales. Ce qui est promu comme des
règles «de haut niveau du 21ème siècle» pour l’économie mondiale est en
réalité un régime qui fait reculer les progrès obtenus par les mouvements
sociaux au cours du 20ème siècle. La France et les autres pays européens
risquent de voir affluer les pesticides tueurs d’abeilles, les 4x4 les
plus énergivores, les OGM et les semences mutantes, le saumon génétiquement
modifié et autres curiosités de ce genre.
Malheureusement,
le gouvernement français, tout en donnant l’impression de rejeter le TAFTA,
devenu trop impopulaire, soutient avec force le CETA qui, couplé à l’Accord de
libre-échange nord-américain (ALENA), va permettre aux 40 000 firmes
américaines qui ont un siège au Canada d’en être les premiers bénéficiaires…
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