La commission de Bruxelles vient de prolonger
l’autorisation de l’utilisation du glyphosate pour cinq ans, soit en fait
une prolongation de six ans et six mois au total si l’on considère qu’elle
avait déjà, au printemps 2016, prolongé temporairement
de 18 mois la licence qui
arrivait à expiration.
Une nouvelle fois, le lobbying intense des
industriels de l’industrie chimique auprès des membres de la commission
européenne a porté ses fruits…
Le glyphosate est couramment utilisé comme désherbant agricole, domestique
et urbain. On retrouve ses traces dans les champs, les jardins, les
rues, les aires de jeux d’enfants et bien sûr dans la nourriture. Près de 50%
des fruits et des légumes produits par l’agriculture intensive contiennent des
résidus qui finissent dans nos organismes, apportés par les aliments consommés
mais aussi par l’eau et l’air.
De plus, son usage
massif par les agriculteurs, depuis la fin des années 1990, a conduit à
l'apparition de mauvaises herbes résistantes au produit tandis que les végétaux
comestibles, les insectes de surface et la faune sous terre finissent par
être détruits.
Aux Etats-Unis, une
étude publiée par l’US Geological Survey a montré que dans certaines
régions, le glyphosate était présent à des niveaux mesurables dans les trois
quarts des échantillons analysés d’air et d’eau de pluie.
En Colombie, le
glyphosate est notamment utilisé par le gouvernement pour détruire les champs
de coca produisant de la drogue. Ces actions détruisent des milliers d'hectares
de forêt tropicale, parfois classés réserves naturelles, comme la forêt du
Putumayo, et des exploitations agricoles légales.
En France, il
s’en répand près de 10 000 tonnes chaque année. Selon un rapport
rendu par l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement
et du travail (Anses), « le glyphosate est en France le principal
responsable du déclassement de la qualité des eaux ».
Un produit nocif très ancien
En 1950, un chimiste suisse, Henri Martin, synthétise pour la première fois
le glyphosate, une molécule répondant au doux nom de N-phosphonomethyl-glycine.
Il travaille pour le laboratoire pharmaceutique Cliag mais il ne trouve
alors aucune application concluante pour sa découverte.
Vingt ans plus tard, John Franz, chimiste lui aussi, cherche à créer un
herbicide puissant pour son entreprise missourienne, Monsanto. Il découvre que
le glyphosate tue les plantes en bloquant un enzyme dont elles ont besoin pour
fabriquer des protéines. C’est ce qu’on appelle « un herbicide
systémique à large spectre ». Le glyphosate est alors breveté sous le
nom commercial de Roundup.
Le vrai boom intervient à la fin des années 1990 quand Monsanto développe
des organismes génétiquement modifiés (OGM) rendus tolérants au Roundup. À
partir de 1996, la firme commercialise des cultures Roundup Ready (maïs, soja).
Résultat, en 2013, ces dernières représentent 63 % du total des plantes
transgéniques commercialisées. Avec l’expiration du brevet de Monsanto en 2000,
une quarantaine de sociétés vendent désormais des produits à base de
glyphosate.
Mais des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dénoncer la
nocivité du glyphosate sur l’environnement comme sur la santé. De
l’Amérique latine à l’Europe, les preuves scientifiques pleuvent.
En septembre 2012, le biologiste
français Gilles-Éric Séralini se fait notamment connaître du
grand public pour ses études sur les OGM et les pesticides, et en
particulier pour une étude toxicologique portée par le Comité de Recherche
et d'Information Indépendantes sur le génie Génétique (CRIIGEN) mettant en
doute l'innocuité du maïs génétiquement modifié NK 603 et du Roundup sur la
santé de rats.
En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC)
publie une monographie classant le glyphosate parmi les « cancérogènes
probables ou possibles » pour l’homme. L’évaluation
des risques a été faite à partir d’études sur les expositions agricoles menées
aux États-Unis, au Canada et en Suède. Les chercheurs ont méticuleusement passé
en revue des publications indépendantes, en éliminant toutes les études
commanditées par les multinationales en quête d’une validation de leur
produit.
En octobre 2016, se tient le Tribunal international contre Monsanto, à
l’Institut des études sociales de La Haye. Un tribunal formel avec une
trentaine de témoins (experts, avocats, choisis en fonction de la qualité de
leurs recherches) qui ont partagé leur expertise et dénoncé les pollutions
et les dommages causés par ce pesticide et les OGM.
Mais que font les autorités
européennes de réglementation ? Elles s’en remettent hélas à des
évaluations réalisées par les multinationales. 58% des groupes
scientifiques de l’Agence européenne de sécurité des aliments entretiennent des
relations avec le secteur privé. La composition par exemple du groupe d’experts
« Pesticides » de l’agence allemande est significative : le tiers des
membres de ce comité sont directement salariés par des géants de l’agrochimie
ou des biotechnologies !
L'allemand Bayer a racheté récemment Monsanto et ce n’est donc
pas un hasard si l’Allemagne a voté pour une prolongation de la
licence du glyphosate de cinq ans le 27 novembre dernier…
La France a voté contre, proposant une prolongation moindre de 3
ans. Emmanuel Macron a déclaré sur Twitter. : " J'ai
demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que
l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives
auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans ".
Mais au-delà de ce pur effet d’annonce, le président de la
République sait pertinemment qu'il ne pourra pas faire grand-chose dans
les trois années qui viennent au risque de voir la France poursuivie par
la commission européenne pour non-respect des règles de concurrence. Face
au dogme de la libre circulation des marchandises, la France sera
impuissante pour s'opposer à l'entrée sur son territoire
de produits contenant du glyphosate venant des autres pays
européens, du canada ou des Etats-Unis !
Finalement, ce nouvel épisode prouve une
nouvelle fois que la commission de Bruxelles est toujours sous
l’influence des lobbys de l’industrie chimique et des partisans de
l’agriculture intensive. Alors qu’il faudrait faire valoir le principe de
précaution dès maintenant et ne plus tolérer ce produit sur nos étalages, les
instances européennes continuent de tourner le dos à une
agriculture raisonnable et durable dont le monde a besoin…
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