Ce changement de pied prouve une fois de plus que le Président de la République change d'avis comme de chemise et il explique maintenant que la
dégradation du rapport actifs-inactifs nécessite un nouveau recul de l’âge de
départ.
En suivant ce principe simpliste, dès lors que ce rapport se dégrade, il faudrait donc reculer l’âge légal de départ à la retraite, ce qui est parfaitement intolérable...
La France comptera 1,4 cotisant par retraité à partir de la fin des années 2040 selon le Conseil d'orientation des retraites (COR). Se basant sur cet élément statistique et un manque de financement des actifs vers les inactifs, Emmanuel Macron veut reculer à nouveau l’âge de départ en le portant à 64 ans.
C’est en fait une nouvelle réforme allant toujours dans le même sens, à
savoir celui d'une nouvelle régression sociale que nous connaissons depuis 1993
:
- En
1993, la réforme Balladur a porté le nombre d’années de cotisation
nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein a 40 annuités (160
trimestres) au lieu de 37,5 ans (150 trimestres). Principale conséquence :
les personnes voulant prendre leur retraite sans
avoir les 40 annuités nécessaires pour une pension à
taux plein, subissent une décote de 10 % du montant de
la pension mensuelle par année manquante, pour l'ensemble des
salariés du privé. Quant au salaire annuel moyen (SAM), basé sur les
10 meilleures années qui sert de base au calcul de la pension, il est
calculé maintenant sur les 25 meilleures.
- En
2003, la réforme Fillon a aggrave encore la situation en portant
la durée d’assurance pour obtenir une pension à taux plein (50% du SAM) à
41 annuités de cotisations.
- En
2010, la réforme Woerth a porté progressivement l’âge légal de
départ à la retraite à 62 ans en 2017.
- En
2014, la réforme Touraine a porté à 42 annuités à l'horizon 2023 pour
une retraite à taux plein, à 42 ans et un trimestre en 2026, à
42 ans et deux trimestres en 2029, à 42 ans et trois trimestres
en 2032 et enfin à 43 ans en 2035. Une décote a été instituée
avec une réduction progressive de 5% par année manquante en cas de
liquidation avant 65 ans sans réunir les conditions du taux plein. De plus, l'indexation
annuelle des retraites a été reportée d’avril à octobre.
Au total, ces quatre réformes se sont traduites par une baisse de 20% à 25 % du montant moyen des retraites du régime général ! Et aujourd’hui, 50% des retraités perçoivent une pension globale inférieure à 1300 € par mois, 25% des retraités une pension inférieure à 800 € et environ 10 % moins de 300 €.
Une situation qui s'est
encore aggravée au cours du premier quinquennat d’Emmanuel Macron avec
l'augmentation de 25% du taux de la CSG sur le montant des pensions
(8,3% au lieu de 6,6%) puis de la non indexation annuelle de celles-ci sur
le taux annuel d'inflation.
D’autres solutions existent mais Emmanuel Macron n'en veut pas !
Pour éviter cette réduction continue des droits des pensionnés que l'on connait depuis 30 ans, il serait parfaitement possible de dégager un financement complémentaire du budget de l'Etat ou de la Sécurité sociale. Adopté par de nombreux pays, ce système existe déjà partiellement en France dans la mesure où les retraites de la Fonction publique sont financées par les cotisations sur salaires des fonctionnaires actifs mais aussi par une aide du budget de l'Etat.
Pour aller dans ce sens et trouver un financement adéquat complémentaire, Il serait facile de revoir toutes les exonérations accordées depuis de nombreuses années aux entreprises dont certaines sont sévèrement critiquées, y compris dans la majorité gouvernementale :
- Allégements généraux de cotisations sociales entre 1 et 1,6 SMIC (Fillon) : 24 milliards d’euros en 2019 ;
- CICE « basculé » en réduction de 6 points de cotisations sociales entre 1 et 2,5 SMIC : 22 milliards d’euros en 2019 ;
- Pacte de responsabilité « 2015 » (exonération de 1,8 point de cotisations sociales entre 1 et 1,6 SMIC) : 4 milliards d’euros en 2019 ;
- Pacte de responsabilité « 2016 » (exonération de 1,8 point de cotisations sociales entre 1,6 et 3,5 SMIC) : 4 milliards d’euros en 2019 ;
- Allégement supplémentaire de 4 points de cotisations sociales au niveau du SMIC puis décroissant jusqu’à 1,6 SMIC : effet année pleine de 3,5 milliards d’euros à la fin de 2019...
- Autre problème qui réduit le budget de la Sécurité sociale, c'est celui de l’étroitesse de l’assiette des cotisations dites patronales. En effet, les entreprises à fort taux de main d’œuvre, ayant une forte masse salariale mais une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à celles ayant une faible masse salariale et une haute valeur ajoutée. Le remplacement, même partiel, des cotisations patronales par une contribution sur la valeur ajoutée reviendrait pour la première fois à inclure les profits d’exploitation des entreprises dans l’assiette de financement de la Sécurité sociale, notamment les entreprises ayant « ajusté à la baisse » leur masse salariale à l’occasion de restructurations ou de délocalisations. Cette dernière proposition fut explorée à plusieurs reprises par d’anciens premiers ministres, Alain Juppé et Lionel Jospin, mais elle est restée lettre morte.
Et c'est sans compter enfin sur le manque de volonté politique du gouvernement Macron de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale qui coûterait entre 80 et 100 milliards d'euros par an (tout impôt et taxe confondus), selon le syndicat Solidaires des Finances Publiques.
Comme on le voit, de nombreuses solutions existent pour trouver un financement complémentaire et éviter cette fuite en avant régulière du recul de l'âge légal du départ en retraite mais Emmanuel Macron ne veut aucune autre solutions, s'alignant ainsi encore une fois sur la philosophie de la commission de Bruxelles...
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