Comme prévu initialement par le Premier
ministre Manuel Valls et la ministre du travail, Myriam El Kohmri,
l’article 49.3 de la constitution a été utilisé par le gouvernement de François Hollande pour
faire passer le projet de loi Travail.
Ce texte qui donne désormais la
priorité à l’accord d’entreprise par rapport à la loi ou l’accord de branche
professionnelle officialise ainsi ce qu'on appelle l’inversion de la
hiérarchie des normes et revient sur un droit du travail acquis par un
siècle de luttes sociales…
L’article 49.3 de la Constitution du 4
octobre 1958 permet au gouvernement d'imposer l'adoption d'un texte par
l'Assemblée nationale, immédiatement et sans vote, ce à quoi l'Assemblée ne
peut s'opposer qu'en renversant le gouvernement par une motion de censure.
C'est l'une des dispositions les plus connues de la Constitution qui illustre
une volonté de renverser les rapports entre gouvernements et parlements au
profit des premiers.
Une décision de dernier recours, destinée
à tordre le bras à sa propre majorité lorsque celle-ci est récalcitrante comme
c’est le cas avec les frondeurs du PS. A noter que le 49-3 est un fusil à un
coup : il ne peut servir qu'une seule fois par session parlementaire, hors vote
budgétaire.
Un peu d’histoire
Cet article a été conçu en 1958 par le
père de la Constitution, Michel Debré, comme un instrument censé éviter au
gouvernement de devenir l’otage des « petits » partis dans le cas
d’une coalition gouvernementale qui était le cas le plus fréquent avant 1958.
Avec d’autres articles, il visait donc à protéger une majorité contre la « flibuste »
parlementaire à laquelle peut être tentée de se livrer l’opposition en déposant
par exemple plusieurs centaines d'amendements à un projet de loi. Ce sont donc
ces raisons qui expliquent que l’article 49-3 ait été maintenu dans la
Constitution, et ce quels que soient les commentaires des uns et des autres.
Le 49.3 a été utilisé 83 fois depuis le
début de la 5ème République : 32 fois par la droite et le centre, 51 fois
par la gauche. Il a été utilisé à 45 reprises depuis 1988. Le gouvernement
Michel Rocard (mai 1988-mai 1991 l’a utilisé 28 fois mais il est vrai que
l’ancien Premier ministre n’avait alors pas de majorité absolue au Parlement.
Plusieurs textes ont été adoptés grâce au 49-3, notamment la loi créant le
Conseil supérieur de l'audiovisuel, la réforme du statut de la Régie Renault et
la loi de programmation militaire 1990-1993.
Il faut noter qu’il n'a jamais été utilisé
entre 1997 et 2002 par le gouvernement de Lionel Jospin et entre 2007 et 2012
par le gouvernement de François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Son dernier recours remonte à 2006 avec Dominique de Villepin, lors du vote du
contrat première embauche (CPE).
Un aveu de faiblesse
L’usage de cet article par le gouvernement
de François Hollande, après l’abandon du projet de réforme constitutionnelle,
en dit long sur l’état actuel du pouvoir. Il a déjà utilisé notamment lors de
l’examen de la loi Macron instaurant le travail du dimanche, l'extension du
travail de nuit, la privatisation d'aéroports, etc.
L’article 49-3 est souvent présenté comme
un acte d‘autoritarisme, un dispositif anti-démocratique par la gauche qui
jamais, depuis 1981, n’a envisagé de le retirer de la Constitution.
Ce qui apparaît aujourd’hui est bien un
détournement de la procédure par un gouvernement dont la politique elle-même a
détruit sa majorité parlementaire. C’est le trouble engendré par le changement
de politique de la part du gouvernement qui rend l’adoption de la loi « El
Khomri » aussi périlleux. Car il faut rappeler une évidence : on est
élu sur un programme. Si l’on veut changer de programme, il convient d‘appeler
à de nouvelles élections afin de prendre les français à témoin.
User du 49-3 parce que l’on n’a pas eu ce
courage correspond à un viol de la démocratie. Se servir de la Constitution
pour maintenir en l’état un gouvernement désormais minoritaire comme l’on se
servait d’un corset de fer pour maintenir debout un paralytique est un
détournement de l’esprit de la Constitution.
Le 49.3 ne fait que renforcer la méfiance des Français envers leurs institutions, chose grave dans la situation actuelle. François Hollande ne devra plus s’étonner de l’opprobre dont il est couvert et que les sondages catastrophiques, que ce soit pour le Président ou pour le Premier-ministre, révèlent.
Tous les camps politiques de gauche ou de droite crient respectivement au scandale lorsque celui-ci est utilisé par le camp adverse mais aucun camp ne se décide à abroger cet article de la constitution de 1958. En 2006, François Hollande, alors dans l'opposition, n'avait pas de mots assez durs pour qualifier l'utilisation du 49.3 ! Il avait alors déclaré : « Le 49.3 est une brutalité, le 49.3 est un déni de démocratie, le 49.3 est une manière de freiner ou d'empêcher le débat parlementaire »...
Le 49.3 ne fait que renforcer la méfiance des Français envers leurs institutions, chose grave dans la situation actuelle. François Hollande ne devra plus s’étonner de l’opprobre dont il est couvert et que les sondages catastrophiques, que ce soit pour le Président ou pour le Premier-ministre, révèlent.
Tous les camps politiques de gauche ou de droite crient respectivement au scandale lorsque celui-ci est utilisé par le camp adverse mais aucun camp ne se décide à abroger cet article de la constitution de 1958. En 2006, François Hollande, alors dans l'opposition, n'avait pas de mots assez durs pour qualifier l'utilisation du 49.3 ! Il avait alors déclaré : « Le 49.3 est une brutalité, le 49.3 est un déni de démocratie, le 49.3 est une manière de freiner ou d'empêcher le débat parlementaire »...
Photo Creative commons
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire