27 septembre 2013

Ce n’est pas d’une pause fiscale dont la France a besoin mais d’une véritable réforme de la fiscalité !

Déclaration préremplie
En promettant une grande réforme fiscale lors de la campagne pour l’élection présidentielle 2012 puis en oubliant sa promesse,  François Hollande a démontré son incapacité à faire une véritable réforme, se contentant de mesures en zigzags, notamment une pause fiscale à partir de 2014 tout en augmentant la TVA au 1er janvier prochain !

Le président de la République s’occupe de choses dont il ne devrait moins s’occuper, la Syrie par exemple, tandis que pour mettre fin aux injustices notables du système fiscal français et à une fraude géante dont le montant est supérieur à la recette même de l’impôt sur le revenu, il continue de bricoler avec sa boîte à outils…


C'est  en grande partie l'ampleur des changements dans le domaine fiscal qui conditionne la possibilité de rétablir une certaine justice sociale, sortir de la contrainte de la dette ou dégager des marges de manœuvres budgétaires permettant au gouvernement d'agir.

Et en matière fiscale, il convient d’abord de tordre le cou aux fausses vérités répandues sur une fiscalité directe qui aurait un caractère excessif, voire confiscatoire. L’impôt sur le revenu n’est en rien confiscatoire quoi qu’en dise l’UMP et tous les tenants de l’argent facile.

C’est surtout la fiscalité indirecte qui est insupportable car elle a atteint des niveaux inégalés : 65% des recettes budgétaires proviennent de taxes diverses, TIPP ou TVA. Cette dernière est un impôt particulièrement injuste, qui frappe tous les consommateurs dès le premier euro dépensé mais c’est bien sûr un impôt particulièrement «rentable» pour les gouvernants !

Au lieu de faire dès la première année une grande réforme fiscale redistributive, François Hollande a laissé perdurer notamment le gel du barème de l'impôt sur le revenu introduit en 2011 par le gouvernement de François Fillon. Ainsi, en 2012, 940.000 contribuables ont déjà basculé dans l'impôt, dont 400.000 sous le seul effet du gel du barème.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a reconduit ce gel sur les revenus de 2012 et l’impôt payé en 2013, ce qui représente en fait une hausse déguisée supportée par tous les contribuables (3,4 milliards d'euros de recettes espérées en 2013 !). Il a simplement mis en place un mécanisme complexe qui permet de diminuer à la marge le montant de l'impôt des contribuables les plus modestes.

Quant à la fameuse tranche à 75%, elle illustre parfaitement la méthode des apparences chère au Président de la République car elle a finalement fini en eau de boudin, n’étant payé que par les sociétés occupant les salariés concernés et ignorant les personnes physiques avec de forts revenus non-salariés !

Rétablir la progressivité du système fiscal


Un impôt progressif est celui qui répond le mieux à l’esprit de l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (un impôt en fonction des « facultés » de chacun). En France, c’est surtout l’impôt sur le revenu qui joue ce rôle.

Dès lors que les niches fiscales ont été multipliées, qu’un système de prélèvements forfaitaires libératoires a été mis en place et que le nombre de tranches comme l’éventail des taux d’imposition ont été réduits et resserrés vers le bas, notamment par Laurent Fabius, ministre des finances en 2000, la progressivité est devenue très réduite.

Certes, le taux marginal vient de passer de 41% à 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 €, mais sans toucher au reste, cela ne change quasiment rien ! Le système fiscal restera toujours dégressif pour les plus hauts revenus. De plus, ce taux de 45% rapportera seulement 0,7 milliard € de recettes supplémentaires.

Il faudrait donc prendre des mesures allant dans un tout autre sens. Des tranches d’imposition nombreuses permettraient d’élargir la progressivité tout en instaurant des taux d’imposition élevés pour les détenteurs de revenus très importants. 

Le simple rétablissement de quatorze tranches d’imposition telles qu’elles existaient au début des années 1980, au lieu des cinq tranches actuelles (5,50%, 14%, 30%, 41%, 45%), permettrait de rétablir une réelle progressivité et de dégager des recettes nettement supérieures aux 58 milliards d'euros qu'a rapportés l'IR en 2012 !

Remplacer le quotient familial par un crédit d’impôt uniforme pour tous 


Le montant de l’IR est modulé en fonction du quotient familial, un mécanisme qui prend en compte la taille de la famille mais subventionne davantage les familles riches que les familles pauvres, la réduction d'impôt étant proportionnelle au revenu

Le remplacement du quotient familial par un crédit d'impôt, identique pour toutes les familles, a été définitivement enterré par François Hollande, même si le plafonnement vient d’être baissé de 2000 € à 1500 € par demi-part pour les familles imposables en haut de l’échelle. 

Pourtant, selon une étude de la Direction Générale du Trésor, avec un même crédit d’impôt par enfant pour tous les ménages, 4,3 millions seraient perdants pour un montant moyen de 930 € par an et 4,8 millions seraient gagnants pour un montant moyen de 830 € par an.

Compte tenu de la concentration des gains actuels du quotient familial sur 11 % des ménages les mieux lotis, l’effet sur la répartition des revenus serait sensible et les familles modestes, pas ou peu imposées, verraient leur niveau de vie augmenter sensiblement.

Que la France abandonne le quotient familial, qui n’est plus appliqué en Europe que par deux pays (Luxembourg et Suisse) et qu’elle adopte un système de crédit d’impôt comme le font déjà la Belgique, le Canada, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque et l’Allemagne, ne serait donc pas déraisonnable.

Supprimer le quotient conjugal 


Le mécanisme du quotient conjugal est imprégné d'un schéma familial daté, pour ne pas dire séculaire, où le chef de famille apporte des revenus au ménage et la femme s'épanouit dans les tâches domestiques.

Il consiste à diviser la somme des revenus d'un couple par deux avant de lui appliquer le barème progressif. Exemple : un ménage où un conjoint gagne 54 000 € par an et l’autre 6000 €, l’impôt n’est pas calculé sur 60 000 €, mais sur 30 000 € (revenus moyens du couple) puis le résultat est multiplié par deux pour arriver à l’impôt à payer.

La conséquence de ce système est double. Il réduit fortement l'impôt des couples aisés dont l'un des membres – le plus souvent la femme – ne travaille pas ou peu, avec une réduction d'impôt d'autant plus élevée que le revenu principal est important. 

Pour un même revenu, les couples aisés sont ainsi avantagés au détriment des célibataires, des personnes séparées, des veufs ou encore des familles monoparentales. Les personnes seules doivent pourtant déjà faire face à des dépenses de vie courante plus élevées qu'un couple. Un grand appartement revient moins cher au mètre carré qu'un studio parce qu'il faut dans les deux cas une salle de bain, des toilettes et une cuisine. Autre exemple, le prix des abonnements énergétiques et téléphoniques est indifférent à la taille du ménage.

Le coût de cet avantage fiscal accordé aux couples oscille entre 5,5 milliards d'euros, d'après le Trésor, et 24 milliards d'euros, selon la Cour des comptes ! Et contrairement au quotient familial par enfant, l'avantage retiré du quotient conjugal n'est pas plafonné !

A l'instar du quotient familial, le quotient conjugal pourrait être transformé en crédit d'impôt forfaitaire, évalué à 240 € par foyer selon une étude du Trésor pour le Haut conseil de la famille mais la meilleure solution serait sa suppression pure et simple. Les capacités contributives seraient dès lors appréciées par individu, au même titre que la plupart des impôts.

Réduire de façon drastique les niches fiscales


Les niches fiscales coûtent au pays plus de 70 milliards d’euros par an. Selon la commission des finances de l’Assemblée Nationale, elles étaient évaluées exactement à 72,7 milliards d’euros en 2010, soit 3,5% du PIB.

Mais d’après un rapport de la cour des comptes, réalisé sous le magistère de Philippe Séguin, on a appris que le gouvernement de François Fillon avait réalisé un tour de passe-passe pour amoindrir leur importance. A mesure que certaines niches se pérennisaient, le ministère de l’économie avait arrêté de les traiter comme telles, bien que leur nature n’ait pas évolué au cours du temps. Pour l’année 2009, celles-ci représentaient en réalité 146 milliards € ! Une somme colossale, puisque trois fois supérieure au produit de l'IR payé par les particuliers !

Si certaines d’entre elles répondent à un souci d'équité ou à des mesures économiquement utiles, d'autres permettent surtout à une minorité de personnes de réduire fortement leur imposition tout en se constituant un patrimoine important. 

Et quand on sait l’importance accordée par François Hollande à l’équilibre budgétaire, l’urgence d’une réduction drastique de ces niches fiscales s’imposait. Certes, certaines niches ont été plafonnées à 10.000 € au lieu de 18 000 € mais beaucoup d’entre elles sont totalement inefficaces et doivent être purement et simplement supprimées. Pire, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a réussi l'exploit d'accorder à deux niches fiscales (Sofica et loi Girardin pour les DOM) des plafonds plus favorables que ceux fixés antérieurement par la droite ! 

Est-ce que François Hollande imagine un instant qu’avec la récupération d’un tiers seulement de ces recettes perdues, on réglerait une bonne fois pour toute les intérêts annuels de la dette publique qui se monte à 50 milliards d’euros ?

Lutter contre la fraude fiscale


La fraude fiscale, par son ampleur et ses caractéristiques (au minimum entre 60 et 80 milliards € par an, selon le Syndicat national unifié des impôts) réduit aussi fortement les rentrées fiscales et accentue les inégalités, sans parler de l'optimisation fiscale qui fait le bonheur des avocats d'affaires. Ce sont essentiellement les grosses entreprises et les riches particuliers qui en bénéficient car ils peuvent faire de gros investissements déductibles de l’Impôt ou user de l’existence des paradis fiscaux. 

L’administration fiscale a perdu 25 000 emplois depuis 2002 sur l'ensemble de ses missions, dont une grande partie est concentrée sur des services qui forment le premier étage du contrôle fiscal, c'est-à-dire le service de gestion de l'impôt, le service de contrôle sur pièces et le service de programmation des contrôles fiscaux. Ces pertes d'emploi ont fragilisé la détection de la fraude et le contrôle fiscal dans son ensemble.

Suite à l’affaire Cahuzac, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a bien indiqué qu'il va procéder à un renforcement de 50 agents à la DGFIP (Direction Générale des Finances Publiques) mais on est loin du compte, ce petit geste s’apparentant plutôt à un pansement sur une jambe de bois…

Un signal fort aurait dû être donné par la création d’au moins 2 000 postes dans les administrations chargés de lutter contre les fraudes et par l’établissement de la liste « française » des pays considérés comme non coopératifs ou comme paradis fiscaux et judiciaires en accompagnant cette liste des sanctions infligées aux entreprises qui utilisent ces territoires. 

Refonder la fiscalité locale


Les impôts locaux représentent une part de plus en plus importante du total des impôts : 12 milliards € pour la seule taxe d’habitation (particuliers) et 15 milliards € pour la taxe foncière sur le bâti et le non-bâti (particuliers et entreprises).

Avec la décentralisation et les transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités locales, l’augmentation des impôts locaux est préoccupante, le montant moyen de la taxe d’habitation et de la taxe foncière s'établissant nationalement à 2000 € par an ! Dans sa dernière étude annuelle, l'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) dénonce une "hausse démesurée" des taxes foncières, qui ont bondi de 21,17 % entre 2007 et 2012 !

Les bases de ces taxes sont totalement archaïques car elles datent de 1961 (taxe foncière) et de 1970 (taxe d’habitation). La taxe d'habitation par exemple est calculée d'après la valeur locative cadastrale des locaux d'habitation résultant des évaluations foncières des propriétés bâties. Chaque année, son montant est égal au produit de la base d'imposition par le taux voté par chacune des collectivités locales bénéficiaires.

Ainsi, pour les redevables, le montant à payer ne dépend pratiquement pas du revenu fiscal déclaré. La valeur locative est simplement diminuée, pour les logements affectés à l'habitation principale, d'abattements pour charges de famille et les personnes de condition modeste peuvent bénéficier d'une exonération ou d'un dégrèvement d'office en fonction de leur revenu réel. Mais au final, les ménages modestes ou moyens subissent proportionnellement un prélèvement beaucoup plus lourd que les ménages les plus aisés.

La fiscalité locale n'assure pas non plus l'équité entre les collectivités sur l'ensemble du territoire. Les disparités du "potentiel fiscal par habitant" vont du simple au double entre les régions (67 € en Corse, 111 € en Haute-Normandie), du simple au quadruple entre les départements (296 € dans la Creuse, 1.069 € à Paris) et de 1 à 1.000 entre les communes.

L’intégration de ces deux taxes dans l’impôt sur le revenu puis leur reversement par l’Etat aux diverses collectivités locales devrait constituer un autre chantier prioritaire d’une vraie réforme fiscale.

Fusionner l’IRPP et la CSG/CRDS pour financer également la protection sociale de manière pérenne


Les cotisations de Sécurité sociale reposent encore trop sur les salaires au lieu et place du revenu fiscal pour les personnes physiques et la valeur ajoutée pour les entreprises.

Fusionner les contributions CSG et CRDS avec l'IR pour en faire un large impôt acquitté par tous les Français sur l'ensemble des revenus serait une mesure positive car les dépenses de santé ou les retraites sont un bien public (au même titre que l'éducation ou la sécurité) et justifient leur prise en charge, au moins partiellement, par le budget de l'Etat. 

Un tel changement serait à la fois plus juste et plus rémunérateur. Pour les personnes physiques par exemple, un point de prélèvement assis sur tous les revenus tels que déclarés à l'administration fiscale rapporte sensiblement plus que le même taux appliqué sur les seuls salaires.

Cette mesure figurait au programme du PS mais elle a été vite oubliée par François Hollande qui l’a enterrée définitivement. Cela constitue une grave erreur car c’était la seule possibilité pour la gauche de proposer une alternative crédible à l’augmentation de la TVA ou des cotisations de Sécurité sociale.

Ce n’est qu’en modifiant simultanément les différents types d’impôts sans exception que l’on pourra parler véritablement de réforme fiscale. Jamais entreprise à ce jour, elle permettrait de mieux lutter contre la dette vertigineuse, les déficits publics abyssaux et d’aller vers une société plus juste.

Parallèlement à ces mesures immédiates, il est bien entendu urgent de lutter efficacement contre les paradis fiscaux tant en France (Andorre, Monaco) qu’en Europe (Campione, Chypre, Gibraltar, Guernesey, Ile de Man, Irlande, Jersey, Liechtenstein, Luxembourg, Madère, Malte, Monaco, Sercq, Suisse).

Mais assurément pour François Hollande, le courage ce n'est pas pour maintenant...



Photo Creative Commons


Lire toutes les infos du blog :

Aucun commentaire: