Le
président de la République a pris la décision « irréversible » de
mettre en place la retenue à la source pour le paiement de l’impôt sur le
revenu.
Il met ainsi la charrue avant les bœufs car l’urgence, c’est d’abord et avant tout la mise en œuvre d’une vraie réforme fiscale réhabilitant l’impôt progressif qui est l’impôt le plus juste…
Le
gouvernement de Manuel Valls a acté la décision du président de la République
et les contribuables devraient avoir une année blanche sur les revenus
2017 et ne paieront pas deux fois l’IR en 2018.
Mais
le prélèvement à la source n’est pas la panacée car en 2014, plus de
70 % des contribuables avaient opté pour le prélèvement mensuel de l’IR et
il y aura toujours une déclaration annuelle pour justifier de toutes ses
ressources. De plus, ce prélèvement concernera seulement les salariés et
retraités mais pas les professions indépendantes.
Le
manque à gagner pour les recettes de l’Etat risque d’être important d’autant
plus que certains contribuables pourraient en profiter pour réaliser des
plus-values qui ne seraient pas imposées.
De
plus, si l’on transfère cette mission aux entreprises, on peut craindre des
pertes en ligne si quelques entreprises ne reversent pas tous les
impôts collectés. Il y a d’autre part un risque de divulgation à
l’employeur d’éléments concernant la vie privée du salarié contribuable.
On va
donc modifier le mode de collecte de l'IR mais sans faire une grande
réforme fiscale qui est renvoyée aux calendes grecques et qui ne
sera jamais faite avant la fin du quinquennat. Pourtant le système fiscal
français est très injuste mais cela n’a pas l’air d’interpeller le Président de
la République ni son Premier Ministre.
Le refus de rétablir une réelle progressivité de l’impôt sur le revenu
François
Hollande et son ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault ont laissé perdurer
dès le début du quinquennat en 2012 le gel du barème introduit en 2011 par le
gouvernement de François Fillon. Ce gel a été ensuite reconduit sur les revenus
de 2012 et l’impôt payé en 2013, ce qui a représenté en fait une hausse
déguisée supportée par les contribuables de 3,4 milliards d'euros !
Puis
en 2015 dans l’incohérence la plus totale, après avoir fait rentrer des
millions de contribuables dans l'IR en gelant le barème, le nouveau Premier
ministre Manuel Valls les a fait ressortir en supprimant la 1ère
tranche de l'IR !
Mais
l’IR souffre toujours d'un manque cruel de progressivité avec seulement 4
tranches d’imposition : 14% (9690 à 26764 €), 30% (26764 à 71754 €), 41%
(71754 à 151956 €), et 45% (151956 € et plus). Dès lors que le nombre de
tranches comme l’éventail des taux d’imposition ont été réduits et resserrés
vers le bas, notamment par Laurent Fabius, ministre des finances en 2000,
l’IR n’est plus hélas calculé en fonction des « facultés » de chacun.
Le simple rétablissement de quatorze tranches d’imposition telles qu’elles existaient au début des années 1980, au lieu des 4 tranches actuelles permettrait de rétablir une réelle progressivité de l'IR et de dégager des recettes nettement supérieures aux 58 milliards d'euros qu'il a rapporté en 2012. Mais François Hollande s’est contenté uniquement de porter le taux marginal de 41% à 45 % et sans toucher au reste, cela ne change quasiment rien au système fiscal qui reste toujours dégressif pour les plus hauts revenus.
Le quotient familial (QF) et le quotient conjugal (QC)
Considéré
à tort comme le mode de calcul normal de l’IR, le quotient familial (QF) permet
aux ménages les plus aisés de bénéficier de ristournes beaucoup plus importantes
que les ménages modestes, et ce à taille de famille équivalente. Ce mécanisme
devrait être remplacé par un abattement forfaitaire pour chaque enfant à
charge, identique pour toutes les familles…
Quant
au mécanisme du quotient conjugal (QC), il consiste à diviser la somme des
revenus d'un couple par deux avant de lui appliquer le barème progressif. Ce
système réduit fortement l'impôt des couples aisés dont l'un des membres - le
plus souvent la femme - ne travaille pas ou très peu, avec une réduction
d'impôt d'autant plus élevée que le revenu principal est important...
Les niches fiscales
C’est
notamment à cause des niches fiscales que les impôts progressifs sont
aujourd’hui ultra-minoritaires dans le paysage fiscal. Elles sont évaluées à plus
de 70 milliards d’euros mais d’après un rapport de la cour des comptes, réalisé
sous le magistère de feu Philippe Séguin, celles-ci représentaient pour l’année
2009 146 milliards € ! Une somme colossale et une aberration économique
puisque cette somme est trois fois supérieure au produit de l'IR payé par les
particuliers !
Si
certaines d’entre elles répondent à un souci d'équité ou à des mesures
économiquement utiles, d'autres permettent surtout à une minorité de personnes de
réduire fortement leur imposition tout en se constituant un patrimoine
important.
Certes,
le gouvernement de François Hollande a plafonné quelques niches à 10.000 € au
lieu de 18 000 € mais beaucoup d’entre elles sont totalement inefficaces
et doivent être purement et simplement supprimées. Pire, l’ancien Premier
Ministre, Jean-Marc Ayrault, a réussi l'exploit d'accorder à deux niches
fiscales (Sofica et loi Girardin pour les DOM) des plafonds supérieurs à ceux
fixés antérieurement par le gouvernement de Nicolas Sarkozy !
François
Hollande n’imagine pas un seul instant qu’avec la récupération d’un tiers
seulement de ces recettes perdues, on réglerait une bonne fois pour toute les
intérêts annuels de la dette publique qui se montent à 50 milliards €…
L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF)
L’ISF
a été effectivement rétabli mais la disposition prise par Nicolas Sarkozy,
au terme de laquelle le seuil de déclenchement de l’ISF ne joue qu’à
compter de 1,3 million € de patrimoine, a été maintenu. En clair, le premier
taux d’imposition de 0,50% prend effet à compter de 800 000 € mais
seulement si ce seuil de 1,3 million € est atteint !
Le
nouveau barème a été sensiblement allégé aussi pour d’autres raisons :
les taux applicables ont été abaissés de 0,55 à 0,50% pour la première
tranche et de 0,75 à 0,70% pour la seconde, la tranche de 1,65% est supprimée,
le taux marginal passe de 1,80 à 1,50% ! Ainsi, en 2013, l'ISF a été moins
lourd sous la gauche (4,074 milliards € estimés) qu’en 2011 sous la droite
(4,321 milliards €) !
La fraude fiscale
La
fraude fiscale, par son ampleur et ses caractéristiques (au minimum entre 60 et
80 milliards € par an, selon le Syndicat national unifié des impôts), réduit
aussi fortement les rentrées fiscales et accentue les inégalités, sans parler
de l'optimisation fiscale qui fait le bonheur des avocats d'affaires. Ce sont
essentiellement les grosses entreprises et les riches particuliers qui en
bénéficient car ils peuvent faire de gros investissements déductibles de
l’Impôt ou user de l’existence des paradis fiscaux.
L’administration
fiscale a perdu 25 000 emplois depuis 2002 sur l'ensemble de ses missions, dont
une grande partie est concentrée sur des services qui forment le premier étage
du contrôle fiscal, c'est-à-dire le service de gestion de l'impôt, le service
de contrôle sur pièces et le service de programmation des contrôles fiscaux.
Ces pertes d'emploi ont fragilisé la détection de la fraude et le contrôle
fiscal dans son ensemble.
Suite
à l’affaire Cahuzac, il a bien été procédé à un renforcement de 50 agents à la
DGFIP (Direction Générale des Finances Publiques) mais un signal fort aurait dû
être donné par la création d’au moins 2000 postes dans les administrations
chargés de lutter contre les fraudes et par l’établissement de la liste
« française » des pays considérés comme non coopératifs ou comme
paradis fiscaux et judiciaires en accompagnant cette liste des sanctions
infligées aux entreprises qui utilisent ces territoires.
La fiscalité locale et indirecte
La fiscalité
locale est également très injuste car elle varie d’un montant de 1 à 4 suivant
les régions et a augmenté considérablement ces dernières années. Les bases de
calcul sont totalement archaïques et datent de 1961 (taxe foncière) et de 1970
(taxe d’habitation). Le montant à payer pour les contribuables ne dépend
pratiquement pas du revenu fiscal déclaré, sauf pour les personnes qui ont des
difficultés sociales graves et qui bénéficient d’exonérations partielles ou
totales. Ainsi, comme le souligne la cour des comptes, "les ménages
modestes ou moyens subissent proportionnellement un prélèvement plus lourd que
les ménages les plus aisés".
Quant
aux impôts indirects (TVA, TIPP, forfaits hospitaliers, franchises médicales et
autres taxes de toute sorte...), ils ont pris une part démesurée dans le budget
de l'Etat (environ 65% des recettes fiscales). Un record qui fait de notre pays
l’un des plus inégalitaires du monde occidental car ces impôts indirects
touchent de la même manière les personnes aisées comme les plus
modestes.
Aujourd'hui,
les différents chantiers d’une vraie réforme fiscale sont nombreux mais le
prélèvement à la source s’inscrit dans une opération leurre qui ne traite pas
tous les éléments et conséquences du dossier fiscal. On est loin, très loin
d’une grande réforme fiscale guidée par la justice et l’équité, passage
indispensable pour une redistribution et une réduction des inégalités…
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