Le
55ème salon International de l’Agriculture, qui s'est ouvert à Paris
le 24 février dernier, a vu le passage, dès le premier jour, du Président de la
République visitant tous les stands et dégustant les spécialités
régionales devant l'ensemble des micros et caméras.
Emmanuel
Macron a battu le record de présence avec plus de 12H30 passées au salon, record détenu précédemment par François Hollande
avec 12H00, mais les questions essentielles n’ont reçu de sa part que des réponses évasives...
La
crise actuelle de l’agriculture est avant tout structurelle. Elle est le
symptôme de la faillite d’un mode de développement productiviste qui a ravagé
peu à peu l’agriculture familiale et paysanne en France, en Europe et dans les
pays du Sud. Le système actuel est allé au bout de sa logique en
faisant disparaître massivement les paysans à chaque crise
agricole. Il y avait 2 300 000 exploitations agricoles en 1950 et il y en a
plus que 450 000 aujourd'hui.
Les
agriculteurs, éleveurs ou pas, sont d’abord victimes d'un manque criant
d'anticipation et de clairvoyance des décideurs politiques. Comment
ne pas être déçu quand on sait que depuis la mise en place de la politique
agricole commune (PAC) à la fin des années 50, les responsables politiques
de tous bords ont développé le produire plus, la modernisation et les économies
d'échelles. A chaque crise, la réponse a été identique : il faut grossir,
augmenter la taille de son élevage, ce qui entraîne automatiquement une
surcharge de travail, la mécanisation pour compenser, l'emprunt pour
financer.
Cette
politique a même été accompagnée pendant toutes ces années avec bienveillance
par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles
(FNSEA), principal syndicat agricole. D'après la confédération paysanne,
la FNSEA soutient l’industrialisation des exploitations, l’exploitation
animale, l’utilisation de pesticides dans un but de rentabilité, de
productivité et de compétitivité. Elle s'oppose régulièrement aux normes et
contraintes environnementales par l'organisation d'importantes manifestations
et lobbying comme on l'a vu récemment à propos du glyphosate.
Le suicide des agriculteurs
Par la
multiplication des contraintes administratives et environnementales, le
système du " toujours moins cher ", la politique des
travailleurs détachés payés 3 € de l'heure, notamment dans les abattoirs
allemands, le développement des fermes usines et le dogme intangible de
l’ouverture des frontières défendus par la commission de Bruxelles et approuvé
par toute la classe politique, de plus en plus de paysans ne savent plus comment survivre
et mettent fin à leurs jours.
Un
membre de l’association " Solidarité paysans en Île-et-Vilaine "
raconte : " Il y a deux semaines, on a appris, pour une famille,
qu’une dame brûlait toutes ses factures. Son mari, ses frères, personne ne se
doutait de rien, tout semblait aller bien. Et puis, la dame a vu paraître, dans
un journal agricole, l’avis de liquidation de leur ferme. Elle s’est suicidée.
"
L’association
a vu aussi un autre agriculteur très dépressif : " Son lait n’est plus
collecté, mais il ne veut pas arrêter. Il avait mis de l’argent de côté, donc
pour le moment, il reste avec ses animaux, mais il ne vend plus rien. Ça ne
pourra pas durer longtemps comme ça. Je ne sais pas comment il va faire. "
Des histoires comme celles-là, il y en a beaucoup mais curieusement on n'en parle pas ou très peu dans les médias. Pourtant, elles ne relèvent plus de l’anecdotique car 400 à 500 agriculteurs se suicident chaque année en France, d’après des chiffres provenant des Caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) et de l’Institut national de veille sanitaire (inVS). Mais le nombre réel est sans doute supérieur aux statistiques et certains observateurs parlent même de 600 suicides par an.
Des histoires comme celles-là, il y en a beaucoup mais curieusement on n'en parle pas ou très peu dans les médias. Pourtant, elles ne relèvent plus de l’anecdotique car 400 à 500 agriculteurs se suicident chaque année en France, d’après des chiffres provenant des Caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) et de l’Institut national de veille sanitaire (inVS). Mais le nombre réel est sans doute supérieur aux statistiques et certains observateurs parlent même de 600 suicides par an.
Que fait Emmanuel Macron ?
Le
plan d'urgence proposé par le gouvernement est considéré par de nombreux
agriculteurs au mieux comme une rustine pour traiter un mal très profond,
au pire comme un plan de licenciement des petites et moyennes
exploitations.
Dans
tous les cas, le compte n'y est pas. Alors que les agriculteurs sont au
bord du gouffre, les annonces gouvernementales et tables rondes se succèdent.
Tout le monde clame haut et fort qu'il faut sauver l'élevage, que les grandes
surfaces doivent augmenter les prix, que l'on doit manger
français, etc.
Mais
face à ce désarroi, Emmanuel Macron et son ministre de l’agriculture et de
l’Alimentation, Stéphane Travert, soutiennent les accords de libre-échange avec
l'Amérique du Nord comme le TAFTA (accord UE-Etats-Unis) ou le CETA (accord UE-Canada) qui vont détruire à
jamais la production de viande bovine en France et mettre à rude épreuve les
autres filières d'élevage. C'est le cas du porc canadien dont le
contingent d'importations va passer progressivement d'environ 6 000
tonnes/an (en poids de carcasse), taxées de 0,23 euro/kg à 0,43 euro/kg, à 81
000 tonnes/an taxées à 0%...
Pire,
à propos d'un autre accord international de libre-échange actuellement en
cours de négociation entre l'Union Européenne et 4 pays du Mercosur (Brésil,
Argentine, Paraguay et Uruguay), Emmanuel Macron a vigoureusement
réaffirmé son soutien au projet devant les agriculteurs. En réponse aux critiques, il s'est seulement
contenté de dire que cet accord prendrait effet que dans 5 ans comme si ce
délai était la solution au problème de l'arrivée prochaine sur le
marché européen de 70 000 à 100 000 tonnes de viande bovine dispensées de
droits de douane ! L'abaissement des tarifs douaniers prévu dans l'accord
Mercosur sera huit fois plus important que ce qui a été acté dans le CETA !
"
Il n'y aura jamais de bœuf aux hormones en France ", a-t-il promis encore
tout en assurant qu'il travaillerait à ce qu'il y ait des possibilités de
" bien contrôler aux frontières la traçabilité et les normes
environnementales et sociales ". Une telle hypocrisie est confondante alors
que chacun sait que l'importation massive de viande à bas coût venue
d'Amérique du Sud va introduire des produits à la qualité
douteuse et que les élevages de bovins, porcs et volailles sud-américains
sont essentiellement nourris à base d'OGM, en particulier de soja transgénique !
Concernant
le glyphosate, Emmanuel Macron a répété ce qu'il avait dit précédemment sur
Twitter : " J'ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions
nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès
que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans ".
Mais au-delà de ce pur effet d’annonce, le président de la République sait pertinemment qu'il ne pourra pas faire grand-chose dans les trois années qui viennent au risque de voir la France poursuivie par la commission européenne pour non-respect des règles de concurrence. Face au dogme de la libre circulation des marchandises, la France sera impuissante pour s'opposer à l'entrée sur son territoire de produits contenant du glyphosate venant des autres pays européens, du canada ou des Etats-Unis !
Mais au-delà de ce pur effet d’annonce, le président de la République sait pertinemment qu'il ne pourra pas faire grand-chose dans les trois années qui viennent au risque de voir la France poursuivie par la commission européenne pour non-respect des règles de concurrence. Face au dogme de la libre circulation des marchandises, la France sera impuissante pour s'opposer à l'entrée sur son territoire de produits contenant du glyphosate venant des autres pays européens, du canada ou des Etats-Unis !
Finalement,
comme son prédécesseur François Hollande, Emmanuel Macron tient en permanence un double discours et ne semble pas encore avoir compris que l'agriculture intensive est dans le mur, qu’il faut faire le
choix clair d'une autre agriculture qui valorise l'environnement au lieu de le
détruire, crée de l'emploi, vivifie les territoires, relocalise la valeur
ajoutée accaparée par les multinationales de l'agroalimentaire et les milieux
financiers.
Il
faut rétablir des mécanismes publics de stockage, de stabilisation des prix et
de maîtrise de l’offre aux niveaux national et régional, favorisant les
exploitations familiales et garantissant un revenu stable aux agriculteurs et
des prix raisonnables aux consommateurs. Il faut aussi s’attaquer à
la spéculation sur les produits agricoles et arrêter les accaparements de
terre par des pays étrangers, notamment la Chine qui installe ses holdings
foncières aux Pays-Bas, en Belgique ou au Luxembourg pour éviter toute
pression fiscale en France.
Devant
cette grave crise agricole et les centaines de
suicides de paysans qu'elle entraîne chaque année, un énième plan d’urgence ne
suffira pas si on ne change pas de logiciel…
Photo Creative Commons
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