07 novembre 2018

Mettre fin au scandale des préfets fantômes : une vraie réforme que ne fera pas Emmanuel Macron...

Chargé d'une mission de service public
C’est un scandale français, comme il en existe tant dans l'hexagone. Certains de nos hommes politiques et hauts fonctionnaires sont en effet nommés préfets hors cadre par nos présidents de la République successifs et bénéficient de nombreux avantages sans avoir jamais exercé la moindre fonction. 

C’est en quelque sorte un cadeau du Président offert à ses courtisans et obligés mais ces arrangements entre amis que l’on cache soigneusement coûtent très cher aux contribuables…



Des faux préfets, chargés d'une soi-disant mission de service public relevant du gouvernement, peuvent être nommés, de manière totalement discrétionnaire, chaque mercredi en conseil des ministres. Des hauts fonctionnaires à qui on donne le titre de préfet sans exiger le moindre titre ou diplôme… 

Un peu d’histoire

Ces nominations de « faux préfets » ou de « préfets fantômes » existent depuis la création de ce corps par Napoléon 1er, en 1800. Cependant le général de Gaulle, assez strict avec tout ce qui touchait aux finances du pays et à la morale publique, y avait mis fin. 
Mais autre temps, autres mœurs, avec l’arrivée de François Mitterrand à l’Elysée, en 1981, ce système de copinage, souvent basé sur des relations maçonniques, renaissait de ses cendres. La nomination de préfets « en mission de service public relevant du gouvernement » était alors autorisée par un décret du 23 décembre 1982, à hauteur de 5 % de l’effectif budgétaire du corps des préfets. 
De 1982 à 1995, François Mitterrand a ainsi nommé près d’une soixantaine de préfets en mission de service public. Citons pour mémoire deux d’entre eux :
  • Michel Delebarre, nommé préfet hors cadre en 1983. Il sera sept fois ministre dans des gouvernements de gauche. Député-maire de Dunkerque, sénateur du Nord. Préfet en retraite depuis le 28 avril 2011.
  • Michel Vauzelle, nommé préfet hors cadre en 1985. Directeur adjoint de cabinet de François Mitterrand, porte-parole de la présidence de la République de 1981 à 1986. Préfet en retraite depuis le 15 août 2010. 
Après François Mitterrand, le système a largement prospéré sous Jacques Chirac (y compris lorsque Lionel Jospin était Premier ministre) et a perduré sous Nicolas Sarkozy :  
  • Brice Hortefeux, nommé « préfet chargé d'une mission de service public relevant de l'action du gouvernement » en conseil des ministres du 27 avril 1995. 
  • Michel Roussin, nommé préfet hors cadre par décret du 27 avril 1995. Chef de cabinet de Jacques Chirac à la ville de Paris puis à Matignon. Ministre de la Coopération en 1993-1994.  
  • Jean-Charles Marchiani, nommé préfet hors cadre sans affectation en août 2004. Député européen sur la liste RPFIE (Pasqua-Villiers) en 1999-2004. Il a pris officiellement sa retraite en septembre 2008. 
Mais quelquefois, ces nominations peuvent aussi servir à dégager (avec les honneurs) une personne au profit d’une autre qui lorgne par exemple sur une circonscription électorale d’un député sortant ou d’un poste de sénateur à renouveler : 
  • Christian Gaudin, sénateur de Maine-et-Loire, nommé le 11 octobre 2010 préfet administrateur des Terres australes et antarctiques françaises (avec résidence dans l’île de la Réunion). En fait, cet ancien membre du Modem avait été élu sur sa propre liste aux sénatoriales de 2011 contre celle du poids lourd local de l’UMP, André Lardeux. 
Ces nominations n’ont pas faibli sous le quinquennat de François Hollande :  
  • En 2013, Yves Colmou, un de ses conseillers, est nommé préfet " hors cadre ". 
  • En février 2015, Sébastien Gros, chef de cabinet du Premier ministre, et Christian Gravel, directeur du service d'information du gouvernement (SIG) sont nommés.
  • En mars 2015, la chef de cabinet de François Hollande, Isabelle Sima, est nommée. 
Aujourd’hui, Emmanuel Macron continue bien sûr cette tradition napoléonienne : 
  • Serge BIDEAU, sous-préfet hors classe, secrétaire général de la préfecture de la Côte-d'Or, est nommé préfet chargé d'une mission de service public relevant du Gouvernement le 14 mars 2018. 
  • Michel MOSIMANN, administrateur général, détaché en qualité de sous-préfet hors classe, est nommé préfet chargé d'une mission de service public relevant du Gouvernement le 27 avril 2018.

Garantie tous risques pour les courtisans

Aujourd’hui, ce quota de « faux préfets » autorisés représente 7 % des 236 préfets, soit 17 mais au fil du temps, cela fait des dizaines de «  préfets fantômes », nommés de manière totalement discrétionnaire. La nomination de préfets hors cadre permet aux intéressés de toucher environ 6.000 € bruts mensuels en attendant la retraite ou d’être élu sénateur, voire député.
Dans le cas d’une élection, ils sont placés en détachement car officiellement ces deux fonctions sont incompatibles selon la loi. Et s’ils sont confrontés à un échec électoral, ils peuvent de nouveau coiffer la casquette de préfet hors cadre, sans affectation de poste tout en touchant le salaire.
Toutes ces personnes peuvent faire valoir leurs droits à la retraite de préfet sans avoir exercé cette fonction. Ils touchent alors une pension mensuelle d’environ 4 000 euros brut, à laquelle vient s'ajouter leurs indemnités d’élus.
Lorsqu’ils décident de quitter leurs mandats électoraux ils peuvent tout cumuler : retraite de préfet, de parlementaire et d'élu local. Les montants de ces cumuls sont particulièrement choquants (15 124 euros brut mensuel par exemple pour Michel Delebarre) car, rappelons-le, la pension moyenne des retraités (base + complémentaire) s’élève à 1 389 euros brut par mois, soit 1 294 euros net après prélèvements sociaux).
Finalement, cette pratique, sévèrement critiquée par la Cour des comptes, n’est en réalité qu’un des systèmes légaux de financement des partis politiques français. Depuis sa renaissance « mitterrandienne », ce cadeau présidentiel offre une sorte de garantie tous risques pour les courtisans, les poids lourds et les incontournables des formations politiques. On recase toujours ses amis ! Voilà pourquoi, chaque mercredi, jour du Conseil des ministres, un « ami » ou un obligé du président de la République, peut être nommé préfet « fantôme » chargé d’une « mission (bidon) de service publique relevant du gouvernement ».
Et au bout du compte, personne ne remet vraiment en cause le système. Tous en profitent, espèrent en profiter ou en faire profiter un ami, un jour ou l’autre. Ce qui est en réalité un scandale d’Etat qui bénéficie d’un habillage légal mais qui serait jugé inadmissible chez nos voisins européens comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne… 


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