Ancien candidat à l’élection présidentielle par deux fois, enfant de Mai 68, député européen, c’est un morceau d’histoire de la gauche qui s’en va…
Alain
Krivine était issu d’une famille de la petite bourgeoisie juive venue en partie
d’Europe centrale et orientale. Ses grands-parents paternels naquirent dans
l’Empire russe, en Ukraine.
Le
père d’Alain Krivine, Pierre Léon Georges Krivine, naquit le 12 décembre 1899
et mourut le 21 mai 1977 à Paris. Il fit des études de médecine et devint
stomatologue libéral. Athée, il n’avait aucune activité politique mais se
classait à gauche, dans la mouvance antifasciste.
Sa
mère, Esther Lautman, était née le 9 décembre 1906 à Paris et elle décéda le 19
juillet 1981 à Saint-Denis. Elle fit des études jusqu’au baccalauréat et arrêta
ensuite ses études pour se marier avec Pierre Krivine.
Alain
Krivine grandit à l’ombre de ses frères qui s’étaient tous engagés
rapidement sur le plan politique :
- Gérard Krivine, né le 7 juin 1930 à Paris, devint ingénieur à EDF après avoir fait l’École des Mines.
- Jean-Michel Krivine, né le 5 août 1932, à Paris, fit des études de médecine et fut interne des hôpitaux de Paris en 1957. Il passa et réussit le concours de chef de service de chirurgie à l’hôpital d’Eaubonne dans le Val-d’Oise en 1970.
- Roland Krivine, né le 26 juillet 1935 à Paris, devint cadre commercial.
- Enfin Hubert, son frère jumeau, est un chercheur spécialiste de physique nucléaire donnant des cours à Orsay.
Alain
Krivine se maria très jeune. À vingt ans, il épousa Michèle Martinet, fille de
Gilles Martinet, fondateur du PSU et du Nouvel Observateur, qu’il avait
rencontrée à son arrivée à la Sorbonne. Ils eurent différents appartements,
pour finalement s’installer dans une HLM à Saint-Denis dans les années 80. Alain
Krivine a deux filles : Nathalie, née en 1968 et Florence, née en 1974.
Figure historique d’une
génération
Après
sa réussite au baccalauréat, il entra en hypokhâgne à l’automne 1960. Il adhéra
à l’Union des étudiants communistes de France (UECF) et devint également responsable des préparationnaires de l’Union nationale des étudiants de France
(UNEF).
À
partir de 1954-1955 commença la première grande période de son histoire
politique. Il adhéra à l’Union de la
jeunesse républicaine de France (UJRF) à treize ou quatorze ans tout en
poursuivant normalement sa scolarité au lycée Condorcet.
En
1956, il accepta sans réticence la transformation de l’UJRF en Union de la
jeunesse communiste de France (UJCF). Il organisa un cercle d’une vingtaine
d’adhérents dont il était le secrétaire. Une de ses activités essentielles,
après les cours, consistait à aller diffuser des tracts ou
vendre "L’Avant-Garde" devant la gare Saint-Lazare. Avec la guerre
d’Algérie, les affrontements se durcirent ; c’est à cette époque qu’il
fonda un comité antifasciste à Condorcet. Il fut rapidement repéré par deux
dirigeants de l’UJCF, Paul Laurent et Jean Gager et à quinze ans devint
responsable de l’ensemble des lycéens communistes de Paris.
Ce fut
certainement à la fin 1961 ou au début de 1962 qu’après toutes ses lectures, le
jeune Alain Krivine s’orienta tout naturellement vers la politique ; ce
processus commença dès l’adolescence avec l’appartenance aux Vaillants. Cette
période fut marquée par trois choses : le centre culturel du PCF, rue de
Navarin, où les jeudis après-midi se partagèrent entre des goûters, la
projection de films soviétiques et des chants ; le Studio 43 où étaient
projetés des films soviétiques ou dénonçant la guerre d’Indochine ; enfin,
l’été, les camps de vacances dans le Limousin, près d’Oradour-sur-Glane.
Mais
ce militant, promis à un bel avenir dans l’appareil du PCF, connut son grand
tournant politique qui le conduisit quelques années plus tard à la rupture. Ce
tournant portait notamment sur la question coloniale, plus précisément sur la guerre
d’Algérie et l’attitude du PCF face à cette question.
A
partir de 1966, commença vraiment la période d’Alain Krivine dirigeant
trotskyste, avec tout d’abord la JCR jusqu’en 1968, la Ligue communiste (LC) de
1969 à 1973 et enfin la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) de 1974 à la fin
du siècle.
De
fait, sa vie personnelle fut totalement imbriquée à celle de la LC, et jusqu’en
1973 toute son activité resta marquée par l’idée que Mai 68 n’avait été
qu’une répétition générale et qu’en conséquence le mouvement trotskyste devait
être prêt au moment où éclaterait la crise décisive. C’est sur la jeunesse,
lycéenne et étudiante, que s’exerça l’influence de la Ligue : on retiendra
la mobilisation lycéenne en faveur de Gilles Guiot en 1971 et la mobilisation
lycéenne et étudiante contre la réforme des sursis en 1973. Cette période
s’acheva par un événement marquant, la dissolution de la Ligue le 28 juin 1973,
qui survint après la manifestation organisée contre la tenue du meeting d’Ordre
nouveau, à Paris, le 21 juin 1973.
Il
était, enfin, un des dirigeants de la IVe Internationale dont le siège se
trouvait à Bruxelles. Il était membre du bureau qui se réunissait toutes les
semaines mais s’y rendait rarement à cause d’un emploi du temps très chargé.
Déjà
candidat à la présidentielle de 1969, Alain Krivine se présente en 1974. Un
succès limité car il fera 0,4 %, derrière Arlette Laguillier à 2,3 %.
En 1988, sur la Cinq, l’inoubliable Jean-Claude Bourret présentait Duel. À gauche, Jean-Pierre Vigier, directeur de recherche au CNRS, ancien résistant, membre du Parti communiste. À droite, Jean Rochet, ancien directeur de la DST (direction de la surveillance du territoire) et directeur du contre-espionnage en mai 1968. Au milieu, Alain Krivine pour un grand moment de télévision !
Fidèle
et modeste, Alain Krivine adorait évoquer ces rares moments de grâce où la révolte, sans
prévenir, surgit spontanément. Mais comment organiser, structurer,
résister ? Il laisse la question sur la table. Pour les siens, pour ses
camarades, Alain Krivine s’en va mais ce n’est qu’un début, le combat
continue !
> Les obsèques d'Alain auront lieu le lundi 21 mars au cimetière du Père-Lachaise à 15h30. Une marche sera organisée pour se rendre au cimetière. Une soirée d’hommage avec des invité·e·s internationaux aura lieu ensuite à la Mutualité (Paris 5e) le samedi 30 avril (veille du 1er Mai).
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