Un
homme de cœur vient de nous quitter. Albert Jacquard a été emporté le 11
septembre dernier par une leucémie. Grand professeur, généticien, pacifiste et
infatigable défenseur des droits humains, il manquera aux multiples combats
qu’il menait en faveur des plus modestes.
Engagé
avec « l’appel des cent » comme dans les mouvements pour le droit au
logement ou dans les combats antiracistes, il n’a cessé jusqu’au bout d’agir,
de proposer, d’éclairer les voies pour un nouvel avenir débarrassé de cet
ultralibéralisme qui broie les individus…
Né le
23 décembre 1925 à Lyon dans une famille de la bonne société, Albert
Jacquard est reçu à Polytechnique vingt ans plus tard.
Jeune
ingénieur, il entre en 1951 à la Seita (manufactures des tabacs et
allumettes) pour y travailler à la mise en place d’un des premiers systèmes
informatiques. Tout en reconnaissant avoir été «passionné par ce travail», il
regrettera par la suite d’avoir «joué le jeu de la réussite technique pendant
dix ans». Car pour Albert Jacquard, «un ingénieur, un technicien efficace est
par définition quelqu’un de dangereux, tandis qu’un chercheur est quelqu’un qui
s’efforce d’être lucide».
Après
un bref passage au ministère de la Santé publique, il rejoint l’Institut
national d’études démographiques (Ined) en 1962. Il approche de la quarantaine
et «s’aperçoit qu’on n’est pas éternel et qu’on ne veut pas gâcher sa vie à des
choses dérisoires».
Albert
Jacquard part donc étudier la génétique des populations dans la prestigieuse
université américaine de Stanford, puis revient à l’Ined et passe deux
doctorats en génétique et biologie humaine dans la foulée. Parallèlement à
l’enseignement et son travail d’expert à l’OMS, il n’aura de cesse de démonter
les arguments prétendument scientifiques des théories racistes et sera même
témoin en 1987 au procès du nazi Klaus Barbie pour crimes contre l’humanité.
Ses
premiers livres, comme Eloge de la différence : la génétique et l’homme (1978)
rencontrent un grand succès qui ne se démentira pas, même quand il dérivera
vers la philosophie, la vulgarisation scientifique ou l’humanisme anti-libéral.
Car Albert Jacquard n’aimait pas plus le libéralisme - «catastrophe pour
l’humanité» - que le racisme. «La compétition systématique entre les êtres
humains est une ânerie», tranchait le professeur qui, à ce titre, se refusait à
noter ses élèves, sauf à leur donner tous la même note.
Son engagement politique
En
1979, Guillaumin et Léon Poliakov créent, au sein du Groupe
de recherches sur l'histoire du racisme (CNRS), un bulletin qu’ils
intitulent Sciences et tensions sociales. À ce bulletin succède, deux ans
plus tard, la revue Le Genre Humain. Albert Jacquard fait partie jusqu'à sa
mort du comité de rédaction de cette revue.
Albert
Jacquard participe au Comité consultatif national d'éthique. Généticien des
populations, il se prononce contre l'exploitation à des fins commerciales du
génome humain et brevetage généralisé du vivant.
Il est
proche du mouvement altermondialiste et est un contributeur régulier du journal
Le Monde diplomatique.
Au
printemps 1982, cent personnalités représentatives parmi lesquelles figurent le
professeur Albert Jacquard, Georges Séguy, Hervé Bazin, Claude Piéplu ou encore
le professeur Schwarzemberg décident, dans un large esprit d’union, d’appeler à
une « Marche pour la Paix et le désarmement » à Paris le 20 juin 1982.
Aussitôt
après cette initiative couronnée de succès (500 000 personnes participent à
cette marche), les Cent conviennent de rester unis pour prolonger leur action
en faveur du Droit à la Vie et à la Paix.
Dès le
lendemain de la marche du 20 juin 1982, une délégation, composée de Suzanne
Prou, écrivain, Jacques Denis, député communiste à l’Assemblée européenne,
Maxime Le Forestier, chanteur et l’amiral Sanguinetti, est reçue au siège de
l’ONU à New York et, le 15 septembre 1987, l’Appel des Cent se voit
officiellement décerner par les Nations Unies le titre de « Messager de la Paix
». Dans le même temps, l’association pacifiste devient membre du Bureau
International de la Paix.
En
1986, le Pr Jacquard sera candidat aux législatives à Paris sur une liste
soutenue par divers mouvements de la gauche alternative, puis en 1999 sur la
liste écologiste conduite par Daniel Cohn-Bendit (en 84e position).
Dans
les années 1990, Albert Jacquard va mettre sa verve médiatique au service d’une
autre cause: les mal-logés et les sans-papiers. Occupation d’un immeuble rue du
Dragon en 1994, de l’église Saint-Bernard en 1996... Son visage de vieux faune
grec devient vite aussi familier que celui de l’Abbé Pierre, Mgr Gaillot ou
Emmanuelle Béart, ses compagnons de lutte. Il est l'un des fondateurs de
l'association Droits devant !
L’âge
aidant, il se fera plus discret. Mais il continuera à soutenir les plus démunis
et à pousser des coups de gueule, démarche «volontariste» pour léguer un monde
un peu moins mauvais à ses petits-enfants. «Les jeunes voient en moi un vieux
monsieur qui représente une certaine façon de penser», s’amusait le Pr Jacquard
en évoquant quelques écoles primaires qui n’avaient pas attendu sa mort pour se
baptiser de son nom. «Ce qui me réjouit, c’est qu’il existe aussi de nombreuses
écoles Pierre Perret !»
De
2001 jusqu’en 2010, avec son petit cheveu sur la langue bien connu des
auditeurs de sa chronique quotidienne sur France Culture, il exprime ses vues
sur la société et les sujets d'actualité dans une chronique radiophonique
quotidienne sur France Culture.
En
2004, il parraine avec Edgar Morin la liste Europe - Démocratie - Espéranto
pour les élections du Parlement européen.
En
novembre 2005, il lance l'« Appel des vieux » avec sept autres
« vieux » : Françoise Héritier, l'Abbé Pierre, Maurice Tubiana,
Jean Delumeau, Edgar Morin, Albert Memmi et Denis Clair.
En
2006, il est parrain du projet Cité des Savoirs du XXIe siècle pour l'île
Seguin avec Régis Debray, Axel Kahn et Philippe Meirieu.
En
2007, lors des élections législatives, Albert Jacquard co-préside avec Axel
Kahn le comité de soutien d'André Aschieri (Europe-Ecologie) dans la 9e
circonscription des Alpes-Maritimes.
Il
soutient aussi une pétition créée par des victimes et proches de victimes de
l’inceste et de la pédophilie. Cette pétition a pour but d'enlever la
prescription de crimes sexuels commis sur les enfants, afin que les enfants
victimes aujourd'hui puissent porter plainte sans restriction de temps. Il
s'oppose également à la tenue du rallye Paris-Dakar en apportant son soutien à
l'association Padak pour qui la course du rallye Paris-Dakar est totalement
inutile et polluante.
Durant
l’été 2007, il apporte son soutien aux étrangers en situation irrégulière en
grève de la faim à Lille.
Il est
membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les
travaux ont commencé le 4 mars 2009.
En
2010, il apporte son soutien à Philippe Meirieu, tête de liste pour les
élections régionales en Rhône-Alpes sur la liste Europe Écologie.
Il est
membre du Comité d'honneur de l'Association pour le droit de mourir dans la
dignité.
En
2012, dans le cadre de l'élection présidentielle, il a exprimé l'intention de
voter pour Jean-Luc Mélenchon. Il signe l'appel des 1 000 :
« Pour nous, c'est Mélenchon »
Et il
y a encore quelques mois, il cosignait avec un autre grand qui nous a quitté
aussi cette année, Stéphane Hessel, un ouvrage intitulé « Exigez ! Un
désarmement nucléaire total ». Une question pleine d’actualité au moment
où tous les peuples du monde refusent un engrenage militaire en Syrie…
Salut
Albert !
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