Comme
chaque année, le 8 mai à Velleron, petite localité du département de
Vaucluse, se tient la fête de la fraise qui est une occasion unique de déguster
ce fruit décliné en plusieurs variétés : Pajaro, Agathe, Ciflorette,
Garriguette, Clery. Un grand succès populaire et gourmand qui permet d’oublier,
un tant soit peu, l’arrivée en masse des fraises d’hiver espagnoles sur les
marchés et dans les grandes surfaces, avant le mois de mai.
En
remontant la filière des fraises d’Espagne, le WWF (World Wildlife Fund) a
constaté que la plupart des exploitations se trouvent au cœur d’une forêt, en
lisière du parc national de Donana, l’une des principales zones humides
protégées d’Europe. De longs tunnels de plastique blanc, faisant office de
serres, y moutonnent à perte de vue et les lambeaux de plastique font
maintenant partie du paysage, accrochés le plus souvent aux buissons de genêts.
Pour
irriguer les champs, les producteurs creusent de nombreux puits, le plus
souvent sans aucune autorisation. Il y a quelques années encore, l’eau se trouvait
à 7 m de profondeur, aujourd’hui, elle se trouve à 30 m…
A ce rythme-là,
cette région marécageuse avec ses pins et eucalyptus, pourrait se transformer
en savane. Pour éviter une telle catastrophe, la solution passe avant tout par
une culture légale et raisonnable. Autre solution aussi, ne plus manger de
fraises d’hiver, consommer les productions locales à partir de mai, simplement,
comme avant…
« D'ici à la mi-juin, la France aura importé d'Espagne plus de 80 000 tonnes de fraises. Enfin, si on peut appeler «fraises» ces gros trucs rouges, encore verts près de la queue car cueillis avant d'être mûrs, et ressemblant à des tomates. Avec d'ailleurs à peu près le goût des tomates...
Si le
seul problème posé par ces fruits était leur fadeur, après tout, seuls les
consommateurs piégés pourraient se plaindre d'avoir acheté un produit qui se
brade actuellement entre deux et trois euros le kilo sur les marchés et dans
les grandes surfaces, après avoir parcouru 1 500 km en camion. À dix tonnes en
moyenne par véhicule, ils sont 16 000 par an à faire un parcours valant son pesant
de fraises en CO2 et autres gaz d'échappement. Car la quasi-totalité de ces
fruits poussent dans le sud de l'Andalousie, sur les limites du parc national
de Donana, près du delta du Guadalquivir, l'une des plus fabuleuses réserves
d'oiseaux migrateurs et nicheurs d'Europe. Il aura fallu qu'une équipe
d'enquêteurs du WWF-France s'intéresse à la marée montante de cette fraise hors
saison pour que soit révélée l'aberration écologique de cette production qui
étouffe la fraise française (dont une partie, d'ailleurs, ne pousse pas dans de
meilleures conditions écologiques). Ce qu'ont découvert les envoyés spéciaux du
WWF, et que confirment les écologistes espagnols, illustre la mondialisation
bon marché.
Cette
agriculture couvre près de six mille hectares, dont une bonne centaine
empiètent déjà en toute illégalité (tolérée) sur le parc national.
Officiellement, 60% de ces cultures seulement sont autorisées; les autres sont
des extensions «sauvages» sur lesquelles le pouvoir régional ferme les yeux en
dépit des protestations des écologistes.
Les
fraisiers destinés à cette production, bien qu'il s'agisse d'une plante vivace
productive plusieurs années, sont détruits chaque année. Pour donner des
fraises hors saison, les plants produits in vitro sont placés en plein été dans
des frigos qui simulent l'hiver, pour avancer leur production. À l'automne, la
terre sableuse est nettoyée et stérilisée, et la microfaune détruite avec du
bromure de méthyl et de la chloropicrine. Le premier est un poison violent
interdit par le protocole de Montréal sur les gaz attaquant la couche d'ozone,
signé en 1987 (dernier délai en 2005); le second, composé de chlore et
d'ammoniaque, est aussi un poison dangereux: il bloque les alvéoles
pulmonaires.
Qui
s'en soucie? La plupart des producteurs de fraises andalouses emploient une
main-d’œuvre marocaine, des saisonniers ou des sans-papiers sous-payés et logés
dans des conditions précaires, qui se réchauffent le soir en brûlant les
résidus des serres en plastique recouvrant les fraisiers au cœur de l'hiver. Un
écologiste de la région raconte l'explosion de maladies pulmonaires et
d'affections de la peau.
Les
plants poussent sur un plastique noir et reçoivent une irrigation qui
transporte des engrais, des pesticides et des fongicides. Les cultures sont
alimentées en eau par des forages dont la moitié a été installés de façon
illégale. Ce qui transforme en savane sèche une partie de cette région
d'Andalousie, entraîne l'exode des oiseaux migrateurs et la disparition des
derniers lynx pardel, petits carnivores dont il ne reste plus qu'une trentaine
dans la région, leur seule nourriture, les lapins, étant en voie de
disparition. Comme la forêt, dont 2 000 hectares ont été rasés pour faire place
aux fraisiers.
La
saison est terminée au début du mois de juin. Les cinq mille tonnes de
plastique sont soit emportées par le vent, soit enfouies n'importe où, soit
brûlées sur place. Et les ouvriers agricoles sont priés de retourner chez eux
ou de s'exiler ailleurs en Espagne. Remarquez: ils ont le droit de se faire
soigner à leurs frais au cas où les produits nocifs qu'ils ont respiré
...
La
production et l'exportation de la fraise espagnole, l'essentiel étant vendu
avant la fin de l'hiver et jusqu'en avril, représente ce qu'il y a de moins
durable comme agriculture, et bouleverse ce qui demeure dans l'esprit du public
comme notion de saison. Quand la région sera ravagée et la production trop
onéreuse, elle sera transférée au Maroc, où les industriels espagnols de la
fraise commencent à s'installer. Avant de venir de Chine, d'où sont déjà
importées des pommes encore plus traitées que les pommes françaises... »
Merci
à notre ami Claude-Marie Vadrot pour ce billet d’une brûlante actualité, à
l’heure d’une mondialisation ultra-libérale qui fait de plus en plus de dégâts
économiques, sociaux ou écologiques (http://www.politis.fr/)
Photo Creative Commons
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3 commentaires:
Manger des fruits en dehors de la saison n’a aucun intérêt si ce n’est du snobisme, on n’a plus de plaisir à croquer la première cerise ou fraise de l’année !
2- la fraise hors saison sont insipides
3- la fraise d’Espagne, bien grosse, luisante et rouge vif est insipide
4- vive la gariguette : quelques semaines seulement mais quels plaisirs
Il faut donc arrêter de vouloir manger de tout en toutes saisons.
Merci Albert pour ce rappel.
Ce qui se passe en Espagne nous éclaire sur les égarements de l’agriculture moderne.
J’avoue avoir mangé de temps en temps des fraises qui nous sont servies à partir de février, 3 ou 4 euros le kilo. Puis les prix baissent progressivement, jusqu’a 1 ou 0.5 euros le kilo.
Evidement c’est tentant...
J’ai vraiment une dent contre l’Espagne, très mauvais élève de la CEE. Je ne sais pourquoi on ne fustige pas davantage les exactions de ce pays.
Je pensais qu’après le retrait de l’immonde Aznar, Zapatero allait tenter de remettre de l'ordre. Rien.! Tout le Nord est contaminé par les OGM, la frange littorale est "plombée" de ciment touristique sans répit de la frontière française à celle portugaise, le respect des conventions de protections des espèces donne lieu à une démarche scandaleusement cosmétique, quant à la cruauté envers les animaux elle n’a de cesse avec notamment le tir aux pigeons VIVANTS.
Les salauds !
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