Que veut dire Emmanuel Macron quand il appelle à faire du futur vaccin contre le COVID-19 un bien public mondial ? Selon une définition officielle, on entend par ce terme une « ressource, bien ou service bénéficiant à tous et à toutes, dont l’exploitation ou la préservation peuvent justifier une action collective internationale ». Ainsi, l’ambition de la France serait que le vaccin COVID-19 soit une ressource partagée, fruit d’une réelle coopération internationale.
La
réponse multilatérale à la pandémie s’est rapidement organisée dans le cadre de
l’Organisation mondiale de la Santé. Une plateforme de coordination a été mise
en place sous les sigles ACT-A (pour Access to Covid-19 tools - Accelerator, ou
en français : Accélérateur pour l’accès aux outils contre la Covid-19) dont le
but est d’accompagner le développement en commun des outils nécessaires pour
répondre à l’urgence sanitaire et notamment la coordination des outils
de diagnostics et de traitements du futur vaccin.
Mais si
le virus frappe tous les pays du monde sans distinction, tous les pays ne sont pas
outillés de la même manière pour y faire face. D’où l’importance d’ACT-A et la nécessité
de permettre une mise en commun non seulement des ressources, mais aussi des
capacités de production afin de donner à tous les pays les mêmes chances de
protéger efficacement leur population. Une démarche précieuse
puisqu’aujourd’hui, l’immense majorité des entreprises pharmaceutiques à même
de développer le futur vaccin, se trouvent dans les pays riches. La
collaboration au sein d’ACT-A, bien qu’imparfaite, est donc essentielle. C’est
la seule approche collective actuellement offerte pour le développement, le
financement et la production du vaccin avec un objectif fondamental : la
vaccination des populations prioritaires selon un principe d’équité mondiale.
Les experts de l’OMS ont calculé que 38 milliards de dollars sont nécessaires à la réalisation des objectifs de la plateforme ACT-A, notamment celui de vacciner 20% de la population mondiale d’ici à la fin 2021. Mais à l’heure actuelle, seuls 4 milliards ont été mis sur la table par les Etats, et la plupart des pays riches se refusent à participer pleinement à ACT-A, préférant négocier de façon bilatérale et sans transparence avec les entreprises pharmaceutiques pour se procurer le futur vaccin.
L’urgence de mutualiser les brevets
Les pays riches, Etats-Unis en première ligne, se sont lancés dans une course effrénée aux vaccins afin de sécuriser un maximum de doses pour leurs populations. Quelques pays riches, représentant seulement 13% de la population mondiale, auraient d’ores et déjà sécurisé plus de la moitié des doses des cinq vaccins-candidats au développement le plus avancé. Se faisant, ils contribuent à exacerber une logique compétitive déjà sous-jacente au monde pharmaceutique, hypothéquant la vie de millions de personnes à travers le monde.
Face à une telle dynamique, l’Union européenne (UE) a emboîté le pas aux pays comme les Etats-Unis et le Royaume Uni. La Commission européenne a ainsi signé trois énormes contrats de préachat de vaccins avec la firme britannique AstraZeneca, le duo franco-britannique Sanofi-GSK et le groupe américain Johnson & Johnson à hauteur de 300 millions de doses pour les deux premiers et 400 millions de doses pour le troisième. Des discussions avec d’autres laboratoires sont actuellement en cours, dans la plus grande opacité et ce, malgré les sommes colossales d’argent public impliquées.
Si rien
ne change, et au vu des capacités de production actuelles, 61 % de la population mondiale n’aura pas accès à un vaccin avant au moins
2022, retardant d’autant l’espoir de mettre fin à la pandémie. En effet, aucune entreprise pharmaceutique n’a les capacités de
produire suffisamment de vaccins pour tout le monde.
La
production à grande échelle d’un vaccin ne sera rendue
possible que si les entreprises pharmaceutiques acceptent de coopérer, notamment
en partageant leurs savoirs et recherches plutôt qu’en persistant dans cette
course aux profits. Il est donc urgent de mutualiser les droits de
propriété intellectuelle sur les futurs vaccins pour augmenter les capacités de
production, notamment dans les pays en voie de développement.
Les
droits liés à la propriété intellectuelle sont utilisés par les grands groupes
pharmaceutiques dans le but de faire monter les prix des médicaments, profitant
de droits exclusifs pour produire ces derniers pendant plus de vingt ans. Si
ces pratiques sont justifiées par la nécessité d’assurer des retours sur
investissement de la recherche, une grande partie de la recherche et du
développement provient en réalité de fonds publics. C’est souvent le cas pour
les recherches les plus innovantes où le risque d’échec est élevé, et c’est le
cas pour la recherche actuelle contre le coronavirus.
La France propose le partage de la propriété intellectuelle sur une base volontaire. Mais laisser notre avenir au bon vouloir de grandes multinationales n’est pas seulement immoral, cela ne fonctionne pas ! La preuve : à l’heure actuelle aucun laboratoire pharmaceutique n’a accepté de se prêter au jeu de la mutualisation des brevets, préférant défendre mordicus leurs privilèges même si cela signifie jouer avec la vie de millions d’hommes, de femmes et d’enfants...
> Signer la pétition pour un vaccin universel et gratuit ICI
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