Le
Canard enchaîné a révélé les faramineux salaires versés par François Fillon à
son épouse grâce à l'enveloppe parlementaire (plus de 9 000 euros
mensuels) que chaque député peut utiliser à sa guise sans aucun contrôle.
L'austérité
imposée par François Fillon quand il était Premier ministre de Nicolas
Sarkozy, l'austérité dans son programme, décidément c'est pour les autres, pas
pour lui-même ni pour sa femme ni pour ses enfants...
On
connaissait déjà sa vie de noble dans son château de Beaucé dans la Sarthe,
près de Sablé. Une propriété de 14 hectares environ avec chapelle, colombier,
cour, enclos, chenil, logement, vivier, jardin d'agrément, 14
chambres, 3 000 m² de bâtiments annexes et une ferme de 7
hectares. Et c'est une pratique plutôt étrange qui a lieu dans ce manoir, dévoilée dans
l'émission web " Arrêt sur Images ", confirmant une information du
Canard enchaîné : les champs de la ferme sont exploités par un couple
d'agriculteurs qui est dans l'obligation de reverser tous les ans le
" fermage " aux époux Fillon, selon les propos de la sociologue
Monique Pincot-Charlot (soit 218 kilos de viande fraîche servie chaque
année et du blé). Une pratique qui n'est pas sans rappeler le
Moyen-Age quand les manants payaient leur dû
au seigneur du cru.
Aujourd’hui,
l’enquête du Canard enchaîné révèle un autre aspect de la personnalité de
François Fillon par rapport à l'argent. Son épouse, Pénélope Fillon,
a touché des salaires compris entre 3 900 et 7 900 euros brut mensuels en tant
qu'assistante parlementaire, notamment entre 1998 et 2002, versés par son mari
quand il était député ou son suppléant par la suite. De plus, elle aurait
touché, à l’été 2002, un double salaire pour son travail d’assistante de son
époux - avec qui le contrat a pris fin le 21 août - puis de son suppléant,
Marc Joulaud - qui l’a embauchée le 13 juillet.
Pire,
son travail serait purement fictif comme l’affirme le journal
satirique et comme le laisse entendre les propres déclarations de
Pénélope dans une interview en mai 2007 au journal britannique Daily
Télégraph, diffusée dans l’émission « Envoyé Spécial » le 2 février dernier.
D’autre part, Penelope Fillon aurait touché au total 45 000 euros d’indemnités de licenciement portant sur la période 1998-2002, payées en deux fois par l’Assemblée nationale : en août 2002 « 16 000 euros d’indemnités, soit l’équivalent de cinq mois de salaire ». Puis lorsque François Fillon a mis fin, en novembre 2013, au dernier contrat de son épouse, celle-ci a perçu « 29 000 euros de primes » pour dix-sept mois de travail rémunérés 65 839 euros net. Comme tout salarié, les assistants parlementaires ont droit aux indemnités de licenciement mais selon Le Canard enchaîné, « la législation ne prévoit pas un tel niveau (…) pour un collaborateur parlementaire ».
Autre gracieuseté : Madame a rédigé deux ou trois notes pour la Revue des deux mondes, soit une page et demie, pour la bagatelle de 100 000 euros versés par Marc Ladreit de Lacharrière, milliardaire et ami du couple. Selon le journal le Monde, la justice s'intéresserait aussi à une décoration attribuée grâce à François Fillon en 2010 à Marc Ladreit de Lacharrière, propriétaire de la revue, qui a salarié deux ans plus tard Pénélope Fillon moyennant 5 000 euros brut par mois.
Selon le Parisien, le nombre d'heures durant lesquelles Penelope Fillon était censée travailler pour la Revue des deux mondes, pour un travail à temps plein, aurait été " escamoté ". A partir du mois de juillet 2012, l'épouse de François Fillon a en effet cumulé deux emplois, l'un à la revue, et l'autre en tant qu'assistante parlementaire. Or, l'Assemblée autorise ses attachés parlementaires à cumuler deux emplois, mais dans une limite de temps : selon Le Parisien, ils ne pourraient pas travailler plus de 44 heures en moyenne par semaine, pour un total mensuel d'environ 190 heures. Avec cette limite, si elle travaillait à temps plein à la Revue des deux mondes, cela ne lui laissait plus beaucoup de temps pour travailler en tant qu'assistante parlementaire…
François Fillon n’a pas oublié ses enfants aussi. Elu sénateur de la Sarthe le 18 septembre 2005, sa fille Marie est embauchée dès le 1er octobre comme assistante pour quinze mois et 57 084 euros. Marie partie, son frère Charles prend immédiatement sa place le 1er janvier 2007 pour des appointements de 4 846 euros bruts mensuels jusqu'au 17 juin 2007, date de sa nomination comme Premier ministre.
Les deux enfants ont rétrocédé une partie de leurs salaires à leurs parents, a révélé le journal Le Parisien. Sur les 46 000 euros nets touchés par Marie Fillon comme attachée parlementaire de son père au Sénat, celle-ci aurait rétrocédé environ 33 000 euros sur le compte joint de ses parents. Soit plus de 70% de ses rémunérations. Pour justifier ces versements à échéance régulière mais de montants différents, elle évoque le remboursement des frais engagés pour son mariage. Charles Fillon, qui lui a succédé de janvier à juin 2007 a quant à lui reversé à ses parents environ 30% des salaires perçus, a-t-on appris de sources concordantes.
Depuis, ces versements suscitent beaucoup d’interrogations chez les enquêteurs et les magistrats. S’agissait-il d’une rétrocession destinée à maintenir le train de vie des Fillon ?
Mais ces accusations d'enrichissement personnel avec les deniers de l'Etat n'ont rien de très étonnant quand on connaît sa gestion de l'argent public en tant que Premier ministre et plus éloquent encore son hostilité passée à la loi sur la transparence de la vie publique.
Le projet de loi sur la transparence de la vie publique
A la suite de l’affaire Cahuzac, François Hollande annonce le 10 avril 2013 un projet de loi sur la transparence de la vie publique. Qui s’est empressé d’aller sur les chaînes Télé pour critiquer ce projet ? François Fillon naturellement. Le député de Paris a expliqué au journal de 20 heures de France 2 " qu'il n’y a pas besoin de projet de loi (…) Je récuse l’idée que les hommes politiques soient tous corrompus ». Sur I Télé, il ajoutera : « Je suis scandalisé que le gouvernement parle de loi de moralisation. Comme si la vie politique était immorale. Moi, je n’ai rien à cacher. Je ne voterai pas ce texte parce qu’il n’a aucun intérêt. »
Cette loi de 2013 oblige en fait les parlementaires à inscrire sur leur déclaration de patrimoine l’identité de leurs collaborateurs et les activités professionnelles de leur conjoint. On comprend mieux ainsi après l’affaire Pénélope que François Fillon n’ait pas été chaud pour voter une telle disposition. Le 1er janvier 2014, la nouvelle « loi Cahuzac » entre en vigueur. Du coup, le 30 novembre 2013, juste avant la date fatidique, Pénélope présente sa démission à son mari…
Des costumes à 6500 euros pièce
Le
Journal du Dimanche (JDD) du 12 mars a révélé qu’un riche ami (qui s'est avéré
être Robert Bourgi) lui avait offert depuis 2012 pour près de 48 500 euros de
vêtements provenant du très chic tailleur Arnys. Essentiellement des costumes
dont 35 000 euros auraient été réglés en espèces, puis 13 000 euros par chèque,
les 9 et 10 février, soit 15 jours après les révélations du Canard enchaîné.
A deux reprises, les policiers se sont rendus dans la boutique Arnys au 14, rue de Sèvres, dans le 7e arrondissement, à Paris, et y ont saisi différents éléments dont un patron aux mesures de François Fillon. « Un ami m’a offert des costumes en février. Et alors ? », a confirmé François Fillon aux Echos, affirmant que ces cadeaux n’avaient « rien à voir » avec la politique…
Des montres hors de prix
Après l'affaire des beaux costumes, le candidat LR à la présidentielle 2017 va devoir s'expliquer au sujet de deux montres de luxe qu'il s'est fait offrir en 2013 (par le manufacturier suisse Rebellion) et en 2009 (d'une valeur de plus de 10.000 euros pièce), alors qu'il était Premier ministre.
Cette dernière montre est le cadeau d'un généreux donateur, un homme d'affaires italo-suisse, Pablo Victor Dana qui a d'ailleurs déclaré à France info qu'il s'agissait d'un présent " absolument désintéressé ". " Nous partageons la passion commune des courses de voitures anciennes, les mêmes valeurs familiales et je l'admire comme politique et comme père de famille. François Fillon représentait et représente toujours pour moi un symbole de ce qu'un homme politique doit être "…
Un prêt de 50 000 euros, non déclaré
D’après
le Canard enchaîné daté du 8 mars, François Fillon a obtenu en 2013
un prêt non déclaré de 50 000 euros de la part de Marc Ladreit de
Lacharrière, le propriétaire de la Revue des deux mondes et la 23e fortune de
France, estimée à 2,4 milliards de dollars en 2016 par le magazine
Forbes.
François Fillon « n’a pas jugé utile de faire figurer » cette somme sur sa déclaration de patrimoine adressée à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), selon l’hebdomadaire satirique. Il a « spontanément » dit aux enquêteurs avoir oublié de le mentionner dans sa déclaration de patrimoine, lors de son audition le 30 janvier, affirme son avocat, suite à cette nouvelle accusation.
Toujours selon le journal, ce prêt de 50 000 euros pourrait aussi nourrir les soupçons de trafic d’influence qui entourent les conditions d’attribution, sur rapport de François Fillon, du grade de grand-croix de la Légion d’honneur à Marc Ladreit de Lacharrière. Ce titre est rarement décerné, un décret de 2015 fixant à six le nombre maximal de personnes pouvant le recevoir chaque année…
Le triplement de la taille de son appartement de fonction aux frais du
contribuable
Premier
ministre de 2007 à 2012, François Fillon était obnubilé par les déficits
publics et les dépenses de l'Etat. Mais dans son édition du 3 juin 2009,
le Canard Enchaîné a révélé qu'il avait agrandi son appartement
de fonction pour loger son épouse et trois de ses enfants. De 78m² du temps de
Raffarin, l'appartement est ainsi passé à 309 m² dont 213 m² pour la partie
privative.
Le paiement des employés de Matignon par d’autres ministères
L'ancien
Premier ministre avait affirmé avoir baissé les dépenses de fonctionnement de
Matignon. En réalité, les frais de personnels, dont les voyages, étaient
assurés par d'autres administrations. Un certain sens de la transparence (Le
Canard Enchaîné n°4623, 3 juin 2009). Au 1er janvier 2008, 40 des 62
membres de son cabinet étaient payés par des administrations
extérieures. Leurs salaires n'entrent donc pas dans le budget de Matignon, que
le Premier ministre se vantait pourtant d'avoir diminué.
François Fillon a présenté un " budget de crise " pour 2008 sauf qu'en réalité, le nombre de fonctionnaires dont le salaire est pris en charge par des institutions extérieures a augmenté. Au 1er juillet 2008, 49 des 70 membres du cabinet ne sont pas payés par le budget de Matignon (contre 40/62 six mois plus tôt). Même constat pour les fonctionnaires en service à l'Hôtel de Matignon : 230 étaient rémunérés par d'autres (contre 185 six mois plus tôt).
L'inauguration d’une nouvelle ligne TGV avec un jet
Pour
l'inauguration officielle du TGV-Est, François Fillon s'est déplacé en
jet. Le Canard enchaîné, dans son édition du mercredi 13 juin 2007, révèle
l'information. Le 9 juin 2007, le Premier ministre se rend à l'inauguration
officielle du TGV-Est qui doit relier Paris à Strasbourg en 2h20. A l'heure du
départ, à 7h36 à la gare de l'Est, les journalistes qui couvrent l'événement
apprennent que le Premier ministre est déjà monté dans la voiture 11 du TGV
pour travailler mais qu'il rejoindra les journalistes à l'arrivée du
train.
Le convoi officiel arrive finalement avec 26 minutes de retard, tout simplement parce que le TGV a fait un arrêt imprévu en gare de Nancy-Metz, le temps qu'il a fallu pour faire monter dans le TGV François Fillon. Ce dernier n'était en réalité pas du tout dans la voiture 11 du train mais avait préféré faire l'essentiel du parcours à bord d'un jet, un Falcon. La supercherie est alors divulguée à la presse par la SNCF.
Les week-end dans la Sarthe en Falcon 7X
C'est le
magazine Capital du mois de décembre 2011 qui avait sorti
l'information : " chaque week-end du Premier ministre dans son
château de Solesmes revient à 30 000 euros pour le contribuable ". Comment
expliquer un tel coût en pleine crise économique ? Selon le magazine, François
Fillon utilisait un Falcon 7X pour parcourir les 230 kilomètres qui séparent
Matignon et son domicile dans la Sarthe.
Une heure de vol à bord d'un Falcon revient à environ 7 800 euros, sans compter le cortège de voitures officielles qui attendait le Premier ministre à sa descente. « Les retours au bercail du chef du gouvernement coûtent 1,3 million d'euros par an alors qu'il irait plus vite en prenant le train ", dénonçait Capital.
Le Noël chez Moubarak avec un Falcon 900 aux frais des contribuables
En
décembre 2010, François Fillon passe le réveillon en Egypte, chez le dictateur
Moubarak. Pour y aller, il fait le voyage à bord d'un Falcon 900 dont l'heure
de vol est facturée 9 400 euros. Comme en mai 2009, Matignon avait indiqué que
le Premier ministre avait remboursé son billet au tarif d'un vol commercial,
sans dire que l'Etat avait pris en charge " le prix du stationnement
sur le tarmac d'Assouan, plus l'entretien et le séjour de tout l'équipage. Car
l'avion est resté immobilisé pendant dix jours, et tout ce petit monde,
remarqué par d'autres visiteurs pour sa bonne humeur, était logé non loin de la
famille Fillon, à l'hôtel cinq étoiles Pyramisa ", indiquait
le Canard enchaîné.
Le week-end à Marrakech avec un Falcon 50 aux frais de l’Etat
En mai
2009, François Fillon part en week-end privé à Marrakech avec un Falcon 50.
Au Canard enchaîné, ses conseillers justifient l'utilisation de cet avion
en expliquant qu'en tant que Premier ministre, il pouvait être susceptible de
rentrer en France à tout moment. Matignon avait précisé que Fillon et ses
proches allaient rembourser leur billet au tarif d'un vol commercial. Au regard
du tarif de l'heure de vol en Falcon 50 ou de son immobilisation sur un
aéroport, l'Etec (l'escadron gouvernemental) facture l'heure 2 601 euros. Soit,
pour un week-end de trois jours : 182 272 euros. Aucune preuve du paiement du
billet d'avion par l'ex-Premier ministre n'a de toute façon été publiée.
La mission pour Axa de mi-2012 à mi-2014
Reste
enfin l’assureur Axa, dirigé jusqu'en 2016 par Henri de Castries, un autre ami
de très longue date de François Fillon, qui a été présenté comme
l’inspirateur du projet de réforme controversé sur la Sécurité sociale auquel
l'ancien Premier ministre a été contraint de renoncer. Une mise en lumière qui
a finalement poussé Henri de Castries à afficher publiquement son soutien
au candidat de la droite dans une interview au Figaro publiée le 17 janvier.
L'ex-PDG d’Axa a fait travailler François Fillon, rémunéré pour une
mission de conseil qui s’est étalée de mi-2012 à mi-2014. Il a notamment
travaillé sur les négociations en cours à l’époque sur la directive européenne
Solvabilité 2, entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Le site internet de
BFM Business indique que François Fillon aurait perçu à ce titre une
rémunération de près de 200 000 euros.
Mais
il ne sert à rien de se scandaliser sans suite car tout cela est légal. Ce
sont surtout les institutions qui doivent être changées pour y inclure
enfin des mécanismes de contrôle et de surveillance, notamment l’interdiction
pour les députés et sénateurs d’embaucher des membres de leur famille ou
la mise à leur disposition d’au moins un attaché parlementaire payé
directement par le parlement avec un salaire de base identique pour tous les
collaborateurs.
Le
parlement européen a déjà interdit l'embauche par les députés de tout
membre de leur entourage familial. Le Bundestag
allemand l'a fait également depuis de nombreuses années. Mais
François Fillon précise : " Je considère qu'il n'y a pas besoin
de projet de loi, je récuse l'idée que tous les hommes politiques soient
corrompus ".
Sans dire que
tous les hommes politiques sont corrompus, il n'en demeure pas moins
que l'exercice du pouvoir les entraîne souvent vers des excès et
des abus. En la circonstance, on peut regretter qu'ils ne soient
pas plus contrôlés, que leur intégrité ne soit pas vérifié, que leurs abus ne
soient pas punis et condamnés car, le plus souvent, ils arrivent à se soustraire
à la justice...
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