A la
confluence de sensibilités diverses, d’histoires et de patrimoines culturels
militants pluralistes, les collectifs anti-libéraux étaient un espace innovant,
ouverts à la convergence et au consensus.
Toutes
les forces réunies savaient que seule une candidature - trait d’union entre
toutes les sensibilités - en dehors de tout représentant officiel d’un parti,
pouvait faire renaître l’espoir né au lendemain de la victoire du
"NON" au référendum sur le TCE en 2005.
Les
décisions du PCF de faire entrer en campagne sa secrétaire nationale ainsi que
le repli identitaire de la LCR, portent un rude coup à la construction d’une
nouvelle gauche faisant le lien entre le meilleur des traditions du mouvement
ouvrier et l’inventivité d’une nouvelle gauche radicale, sociale et écologique.
Cet
échec n’est pas forcément une bonne nouvelle pour Ségolène Royal qui aura
besoin de toutes les voix à la gauche du PS pour pouvoir l’emporter au deuxième
tour de l’élection présidentielle. L’autre gauche, ainsi dispersée, risque de
manquer à la gauche.
Pour
Jean-Luc Mélenchon qui a défendu la nécessité de cette «union dans l’union»,
c’est une «une grande déception».
Pour Bernard Langlois, journaliste à Politis, le PCF risque maintenant de disparaître complètement de la scène politique…
On
sait que, pour des raisons obscures, les baleines parfois se suicident. On les
retrouve, agonisantes, échouées sur quelque grève, offrant leur corps obèse à
la curiosité des foules ébaubies : que la baleine est triste à voir sur la
plage où elle vient mourir (je sais : le « suicide » des baleines a sans doute
plus à voir avec le réchauffement climatique qu’avec un supposé désespoir; cet
anthropomorphisme n’est venu sous ma plume que pour faire image...) !
Ainsi,
comme la baleine, le Parti communiste français a choisi de se suicider. Et il
entraîne, dans sa disparition programmée, celle des espoirs nés d’un
rassemblement d’une gauche radicale capable de peser dans le débat de la
présidentielle.
Les
rénovateurs du parti, et avec eux nombre de militants connus et inconnus, se
seront battus jusqu’au bout pour tenter d’éviter cette issue fatale, en vain.
Avec un indéniable talent et des accents de sincérité à vous arracher des
larmes, la secrétaire nationale aura jusqu’au bout, sur toutes les tribunes, à
tous les micros, affirmé sa volonté d’accoucher enfin de ce rassemblement
unitaire antilibéral dont elle proposait, modestement, d’être le porte-drapeau
; tout en sachant fort bien qu’il ne pouvait en être ainsi, que jamais la
diversité des composantes du dit rassemblement ne pourrait s’accommoder d’une
candidature issue d’un parti fût-il majoritaire et le partenaire le plus
puissant : parce qu’il est le plus puissant et majoritaire ; et encore moins
que cette candidature soit celle de la « patronne » de ce parti. Double
langage, adossé à de savantes manœuvres de manipulation des comités de base, où
des militants encartés et soigneusement conditionnés, surgis de nulle part,
sont venus dans la dernière ligne droite voter au canon pour la seule candidate
possible aux yeux de l’appareil : Marie-Georges. Restait, en toute candeur, à
tirer la leçon d’un apparent bon sens : « La démocratie a parlé, les comités
m’ont désignée, qu’y puis-je ? » Dans une ultime concession illusoire, on va
donc faire revoter le parti, qui confirmera la vox populi. Puis, parenthèse
refermée, le PCF entrera en campagne ; et les comités chercheront à sauver ce
qui peut l’être : pas grand-chose en l’occurrence. Pour l’immédiat de la
présidentielle.
Pèse
toujours cette vieille fatalité sur tous les efforts de recomposition d’une
gauche française digne de ce nom : on ne peut rien faire sans le PCF ; mais on
ne peut rien faire non plus avec lui. Rideau.
La
période qui se clôt ainsi (provisoirement), née dans l’euphorie de la campagne
unitaire du référendum et de la victoire du non, qui est apparue porteuse de
tous les espoirs, est riche d’enseignements.
Et
d’abord, le succès des rassemblements unitaires : les grands meetings, les
salles bourrées de monde et d’enthousiasme ; les débats passionnés des
collectifs, in vivo et sur le Net ; les acquis programmatiques de cette période
militante très riche. Tout cela est engrangé et ne sera pas perdu même si
c’est râpé pour la présidentielle (le rendez-vous le plus difficile par
nature), suivent des législatives, des municipales...
Ensuite,
le grand trouble qui agite le PCF : la ligne imposée par l’appareil est très
loin de passer comme une lettre à la poste. En témoignent notamment les
démissions de Zarka, de Martelli et de quelques autres du comité exécutif, qui
dénoncent « les réflexes régressifs resurgis à l’intérieur du parti [qui]
mettent en cause l’unité des communistes » ; ou encore, la lettre de quelques
vieux « historiques » (Séguy, Sève, Ralite, Mazauric, Simon), appelant leurs
camarades à ne pas se bloquer sur la candidature Buffet et à « assurer
autrement, à moindres risques, la tenue du cap décidé en commun » ; et les
nombreuses pétitions, adresses, messages surgis de partout. À l’inverse, de
vieux relents de stalinisme remontent aussi des profondeurs, comme l’accusation
d’anticommunisme (envers ceux qui ne sont pas au PC) ou de traîtrise (pour ceux
qui y sont) à l’adresse des réfractaires à la ligne juste : l’illustre bien la
pitoyable polémique autour de la couverture du mensuel Regards (une
représentation de la Cène, où les visages des différents acteurs du
rassemblement unitaire figurent sur les corps des apôtres, et où, « par
intention maligne, par dénigrement », assurent les partisans de la secrétaire
nationale, la frimousse de Marie-Georges a été placée sur le corps de Judas !
Shame and scandal in the family !) (1). Il sera difficile de mobiliser pour une
campagne communiste pur sucre... En fait, une majorité de communistes n’ont pas
encore compris ce qu’il y aurait eu à gagner y compris pour leur parti, le
plus fort et le plus organisé des partenaires du « rassemblement unitaire » à
renoncer au passage en force : sans rêver tout debout à une présence au second
tour, un probable score à deux chiffres à la présidentielle aurait créé une
position de force, oubliée depuis bien longtemps, pour peser sur la candidate
socialiste (qu’il faudra bien soutenir in fine si l’on veut éviter cinq ans de
sarkozysme), et la possibilité de belles victoires aux législatives qui
suivront, en concurrence avec le PS et non plus en venant lui manger dans les
mains pour s’assurer quelques bastions, comme c’est devenu la règle. C’eût été
un choix stratégique essentiel, dont nos voisins allemands et hollandais ont
déjà expérimenté la validité. Le PCF préfère le confort de la satellisation au
PS, comme déjà le PRG, les chevènementistes et les Verts.
Tant
pis pour lui (bien heureux s’il atteint les 5 % !) et pour nous tous : la
recomposition politique de la gauche finira par se faire ; mais nous ne sommes
visiblement pas encore au terme de la décomposition !
Il
faut aussi pointer, dans ce marasme, la responsabilité de quelques autres
protagonistes. Celle de José Bové, qui semblait pouvoir, grâce à sa popularité
(payée cash), à sa « surface » internationale, à son positionnement à la
confluence du combat syndical et de la lutte écologiste, être le porte-drapeau
le plus efficace pour une campagne unitaire antilibérale : peut-être a-t-il été
trop absent ou a-t-il paru trop détaché dans le débat préparatoire, peut-être
a-t-il jeté l’éponge trop vite ? De même, le refus de la direction de la LCR de
se jeter de toutes ses forces dans la bataille, la mise en avant d’une campagne
autonome Besancenot n’ont guère joué en faveur d’une solution. Mais peut-être
ont-ils senti très vite l’un et l’autre, avant tout le monde, que Buffet et
l’appareil avaient choisi de les « balader », et tous les autres avec... Sauf
coup de théâtre de dernière minute, dont je serais ravi (mais je n’y crois
pas), nous voici donc tous orphelins d’une candidature de rassemblement et de
la belle campagne qui pouvait s’y raccorder. Nous aurons quatre, voire cinq
candidats à la gauche du grand parti attrape-tout ségoléniste. Comme d’hab.
Comme le ralliement du Che et celui du parti cassoulet à la Pimprenelle sont acquis, même plus besoin d’un vote utile de premier tour.
On
pourra aller à la pêche (ou voter blanc, ce qui est préférable).
© Bernard Langlois, décembre 2006
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3 commentaires:
L’échec de la gauche anti-libérale est le symptôme d’une incapacité à accepter l’autre.
Pour nombre de militants de la gauche radicale, le compromis équivaudrait à la compromission.
Le compromis est inacceptable parce que traître à l’idée qu’ils se font d’un monde idéal.
Un jour peut-être l’un de ces mouvements réussira…
Les communistes vivent la situation politique actuelle de manière schizophrène : d’un côté, ils ont le sentiment que leur parti se porte mieux, de l’autre ils sont inquiets voire fébriles à l’approche des échéances de 2007.
Mais enfin, je ne comprends pas où est le problème ? On n'a qu'à maintenir l'Union de Gauche antilibérale sans le PCF, avec les militant LCR unitaires et les militants PCF unitaires !
Sans MG Buffet et sans le bureau politique du PCF, cela pourrait faire revenir Olivier Besancenot, José Bové et, qui sait, peut-être Arlette Laguiller, puisque leur problème était principalement lié au PCF !
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