Les obsèques de l'avocate Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet dernier à l'âge de 93 ans, ont eu lieu ce jeudi 6 août à Paris, en fin de matinée au cimetière du Père-Lachaise.
Animée par une véritable passion de convaincre, unique moyen selon elle de construire un avenir commun, Gisèle Halimi a défendu avec ferveur les combats qui lui tenaient à cœur : défense des droits des femmes, dépénalisation de l’homosexualité, décolonisation de l’Algérie et de sa Tunisie natale, abolition de la peine de mort...
Animée par une véritable passion de convaincre, unique moyen selon elle de construire un avenir commun, Gisèle Halimi a défendu avec ferveur les combats qui lui tenaient à cœur : défense des droits des femmes, dépénalisation de l’homosexualité, décolonisation de l’Algérie et de sa Tunisie natale, abolition de la peine de mort...
Figure
de proue du féminisme des années 1970, l’avocate a redonné à la cause des
femmes un nouveau souffle. Son désir de remettre en cause le modèle patriarcal
puise ses racines dans son propre vécu. Née en 1927 en Tunisie dans
une famille juive, de condition très modeste, sa famille cache sa naissance,
considérée comme une malédiction, pendant les trois premières semaines de sa
vie.
Durant
son enfance, Gisèle Halimi rompt une première fois avec le modèle patriarcal
familial, lors de sa douzième année. Elle refuse de servir ses frères et entame
une grève de la faim, qui durera huit jours.
Elle
s’oppose une nouvelle fois à ses parents, à quinze ans. Elle refuse de se
marier à un marchand d’huile fortuné, de vingt ans son aîné. Avide de savoir et
désirant rompre avec « l’inculture » familiale, elle emprunte des
livres à une camarade de classe et se « bricole une éducation ».
Après son entrée au lycée grâce à l’obtention d’une bourse, elle obtient son
baccalauréat. Puis elle part étudier le droit à Paris et prête son serment
d’avocate en 1949.
Consciente
des discriminations que subissent les femmes par le simple fait de leur
naissance, Gisèle Halimi fait siennes les revendications féministes des années
1970. Elles appellent notamment à la dépénalisation et à la légalisation de
l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Gisèle Halimi est signataire du
« manifeste des 343 », pétition française publiée le 5 avril 1971
dans le Nouvel Observateur. En juillet 1971, elle fonde avec Simone de Beauvoir
le mouvement féministe « Choisir, La cause des femmes ».
Lors
du procès de Bobigny en 1972, elle est l’avocate de Marie-Claire, une jeune
fille de seize ans. Celle-ci est accusée d’avoir avorté clandestinement à la
suite d’un viol. A l’issue du procès, Marie-Claire est relaxée. Sa mère, qui
avait soutenu et aidé sa fille dans cette épreuve, est dispensée de peine.
Gisèle Halimi donne à ce procès une dimension politique pour défendre le droit
à l’avortement. Ce procès représente une des pierres angulaires du projet de
loi sur l’IVG proposé par Simone Veil en 1975.
En
1978, Gisèle Halimi défend au tribunal d’Aix-en-Provence Anne Tonglet et
Araceli Castellano, victimes d’un viol collectif. Luttant pour que le viol soit
enfin considéré comme un crime, l’avocate, par le biais de ce procès,
contribue à l’adoption de la loi de 1980, qui criminalise le viol.
La voix des peuples en lutte
Attachée
à sa Tunisie natale, Gisèle Halimi lutte pour son indépendance, ainsi que celle
de l’Algérie. En 1960, elle devient l’avocate de Djamila Boupacha, accusée
d’avoir posé une bombe dans un commerce d’Alger. La jeune femme de vingt-deux
ans est emprisonnée clandestinement, puis violée et torturée par un groupe de
parachutistes français. Lors du procès, Djamilia Boupacha se livre sur les
actes de tortures dont elle a été victime. Cela permet à son avocate de
poursuivre devant la justice le ministre de la Défense Pierre Messmer et le
général de l’Armée française en Algérie, Charles Ailleret.
Simone
de Beauvoir l’épaule en publiant une tribune dans le journal Le Monde,
intitulée « Pour Djamila Boupacha », qui permet la création d’un
comité qu’elle préside. Gisèle Halimi met sous le feu des projecteurs les
violences perpétrées par l’armée française en Algérie. Le tribunal condamne
Djamila Boupacha à mort mais elle obtient son amnistie en 1962 par le biais des
accords d’Evian.
Elle
résume son engagement anticolonialiste dans une interview par Didier Billion et
Erwan Laurent, publiée dans La Revue internationale et stratégique :
« À l’origine, ce qui fut le détonateur, c’était ma vie et mon regard. Pour moi, le colonialisme, le protectorat, c’est un mot, une chose, et le
sentiment qui m’est resté, et qui m’a toujours habité, c’était le mépris. Ce mépris des Français de France pour tous ceux que l’on désignait par le terme
d’ « Arabes », ceux que l’on appelait les « indigènes ».
La norme sexuelle ne se définit pas
Le 20
décembre 1981, Gisèle Halimi propose à l’Assemblée Nationale un texte de loi
visant à dépénaliser l’homosexualité. L’avocate peut compter sur le soutien de
Robert Badinter, alors ministre de la Justice. Debout face à ses pairs, elle
prône la liberté sexuelle comme liberté de conscience individuelle. Elle
s’oppose catégoriquement à la morale sexuelle criminalisant l’homosexualité.
Selon l’avocate, la loi protège les individus des abus sexuels. Mais elle ne
peut « intervenir dans le choix le plus intime et finalement le plus
fondamental de l’individu », à savoir sa sexualité.
Elle
déclare : « La morale religieuse, pour laquelle l’amour ne se trouve
justifié que dans sa fin de procréation, relève, comme la liberté sexuelle, de
la liberté de conscience de chacun. La norme sexuelle ne se définit pas ».
Sa proposition de loi remplit « une double exigence : rigueur
juridique et respect scrupuleux de l’égalité devant la loi ». Elle subit
une forte opposition de la part de la droite. L’assemblée adopte finalement son
projet de loi par 327 voix contre 155 le 27 juillet 1982.
Femme
aux multiples combats, Gisèle Halimi dédie une partie de sa vie à la politique,
en tant que députée relativement proche du Parti socialiste – elle n’a jamais
exprimé le souhait d’appartenir véritablement à un parti spécifique – de la
quatrième circonscription d’Isère. Elle parvient à modifier le serment
d’avocat, qui permet selon elle à ses pairs d’avoir désormais une plus grande
liberté de parole. C’est encore aujourd’hui le serment prêté par les avocats.
En
1985, elle devient pendant un an ambassadrice de France à l’Unesco. L’avocate,
dont la seule crainte était « la faiblesse intellectuelle », se
consacre aussi à l’écriture. Elle publie des ouvrages dans lesquels elle se
livre sur ses combats menés au barreau, mais aussi sur des aspects plus intimes
de sa vie, comme sa relation avec sa mère dans Fritna. Cette mère est
aussi celle dont la vie n’avait été que soumission à l’autorité d’un père puis
d’un mari, totalement dépendante, et dont Gisèle Halimi n’a jamais voulu suivre
les traces.
La
grande militante féministe et anticolonialiste ne s’est jamais résignée
et a poursuivi son combat jusqu’à ses derniers jours…
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