Figure
de mai 1968, Jacques Sauvageot est décédé samedi 28 octobre à l’âge de 74
ans à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris où il avait été admis le 12
septembre dernier, après avoir été percuté par un scooter.
Jacques
Sauvageot faisait partie du trio qui ébranla le pouvoir gaulliste au printemps
1968, avec Daniel Cohn-Bendit et Alain Geismar. Cette triste
nouvelle intervient à quelques mois du cinquantième anniversaire du
mouvement de contestation de Mai 68...
Petit-fils
d’un maréchal-ferrant, fils d’un employé de la SNCF (son père avait été
militant CFTC puis CFDT) et d’une femme au foyer (" employée de
maison non rétribuée " pour reprendre une formule
qu’il employait), Jacques Sauvageot fut élevé dans une famille catholique
assez religieuse.
Il
avait une sœur et deux frères plus âgés que lui : un frère aîné, François,
séminariste puis président de l’AG-UNEF de Dijon et un autre qui accéda
aux fonctions de chercheur à l’IMANA (Institut de biologie appliquée à la
nutrition et à l’alimentation) de Dijon. Sa sœur travaillait comme
assistante sociale.
Jacques
Sauvageot fréquenta une école privée confessionnelle jusqu’en classe de
troisième puis intégra le lycée public en seconde et réussit le bac
sciences expérimentales. A la faculté de lettres de Dijon, il suivit
des études de lettres (histoire de l’art et histoire générale) et de droit
(droit public) et obtint deux licences en histoire de l’art et en
droit.
L'UNEF
et le PSU
Quand
il rentra à l’UNEF, son premier travail militant consista à tirer des
polycopiés. Il s’occupa ensuite de la chorale étudiante, du secteur culturel
puis devint président pour deux ans de la corpo de lettres et président de
l’Association générale des étudiants de Dijon (AG-UNEF) jusqu’en juillet 1967.
Délégué régional de l’UNEF, il décida de quitter Dijon pour des raisons
personnelles, une déception amoureuse.
Arrivé
à Paris en septembre 1967, il entra immédiatement au bureau national de l’UNEF.
Sympathisant du PSU, il adhéra à ce parti en février 1968
et participa aux débats internes aux ESU (Étudiants socialistes unifiés).
Vice-président universitaire adjoint de l’UNEF, il s’occupait des
résidences universitaires. Tout alla ensuite très vite dans un contexte de
concurrence violente entre les différents courants d’extrême
gauche.
Il
n’était pas d’accord avec le vice-président universitaire de l’UNEF ainsi
qu’avec le président Michel Perreaud qui démissionna en avril 1968. Jacques
Sauvageot fut proposé pour le remplacer par intérim. La prise en main de la
direction par un membre du PSU était le fruit d’un compromis entre les groupes
d’extrême gauche, à l’exception des lambertistes. Ses interlocuteurs au PSU
étaient Marc Heurgon, Abraham Béhar et Jean-Marie Vincent.
Les
mobilisations concernant le plan Fouchet et la création des IUT rencontraient
un certain succès, la mise en cause des règlements des résidences
universitaires eut un très grand impact. Mais il avait cependant conscience que
l’UNEF était en état de faiblesse. En effet, des Associations générales (AG)
agissaient de façon autonome et les contestataires du " 22 mars " à
Nanterre ne comptaient pas sur l’UNEF.
À
l’Université de Nanterre, les militants du PSU participaient aux réunions du
" 22 mars ". Les structures de l’UNEF se fissuraient
et à partir du moment où l’université de Nanterre fut fermée, l’UNEF
s’engagea dans la solidarité. Pendant les vacances de Pâques, Jacques Sauvageot
se rendit en Italie, délégué par le PSU à un congrès d’organisations politiques
progressistes anti-impérialistes.
Le 3
mai 1968, il fit partie des militants arrêtés à la Sorbonne et
c’est là qu’il eut l’occasion de faire mieux connaissance avec Daniel
Cohn-Bendit. L’UNEF lança un mot d’ordre de grève et prit des contacts avec les
syndicats d’où sortit l’appel à la manifestation du 13 mai et
l’acceptation par la CGT que soit en tête de cortège, à côté des syndicats
ouvriers, les représentants de l’UNEF, du SNES-sup, du mouvement des lycéens et
du " 22 mars ".
En mai
1968, il quitta la résidence universitaire d’Antony pour s’installer à l’hôtel
à Paris afin d’être totalement disponible. Le Mai étudiant changea le statut
public de Jacques Sauvageot qui apparaissait aux côtés d’Alain Geismar et de
Daniel Cohn-Bendit comme un leader d’un mouvement puissant et un porte parole.
Certains médias se tournèrent vers l’UNEF pour comprendre le mouvement et si
Jacques Sauvageot n’eut pas l’impact médiatique d’un " Dany ", il
contribua à faire connaître les revendications étudiantes.
Le 27
mai, ce sont les contacts du PSU qui ont permis l’organisation du rassemblement
du stade de Charléty où se rendit notamment Pierre Mendes France. Puis,
avec l’annonce des élections législatives, le fossé se creusa avec Michel
Rocard qui voulait inscrire son parti dans la compétition électorale.
Après
l’échec électoral et la fin des grèves, Jacques Sauvageot se déplaça beaucoup
en province pour porter l’esprit de mai. Il anima en juillet le débat au sein
de l’UNEF et devint président en titre au congrès de Marseille de décembre
1968. Son sursis arrivant à terme, le service militaire mit fin à son
syndicalisme étudiant. Mobilisé dans une base aérienne en Corse, il fut
accueilli par un militant du PSU dont la voiture connut un plasticage. Refusé
aux EOR (élève officier de réserve), le caporal-chef
Sauvageot resta donc dans sa base.
À son
retour après 15 mois, en juillet 1970, il fut " quasi permanent " du
PSU sans salaire. Il écrivit dans Tribune socialiste et dans la revue
Que-faire ?. Il participa à la GOP (Gauche ouvrière et paysanne)
interne puis à " Pour le communisme " (fusion de la GOP externe et de
Révolution) et à l’Organisation communiste des travailleurs (OCT). Conscient
d’avoir créé " un groupuscule de plus ", il quitta ce militantisme en
1976. Domicilié à Savenay, son activité se porta vers les Radio libres,
particulièrement celle de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique.
Jacques
Sauvageot vécut à Paris jusqu’en 1973 puis à Nantes sans trouver d’emploi
durable. Il travailla comme enquêteur agricole à l’initiative de l’élu socialiste Rezé
Jacques Floc’h, puis un temps comme ouvrier spécialisé (OS) dans une usine
de transformateurs électriques, avant d’être recruté comme professeur
d’histoire de l’art à l’école des beaux-arts de Nantes, non sans difficultés
car le premier concours fut annulé par le ministère de la Culture. Un concours
s’étant ouvert ensuite pour le poste de directeur de l’école régionale des
beaux-arts de Rennes en 1989, il fut sélectionné et occupa cette fonction
jusqu’à 2009. Il créa et présida l’Association des directeurs d’écoles d’art.
Associé
au cinquantenaire du PSU en 2010, Jacques Sauvageot était un des responsables
de l’Institut Tribune socialiste (ITS) où son travail sur la mémoire et les
archives du PSU se mêlait à la réflexion sur le présent et l’avenir des
mouvements sociaux et de l’émancipation…
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