En
promettant une grande réforme fiscale lors de la campagne pour l’élection
présidentielle 2012 puis en oubliant sa promesse, François Hollande a
démontré son incapacité à faire une véritable réforme, se contentant de mesures
en zigzags, notamment une pause fiscale à partir de 2014 tout en augmentant la
TVA au 1er janvier prochain !
Le président
de la République s’occupe de choses dont il ne devrait moins s’occuper, la
Syrie par exemple, tandis que pour mettre fin aux injustices notables du
système fiscal français et à une fraude géante dont le montant est supérieur à
la recette même de l’impôt sur le revenu, il continue de bricoler avec sa boîte
à outils…
C'est
en grande partie l'ampleur des changements dans le domaine fiscal qui
conditionne la possibilité de rétablir une certaine justice sociale, sortir de
la contrainte de la dette ou dégager des marges de manœuvres budgétaires
permettant au gouvernement d'agir.
Et en
matière fiscale, il convient d’abord de tordre le cou aux fausses vérités
répandues sur une fiscalité directe qui aurait un caractère excessif, voire confiscatoire.
L’impôt sur le revenu n’est en rien confiscatoire quoi qu’en dise l’UMP et tous
les tenants de l’argent facile.
C’est
surtout la fiscalité indirecte qui est insupportable car elle a atteint des
niveaux inégalés : 65% des recettes budgétaires proviennent de taxes
diverses, TIPP ou TVA. Cette dernière est un impôt particulièrement injuste,
qui frappe tous les consommateurs dès le premier euro dépensé mais c’est bien
sûr un impôt particulièrement «rentable» pour les gouvernants !
Au
lieu de faire dès la première année une grande réforme fiscale redistributive,
François Hollande a laissé perdurer notamment le gel du barème de l'impôt sur
le revenu introduit en 2011 par le gouvernement de François Fillon. Ainsi, en
2012, 940.000 contribuables ont déjà basculé dans l'impôt, dont 400.000 sous le
seul effet du gel du barème.
Le
gouvernement de Jean-Marc Ayrault a reconduit ce gel sur les revenus de 2012 et
l’impôt payé en 2013, ce qui représente en fait une hausse déguisée supportée
par tous les contribuables (3,4 milliards d'euros de recettes espérées en
2013 !). Il a simplement mis en place un mécanisme complexe qui permet de
diminuer à la marge le montant de l'impôt des contribuables les plus modestes.
Quant
à la fameuse tranche à 75%, elle illustre parfaitement la méthode des
apparences chère au Président de la République car elle a finalement fini en
eau de boudin, n’étant payé que par les sociétés occupant les salariés
concernés et ignorant les personnes physiques avec de forts revenus non-salariés !
Rétablir la progressivité du système fiscal
Un
impôt progressif est celui qui répond le mieux à l’esprit de l’article 13 de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (un impôt en fonction
des « facultés » de chacun). En France, c’est surtout l’impôt sur le revenu qui
joue ce rôle.
Dès
lors que les niches fiscales ont été multipliées, qu’un système de prélèvements
forfaitaires libératoires a été mis en place et que le nombre de tranches comme
l’éventail des taux d’imposition ont été réduits et resserrés vers le bas,
notamment par Laurent Fabius, ministre des finances en 2000, la progressivité
est devenue très réduite.
Certes,
le taux marginal vient de passer de 41% à 45 % pour les revenus supérieurs à
150 000 €, mais sans toucher au reste, cela ne change quasiment rien ! Le
système fiscal restera toujours dégressif pour les plus hauts revenus. De
plus, ce taux de 45% rapportera seulement 0,7 milliard € de recettes
supplémentaires.
Il
faudrait donc prendre des mesures allant dans un tout autre sens. Des tranches
d’imposition nombreuses permettraient d’élargir la progressivité tout en
instaurant des taux d’imposition élevés pour les détenteurs de revenus très
importants.
Le
simple rétablissement de quatorze tranches d’imposition telles qu’elles
existaient au début des années 1980, au lieu des cinq tranches actuelles
(5,50%, 14%, 30%, 41%, 45%), permettrait de rétablir une réelle progressivité
et de dégager des recettes nettement supérieures aux 58 milliards d'euros qu'a rapportés
l'IR en 2012 !
Remplacer le quotient familial par un crédit d’impôt uniforme pour tous
Le
montant de l’IR est modulé en fonction du quotient familial, un mécanisme qui
prend en compte la taille de la famille mais subventionne davantage les
familles riches que les familles pauvres, la réduction d'impôt étant
proportionnelle au revenu
Le
remplacement du quotient familial par un crédit d'impôt, identique pour toutes
les familles, a été définitivement enterré par François Hollande, même si le
plafonnement vient d’être baissé de 2000 € à 1500 € par demi-part pour les
familles imposables en haut de l’échelle.
Pourtant,
selon une étude de la Direction Générale du Trésor, avec un même crédit d’impôt
par enfant pour tous les ménages, 4,3 millions seraient perdants pour un
montant moyen de 930 € par an et 4,8 millions seraient gagnants pour un montant
moyen de 830 € par an.
Compte
tenu de la concentration des gains actuels du quotient familial sur 11 % des ménages
les mieux lotis, l’effet sur la répartition des revenus serait sensible et les
familles modestes, pas ou peu imposées, verraient leur niveau de vie augmenter
sensiblement.
Que la France abandonne le quotient familial, qui n’est plus appliqué en Europe que par deux pays (Luxembourg et Suisse) et qu’elle adopte un système de crédit d’impôt comme le font déjà la Belgique, le Canada, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque et l’Allemagne, ne serait donc pas déraisonnable.
Supprimer le quotient conjugal
Le
mécanisme du quotient conjugal est imprégné d'un schéma familial daté, pour ne
pas dire séculaire, où le chef de famille apporte des revenus au ménage et la
femme s'épanouit dans les tâches domestiques.
Il
consiste à diviser la somme des revenus d'un couple par deux avant de lui
appliquer le barème progressif. Exemple : un ménage où un conjoint gagne
54 000 € par an et l’autre 6000 €, l’impôt n’est pas calculé sur
60 000 €, mais sur 30 000 € (revenus moyens du couple) puis
le résultat est multiplié par deux pour arriver à l’impôt à payer.
La conséquence de ce système est double. Il réduit fortement l'impôt des couples aisés dont l'un des membres – le plus souvent la femme – ne travaille pas ou peu, avec une réduction d'impôt d'autant plus élevée que le revenu principal est important.
Pour
un même revenu, les couples aisés sont ainsi avantagés au détriment des
célibataires, des personnes séparées, des veufs ou encore des familles
monoparentales. Les personnes seules doivent pourtant déjà faire face à des
dépenses de vie courante plus élevées qu'un couple. Un grand appartement
revient moins cher au mètre carré qu'un studio parce qu'il faut dans les deux
cas une salle de bain, des toilettes et une cuisine. Autre exemple, le prix des
abonnements énergétiques et téléphoniques est indifférent à la taille du
ménage.
Le
coût de cet avantage fiscal accordé aux couples oscille entre 5,5 milliards
d'euros, d'après le Trésor, et 24 milliards d'euros, selon la Cour des
comptes ! Et contrairement au quotient familial par enfant, l'avantage
retiré du quotient conjugal n'est pas plafonné !
A
l'instar du quotient familial, le quotient conjugal pourrait être transformé en
crédit d'impôt forfaitaire, évalué à 240 € par foyer selon une étude du Trésor
pour le Haut conseil de la famille mais la meilleure solution serait sa
suppression pure et simple. Les capacités contributives seraient dès lors
appréciées par individu, au même titre que la plupart des impôts.
Réduire de façon drastique les niches fiscales
Les
niches fiscales coûtent au pays plus de 70 milliards d’euros par an. Selon la
commission des finances de l’Assemblée Nationale, elles étaient évaluées
exactement à 72,7 milliards d’euros en 2010, soit 3,5% du PIB.
Mais
d’après un rapport de la cour des comptes, réalisé sous le magistère de
Philippe Séguin, on a appris que le gouvernement de François Fillon avait
réalisé un tour de passe-passe pour amoindrir leur importance. A mesure que
certaines niches se pérennisaient, le ministère de l’économie avait arrêté de
les traiter comme telles, bien que leur nature n’ait pas évolué au cours du
temps. Pour l’année 2009, celles-ci représentaient en réalité 146 milliards € !
Une somme colossale, puisque trois fois supérieure au produit de l'IR payé par
les particuliers !
Si
certaines d’entre elles répondent à un souci d'équité ou à des mesures
économiquement utiles, d'autres permettent surtout à une minorité de personnes
de réduire fortement leur imposition tout en se constituant un patrimoine
important.
Et
quand on sait l’importance accordée par François Hollande à l’équilibre
budgétaire, l’urgence d’une réduction drastique de ces niches fiscales
s’imposait. Certes, certaines niches ont été plafonnées à 10.000 € au lieu de
18 000 € mais beaucoup d’entre elles sont totalement inefficaces et
doivent être purement et simplement supprimées. Pire, le gouvernement de
Jean-Marc Ayrault a réussi l'exploit d'accorder à deux niches fiscales (Sofica
et loi Girardin pour les DOM) des plafonds plus favorables que ceux fixés
antérieurement par la droite !
Est-ce
que François Hollande imagine un instant qu’avec la récupération d’un tiers
seulement de ces recettes perdues, on réglerait une bonne fois pour toute les
intérêts annuels de la dette publique qui se monte à 50 milliards d’euros ?
Lutter contre la fraude fiscale
La
fraude fiscale, par son ampleur et ses caractéristiques (au minimum entre 60 et
80 milliards € par an, selon le Syndicat national unifié des impôts) réduit
aussi fortement les rentrées fiscales et accentue les inégalités, sans parler
de l'optimisation fiscale qui fait le bonheur des avocats d'affaires. Ce sont
essentiellement les grosses entreprises et les riches particuliers qui en
bénéficient car ils peuvent faire de gros investissements déductibles de
l’Impôt ou user de l’existence des paradis fiscaux.
L’administration
fiscale a perdu 25 000 emplois depuis 2002 sur l'ensemble de ses missions, dont
une grande partie est concentrée sur des services qui forment le premier étage
du contrôle fiscal, c'est-à-dire le service de gestion de l'impôt, le service
de contrôle sur pièces et le service de programmation des contrôles fiscaux.
Ces pertes d'emploi ont fragilisé la détection de la fraude et le contrôle
fiscal dans son ensemble.
Suite
à l’affaire Cahuzac, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a bien indiqué qu'il
va procéder à un renforcement de 50 agents à la DGFIP (Direction Générale des
Finances Publiques) mais on est loin du compte, ce petit geste s’apparentant
plutôt à un pansement sur une jambe de bois…
Un signal fort aurait dû être donné par la création d’au moins 2 000 postes dans les administrations chargés de lutter contre les fraudes et par l’établissement de la liste « française » des pays considérés comme non coopératifs ou comme paradis fiscaux et judiciaires en accompagnant cette liste des sanctions infligées aux entreprises qui utilisent ces territoires.
Refonder la fiscalité locale
Les
impôts locaux représentent une part de plus en plus importante du total des
impôts : 12 milliards € pour la seule taxe d’habitation (particuliers) et
15 milliards € pour la taxe foncière sur le bâti et le non-bâti (particuliers
et entreprises).
Avec
la décentralisation et les transferts de compétences de l’Etat vers les
collectivités locales, l’augmentation des impôts locaux est préoccupante, le
montant moyen de la taxe d’habitation et de la taxe foncière s'établissant
nationalement à 2000 € par an ! Dans sa dernière étude annuelle, l'Union
nationale de la propriété immobilière (UNPI) dénonce une "hausse
démesurée" des taxes foncières, qui ont bondi de 21,17 % entre 2007 et
2012 !
Les
bases de ces taxes sont totalement archaïques car elles datent de 1961 (taxe
foncière) et de 1970 (taxe d’habitation). La taxe d'habitation par exemple est
calculée d'après la valeur locative cadastrale des locaux d'habitation
résultant des évaluations foncières des propriétés bâties. Chaque année, son
montant est égal au produit de la base d'imposition par le taux voté par chacune
des collectivités locales bénéficiaires.
Ainsi,
pour les redevables, le montant à payer ne dépend pratiquement pas du revenu
fiscal déclaré. La valeur locative est simplement diminuée, pour les logements
affectés à l'habitation principale, d'abattements pour charges de famille et
les personnes de condition modeste peuvent bénéficier d'une exonération ou d'un
dégrèvement d'office en fonction de leur revenu réel. Mais au final, les
ménages modestes ou moyens subissent proportionnellement un prélèvement beaucoup
plus lourd que les ménages les plus aisés.
La
fiscalité locale n'assure pas non plus l'équité entre les collectivités sur
l'ensemble du territoire. Les disparités du "potentiel fiscal par
habitant" vont du simple au double entre les régions (67 € en Corse, 111 €
en Haute-Normandie), du simple au quadruple entre les départements (296 € dans
la Creuse, 1.069 € à Paris) et de 1 à 1.000 entre les communes.
L’intégration
de ces deux taxes dans l’impôt sur le revenu puis leur reversement par l’Etat
aux diverses collectivités locales devrait constituer un autre chantier
prioritaire d’une vraie réforme fiscale.
Fusionner l’IRPP et la CSG/CRDS pour financer également la protection sociale de manière pérenne
Les
cotisations de Sécurité sociale reposent encore trop sur les salaires au lieu
et place du revenu fiscal pour les personnes physiques et la valeur ajoutée
pour les entreprises.
Fusionner
les contributions CSG et CRDS avec l'IR pour en faire un large impôt acquitté
par tous les Français sur l'ensemble des revenus serait une mesure positive car
les dépenses de santé ou les retraites sont un bien public (au même titre que
l'éducation ou la sécurité) et justifient leur prise en charge, au moins
partiellement, par le budget de l'Etat.
Un tel
changement serait à la fois plus juste et plus rémunérateur. Pour les personnes
physiques par exemple, un point de prélèvement assis sur tous les revenus tels
que déclarés à l'administration fiscale rapporte sensiblement plus que le même
taux appliqué sur les seuls salaires.
Cette
mesure figurait au programme du PS mais elle a été vite oubliée par François
Hollande qui l’a enterrée définitivement. Cela constitue une grave erreur car
c’était la seule possibilité pour la gauche de proposer une alternative crédible
à l’augmentation de la TVA ou des cotisations de Sécurité sociale.
Ce
n’est qu’en modifiant simultanément les différents types d’impôts sans
exception que l’on pourra parler véritablement de réforme fiscale. Jamais
entreprise à ce jour, elle permettrait de mieux lutter contre la dette
vertigineuse, les déficits publics abyssaux et d’aller vers une société plus
juste.
Parallèlement
à ces mesures immédiates, il est bien entendu urgent de lutter efficacement
contre les paradis fiscaux tant en France (Andorre, Monaco) qu’en Europe
(Campione, Chypre, Gibraltar, Guernesey, Ile de Man, Irlande, Jersey,
Liechtenstein, Luxembourg, Madère, Malte, Monaco, Sercq, Suisse).
Mais
assurément pour François Hollande, le courage ce n'est pas pour maintenant...
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