17 janvier 2012

TVA sociale : surtout un moyen de réduire les déficits budgétaires sur le dos des particuliers…

TVA sociale
La TVA sociale était une proposition initiale de campagne de Nicolas Sarkozy mais elle est restée en sommeil léthargique depuis 2007, après notamment les dégâts collatéraux occasionnés au second tour des élections législatives. La crise aidant, la voilà ressortie du chapeau à cent jours de la prochaine présidentielle.

Sous l’appellation de «TVA sociale», avant tout une formule de communicant à destination du «bon peuple», le but consiste à augmenter un peu plus les impôts indirects afin de réduire le déficit des budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale, de compenser la diminution des recettes dues aux baisses d’impôts consenties aux plus fortunés et aux exonérations de charges accordées aux entreprises…


La taxe à la valeur ajoutée a été inventée en 1954 par un haut-fonctionnaire français de l’Inspection des Finances, Maurice Lauré. De simple taxe sur le chiffre d’affaires des entreprises, elle a été étendue en 1966 au commerce de détail par Valéry Giscard d’Estaing. La TVA est le principal impôt indirect qui correspondait environ à 48 % des recettes budgétaires de l’Etat en 2011 (130 milliards € sur un budget total de 272 milliards €).

Incorporée au prix, elle apparaît au bas de chaque ticket de caisse, le taux normal de 19,6% étant appliqué à la très grande majorité des produits de consommation et services. C’est l’impôt le plus injuste de tous. Pour un achat de 100 €, c’est près de 20 € qui sont reversés à l’Etat par le vendeur, une somme identique pour tous, RMiste comme cadre supérieur…Pour le conseil économique et social, le taux d’effort des 10% des ménages les plus pauvres est de 8,1% et celui des 10% les plus aisés seulement de 3,4% !

Nicolas Sarkozy et François Fillon, proposent aujourd’hui d’étudier à nouveau les modalités de sa mise en place. En quoi cela consiste-t-il ? Il s’agit de majorer le taux de TVA pour freiner la pénétration des produits importés, la différence avec l’ancien et le nouveau taux étant utilisé pour financer la Protection sociale. De nouvelles exonérations de charges pourraient être ainsi accordées aux entreprises, les exonérations actuelles (30 milliards € au total) étant compensées, au moins en partie, par ces nouvelles recettes. Dans cette optique, plusieurs dizaines de milliards d’euros passeraient à la charge des consommateurs !

La TVA «sociale», revient donc à alléger le coût du travail pour mieux résister à la concurrence internationale. Une partie du financement de la Sécurité sociale par les entreprises bascule ainsi vers les ménages, via une baisse des cotisations patronales. C'est ce qu'a appliqué notamment l'Allemagne depuis le 1er janvier 2007 avec 1 point sur les 3 de hausse du taux normal de TVA (de 16 à 19%) consacré au financement de la protection sociale. Les deux autres points servent à combler les déficits publics.

En France, les organismes de Sécurité sociale, dont les URSSAF concernés au premier chef par cette affaire, retiennent plutôt l'hypothèse d'une hausse de la TVA de deux points qui s'accompagnerait d'une baisse des cotisations patronales pour les entreprises et de la CSG pour les salariés.

Mais l’architecture de ce projet ne garantit en rien que la hausse de la TVA viendrait abonder les budgets sociaux ou augmenter le salaire net des salariés. Il est possible, sinon probable, que cette nouvelle recette vienne aussi combler le trou des déficits publics. Le doute est également entretenu sur le pourcentage d’augmentation qui varie de 1 à 5 points ! Certains membres de la majorité présidentielle évoquent même un taux qui pourrait être de l’ordre de 5 points. Si tel est le cas, la TVA principale passerait alors de 19,6% à 24,6%.

Cette réforme de la TVA est en outre très délicate à appliquer économiquement et comporte de nombreux risques. D’abord celui de freiner la consommation des ménages, principal moteur de la croissance française mais aussi celui, non négligeable, que les entreprises ne répercutent pas dans leurs prix les allégements de charges sociales.

Concernant le financement proprement dit de la Sécurité sociale, le président de la République et le Premier ministre répètent régulièrement qu’il n’y a que deux pistes pour résorber le déficit cumulé historique de 29,8 milliards € des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) : la création de la TVA «sociale» ou l'augmentation de la CSG. Mais il existe une troisième voie qui consisterait à créer une sorte cotisation universelle de Sécurité sociale, tous régimes et tous risques confondus pour remplacer les cotisations salariales et patronales actuelles.

La part des salaires dans la richesse produite chaque année ayant baissé de 10 points ces trente dernières années et les différentes prestations maladie, familiales ou vieillesse étant accessibles à tous les citoyens, le principe de solidarité nationale exigerait que soient mis à contribution l’ensemble des revenus des personnes physiques. L’actuelle CSG pourrait donc être progressive et fusionnée avec l’impôt progressif sur le revenu. C'est d'ailleurs une proposition de réforme du PS mais François Hollande vient d'annoncer qu'il repousserait la fusion éventuelle en fin de mandat...

Le problème de l’étroitesse de l’assiette salariale se pose également pour les cotisations des entreprises. En effet, les entreprises à fort taux de main d’œuvre, avec une forte masse salariale mais une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à celles ayant une faible masse salariale et une haute valeur ajoutée. Le remplacement des cotisations patronales par une contribution sur la valeur ajoutée serait la mesure la plus appropriée et équivaudrait à la création d’une «CSG entreprise». Elle aurait également des effets bénéfiques sur l’emploi, en particulier pour les PME souvent étranglées par les contraintes imposées par les «donneurs d’ordre». Plusieurs syndicats sont pour cette raison, favorables à cette nouvelle assiette qui serait de surcroît beaucoup plus stable que l’assiette salaire. La confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Union patronale artisanale (UPA) y sont particulièrement favorables, à la différence du MEDEF. Mais cette piste, explorée à plusieurs reprises au travers de divers rapports par le passé, sera sans doute écartée par Nicolas Sarkozy lors du prochain sommet social...

Aujourd'hui, au terme de ce quinquennat, la dette de la France s'est accrue de 700 milliards € car, élu en mai 2007, Nicolas Sarkozy était aux affaires dès 2004, en tant que Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Or, en 2004, si la dette de la France était de 1000 milliards €, correspondant à 65,2% du PIB, elle est aujourd’hui de plus de 1700 milliards €, soit plus de 80% du PIB ! Le pays compte 4,5 millions de chômeurs en incluant les DOM, 1 215 000 chômeurs supplémentaires depuis 2008 ! A cela, il faut ajouter trois millions de salariés précaires, trois millions de salariés à temps partiel, huit millions de personnes pauvres gagnant moins de 950 € par mois !

Dans un pays comme la France où les impôts indirects (TVA, TIPP et taxes diverses) représentent 65% des recettes budgétaires de l’Etat, l’augmentation de la TVA est un non-sens économique et va accroître encore les inégalités sociales, déjà très grandes.

Cette politique économique et fiscale ressemble, à s'y méprendre, à celle de Margaret Thatcher ou de Georges Bush qui s’étaient fait, hier, les champions de la hausse de la fiscalité indirecte, de la baisse des impôts sur le revenu et de la quasi-disparition des droits de succession pour les familles les plus aisées...



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