Il y a
cent un ans, les députés français votaient une loi qui établissait les
fondements de la construction de la laïcité française. Le président de la
République, Emile Loubet, proclamait la nouvelle loi et notamment son titre 2 :
“a République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
Ce
principe représentait une véritable révolution dans une France où l’influence
de l’Église catholique sur la vie politique et le vote des français était très
prégnante...
Le bénéfice de cette loi, votée suite à un rapport de Jean Jaurès, est d'avoir
ainsi ouvert une période de pacification entre la République et les Eglises, en
veillant, comme disait Jules Ferry, à ce que «la République s’arrête au seuil
des consciences». Mais les questions de laïcité se posent aujourd’hui en des
termes différents qu’il y a un siècle. Il s’agit désormais de faire vivre
ensemble, dans une même société ouverte au monde, plusieurs religions, et - on
l’oublie souvent - de garantir le droit de ne pas croire à ceux qui ne croient
pas.
En
effet, parallèlement aux financements publics de l'Etat s’ajoutent des
financements importants de la part de collectivités territoriales. Des maires,
présidents de conseils généraux ou régionaux sont souvent amenés à
subventionner une ou plusieurs religions dans le cadre de leur mandat. D’autres
élus, plus courageux, maires en général, refusent toute subvention pour ne pas
augmenter une fiscalité locale, déjà très lourde et injuste car uniforme et non
progressive comme l’impôt sur le revenu.
Le
combat laïque continue donc et passe aussi par le refus de ces nouvelles
ponctions fiscales destinées à financer les religions, leurs œuvres et leurs
enseignements.
Une
laïcité moderne, c’est avant tout une clarté dans le langage et le
comportement. C’est réaffirmer par exemple qu’il n’est pas dans notre tradition
républicaine que des dirigeants politiques fassent étalage de leurs convictions
religieuses.
C’est
aussi, lorsqu’on est ministre de l’intérieur, ne pas se faire le promoteur de
cultes dont on ne devrait être que le garant impartial, ni s’appuyer sur les
tendances les plus extrêmes.
Discours
laïque d’un côté et pratiques communautaristes de l’autre : le petit jeu qui
consiste à légitimer des personnes ou des groupes qui se réclament d’une
interprétation maximaliste de la religion en espérant tel «bon procédé» en
retour est un jeu dangereux.
La
République laïque, c’est aussi une certaine constance dans les positions. Ce
n’est pas tel ministre de l’Education Nationale, auteur d’une circulaire
prohibant le voile à l’école, constatant son échec et récusant en même temps
toute loi pour y remédier.
Dans
une Europe qui accueillera dans les prochaines décennies des dizaines de
millions d'étrangers, il faudra bien organiser une manière de vivre assurant à
chacun la liberté complète de conscience et d'exercice du culte, sans pour
autant transformer l'Europe en «Balkans.
Le
principe de laïcité pour tous devrait être enseignée aux futurs enseignants et
commencer d’abord par l'école. Car si le droit est aujourd’hui précis pour les
agents des trois fonctions publiques, qui doivent respecter une stricte
neutralité religieuse, il l’est moins pour les usagers des services publics ou
pour l’utilisation que l’on peut faire de ces services.
La
commission Stasi avait relevé certains compléments souhaitables à la loi
hospitalière, les gynécologues notamment rappelant cette nécessité. Cela
pourrait être renforcé par une charte définissant les principes laïques dans
les services publics.
Et
plutôt que segmenter les questions, il aurait été préférable de procéder au
vote d’une loi d’ensemble sur la laïcité, distinguant dans ses différents
articles le cas de l’école, de l’hôpital ou de l’entreprise.
Mais
au-delà du rappel de ces quelques formules de base concernant une laïcité
claire pour tous, se pose le problème du financement par l’argent public des
religions, de leurs activités, œuvres, écoles et enseignements.
Ce
terrain est d’autant plus glissant que l'émergence de l'islam comme deuxième
religion en France bouleverse les équilibres construits avec la loi de 1905.
A
droite, le ministre de l'Intérieur et président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, a
souhaité ouvrir le débat sur une éventuelle révision de la loi de 1905, pour
que l'Etat puisse participer au financement de la construction de mosquées et
apporter une réponse au problème réel du manque de lieux de culte.
Le
tout sous l'œil vigilant du Front national de Jean-Marie Le Pen et du Mouvement
pour la France de Philippe de Villiers, hostiles à toute tentative de
financement public des mosquées mais fermant les yeux chaque fois qu’il s’agit
de financer les activités de l’église catholique.
A
gauche, aussi, les partisans d’un financement public des religions existent
aussi. C’est ainsi que le député-maire PS d'Evry, Manuel Valls, est partisan
d'une modification de la loi de 1905 pour permettre un financement public des
lieux de culte musulman.
Une
étude détaillée des fonds publics au profit des religions et de l’enseignement
privé révèle que des sommes très importantes sont détournées chaque année au
mépris des lois laïques.
Le
gouvernement verse ainsi au titre des lois Debré-Guermeur-Rocard, en
remboursement des salaires des maîtres du privé, la somme de 7 milliards
d’euros (plus de 40 milliards de francs) à l’enseignement privé.
Cette somme détournée de sa mission d’origine, l’Ecole de la République, représente l’équivalent de 200 000 postes d’enseignants (charges comprises).
Année
après année, gouvernement après gouvernement, des mesures dirigées contre
l’enseignement public s’amoncèlent, visant à privilégier toujours davantage
l’enseignement privé, essentiellement catholique. C’est ainsi que :
- le conseil général de Seine-Saint-Denis, en 2005, a versé 2 292 000 € pour le fonctionnement des collèges privés
- le conseil général d’Indre-et-Loire, en 2006, a attribué 333 766 € de subventions à des associations catholiques et pour la réfection de cloches et de lieux de culte
- la mairie de Paris, en 2005, a financé pour 424 842 € des crèches Loubavitch
- en Vendée, les subventions attribuées en 2006 par 42 communes pour les organismes de gestion et les associations de parents d’élèves de l’enseignement catholique (OGEC, APEL) s’élèvent à 3 698 000 €
- à Marseille, les travaux d’entretien et de conservation de Notre-Dame de la Garde, édifice privé, ont bénéficié de près de 7 millions € de fonds publics…
- en Alsace-lorraine, le maintien du statut clérical d’exception favorise outrageusement les cultes «reconnus» : catholicisme, luthérianisme, calvinisme, et judaïsme. Plusieurs milliers de religieux sont payés à des indices de la fonction publique, ce qui représente un détournement de 36,75 millions € pour financer les religions.
Et il
faudrait encore y ajouter, en application de l’article 89 de la loi de
décentralisation du 13 août 2004, le financement imposé à toutes les communes
des dépenses de fonctionnement des écoles privées hors territoire communal,
estimées à 280 millions € !
Le financement à un niveau aussi élevé des religions, au premier rang desquelles figure la religion catholique, est un véritable danger pour la République, d’autant plus grave que l'Etat reporte de plus en plus sur les collectivités locales*, des financements dont il avait la charge jusqu’à présent…
* Le budget des collectivités locales est largement financé par les impôts indirects (taxe immobilière, foncière, etc.), qui sont particulièrement injustes car ils frappent les personnes aisées comme les plus pauvres de la même façon.
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3 commentaires:
L'histoire religieuse est enseignée au lycée. En 6ème, les élèves étudient les hébreux et le christianisme, en 5ème la religion musulmane.
En 2ème, ils étudient de nouveau le christianisme et les influences chrétiennes et musulmanes sur le pourtour du bassin méditerranéen au Moyen-âge.
Aujourd’hui, cela devrait suffire et les impôts des citoyens, à plus forte raison ceux des non-croyants, ne devraient pas être utilisés pour financer sous une forme ou une autre les religions.
Pourquoi ne pas faire appel aux dons privés comme le Téléthon ? Les seuls croyants pourraient ainsi financer leur religion personnelle...
J’ai longtemps défendu la laïcité (entre une mère institutrice et un père anti-clérical, ce serait difficile de faire autrement…) mais plus j'observe la monte de l'anti-islamisme, plus je me dis qu'enseigner les religions a l'école ne serait pas du tout contraire a la loi de la séparation de l'église et de l'Etat.
Beaucoup de nos intolérances religieuses (y compris chez ceux qui pratiquent une religion sans vraiment la connaitre) proviennent de notre ignorance.
Il faudrait qu'il y ait a l'école un temps consacré aux grandes classes de religion ainsi qu’à des philosophes athées, le tout reparti de façon équitable. Ainsi les enfants seraient exposés a toutes les croyances et non-croyances et subiraient ainsi moins l'influence unique des parents dans ce domaine...
Cela ferait d’eux des futurs adultes plus ouverts et tolérants...
Pour les doux rêveurs, pensez vous que les pays sous influence des islamistes soient aussi tolérants envers les autres religions.
Source : Le Parisien – Jeudi 23 Mars 2006. Algérie
La loi en renfort de l’islam.
Le conseil de la nation algérien (l’équivalent du Sénat) vient d’approuver une ordonnance qui prévoit de lourdes amendes de 5000 euros à 10 000 euros et des peines de prison de deux à cinq ans pour ceux qui tentent « de convertir un musulman à une autre religion » . La loi concerne également ceux qui fabriquent des documents « qui visent à ébranler la foi musulmane ». Tout autre culte que le culte musulman, qui est religion d’état, sera également interdit en dehors d’édifices spécifiques. Cet arsenal juridique est destiné à interdire tout « prosélytisme et autres compagnes clandestines d’évangélisation ». Si les Eglises évangéliques qui tentent de s’implanter en Algérie sont en ligne de mire, certains intellectuels laïcs s’inquiètent de ce qu’ils considèrent comme une islamisation de la société Algérienne. Il y a quelques semaines en effet, plus de 2000 détenus islamistes qui avaient eu maille à partir avec la justice durant les années de terrorisme ont été remis en liberté.
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