Après
des semaines d’atermoiements, Donald Trump a finalement annoncé jeudi 1er
juin que les Etats-Unis vont se retirer de l’Accord de Paris sur le climat.
Le président a abattu ses cartes en indiquant notamment que l’accord était trop coûteux pour les Etats-Unis et qu'il valait mieux en sortir pour protéger les intérêts des citoyens américains...
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Le président a abattu ses cartes en indiquant notamment que l’accord était trop coûteux pour les Etats-Unis et qu'il valait mieux en sortir pour protéger les intérêts des citoyens américains...
Si beaucoup des propos de Donald Trump constituent des
contre-vérités grossières sur le changement climatique et relèvent d’une
certaine vision nationaliste, ils ne doivent cependant pas
nous faire oublier que la COP 21 qui s’est tenue, du 30 novembre 2015 au
12 décembre 2015 au Bourget en France, n’a jamais pris des décisions
courageuses et visionnaires.
Les
médias n’ont pas beaucoup ébruité certaines dispositions de cet accord, présenté
comme un succès par François Hollande hier et Emmanuel Macron aujourd'hui.
Il sape en réalité les droits des communautés les plus vulnérables de la
planète et ne comprend à peu près rien de contraignant qui garantisse un climat
sain et vivable pour les générations futures.
Les
pays signataires, avec le soutien de l’UE et des autres pays riches, ont veillé
à ce que les parties les plus importantes du traité soient édulcorées au point
d’en devenir absurdes. Car il ne faut pas oublier l’essentiel : cet accord
entérine un réchauffement climatique supérieur à 3°C, sans se doter des
dispositifs pour revenir à une trajectoire inférieure à 1,5°C ou même 2°C.
Par
bien des points, il tranche en faveur des options les moins ambitieuses qui
étaient déjà présentes dans le texte initial de négociation. Il ne valide
qu’une chose positive : les 195 États de la planète sont d’accord pour
maintenir un cadre international et multilatéral de gouvernance du climat.
En
entérinant des contributions nationales (INDCs) qui conduisent à un
réchauffement supérieur à 3°C, la COP 21 s’est montrée incapable de désamorcer
la bombe climatique. L’objectif d’1,5°C, qui n’est pas un objectif
contraignant, ne saurait masquer l’absence d’engagements chiffrés de réduction
d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour les années à venir (art. 2).
Aucune date n’est mentionnée pour le pic des émissions et l’objectif de long
terme attendu pour 2050 ne concerne que la seconde partie du siècle. Cela ouvre
la porte de fait à l’utilisation massive de techniques inappropriées telles que
le stockage et la séquestration du carbone, la compensation carbone et la géo
ingénierie.
Sans
feuille de route clairement établie, sans mention des points de passage en 2020
et 2050 fixés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du
climat (GIEC), l’accord de Paris met en danger le simple droit à vivre de
nombreuses populations à travers la planète.
La
Chine et l’Inde notamment pourront augmenter leurs émissions de carbone sans
aucune contrainte jusqu’en 2030. Or, le développement industriel rapide de
la Chine provoque une augmentation de la pollution atmosphérique, en
particulier dans les grandes agglomérations du pays. 29 villes chinoises,
rassemblant 90 millions de citadins, ont ainsi connu plus d'un mois d'alerte à
la pollution (seuil d'alerte déclenché à partir de 150 microgrammes par
mètre cube d'air de particules fines). L'Inde est quant à elle la
troisième puissance économique d'Asie et pourtant la plus polluée, passant
devant la Chine. Dans son livre Bombay Maximum City publié, le journaliste
Suketu Mehta explique que " respirer l'air de Bombay aujourd'hui
équivaut à fumer deux paquets et demi de cigarettes ".
Aucun
mécanisme de sanction n’est mis en œuvre pour sanctionner les États qui ne
mèneraient pas à bien leurs engagements ou qui refuseraient de revoir à la
hausse leur ambition. Alors que les accords de libéralisation du commerce et de
l’investissement sanctionnent les pays lorsqu’ils ne respectent pas les règles
établies, il n’y a encore rien en termes de lutte contre les émissions de gaz à
effet de serre.
En
matière de financement, la convention cadre prévoit que les pays historiquement
les plus émetteurs débloquent les financements nécessaires à l’adaptation des
pays qui en ont besoin. Mais l’absence des 100 milliards de dollars comme
plancher de financement a pour conséquence de soumettre le texte de la COP 21 à
de nouveaux arbitrages futurs, sans force contraignante. Il y a un manque total
de transparence et de prévisibilité des financements pour l’après 2020 : les
termes « nouveaux » ou « additionnels » ne sont même pas utilisés pour évoquer
les financements futurs. De nombreuses contributions des États, notamment des
pays les plus démunis, dépendent en effet de financements additionnels pour
mener à bien leur transition énergétique et politique d’adaptation. Or, ces
financements ne sont pas là et ne sont pas garantis pour le futur.
On
constate également une suppression des références aux droits humains et des
populations indigènes, références renvoyées dans les préambules. Il y a un très
net affaiblissement du mécanisme de « Pertes et dommages » puisque tout ce qui
concerne les responsabilités juridiques est retiré de l’accord.
Il
sera impossible de rajouter dans les années futures tout ce qui n’est pas dans
le texte de l’accord. Des inventaires (stocktaking) sont prévus tous les 5 ans,
mais la mise en œuvre des révisions à la hausse reste dépendante de
l’interprétation du texte et de la bonne volonté des États.
Aucun
mécanisme n’est clairement défini pour faciliter le transfert des technologies,
notamment pour lever les barrières générées par les droits de propriété
intellectuelle.
Une
possibilité est laissée aux pays, notamment les plus émetteurs, d’utiliser des
mécanismes de compensation carbone pour atteindre leurs objectifs, au détriment
d’une réduction domestique des émissions.
En
résumé, ce très pâle accord reflète l’impuissance des gouvernements à
s’attaquer aux causes réelles des dérèglements climatiques. L’avidité des
multinationales, les énergies fossiles et l’obsession de la croissance sont
considérées comme des données intouchables. De plus, les secteurs de l’aviation
civile et du transport maritime qui représentent près de 10 % des émissions
mondiales sont exemptés de tout objectif.
Aujourd’hui,
le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris est regrettable mais ne change
en rien le bricolage réalisé lors de la COP 21, constitué d’abord de la somme
des égoïsmes nationaux, aussi bien en matière de financements que d’objectifs
de réduction des émissions…
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