26 avril 2008

Pauvre fonds de réserve des retraites…

Monnaie
Créé en 1999 par le gouvernement de Lionel Jospin afin d'assurer la pérennité des régimes de retraite de base du privé, le Fonds de réserve des retraites (FRR) avait pour objectif initial de cumuler 150 milliards d'euros d'ici 2020.

Mais il ne disposait que de 34,5 milliards d'euros d'actifs au 31 décembre 2007 et cette situation financière s’est même aggravée après une perte de 3,1 milliards d’euros sur les marchés financiers par l’intermédiaire de la caisse des dépôts et consignations (CDC), chargée de sa gestion.

Outre la mauvaise gestion des finances publiques par la CDC, révélée par le Canard Enchaîné, cette affaire embarrasse également la majorité gouvernementale UMP-Nouveau Centre qui ambitionne de faire main basse sur ce pactole pour renflouer les caisses de l’Etat qui sont vides après l’adoption du «paquet fiscal» en 2007 et le cadeau de plusieurs milliards d’euros fait aux couches sociales les plus aisées du pays…


Le FRR a commencé à exercer effectivement ses activités en 2003 et quatre ans après sa création, il ne thésaurisait que 27,7 milliards d'euros. Pire, il n'avait bénéficié que de 500 millions de recettes issues des privatisations, alors que celles-ci ont atteint 40 milliards d'€ depuis 2002 !

Aujourd’hui, il ne compterait qu’un peu plus de 30 milliards d’€ suite à la perte de 3,1 milliards en bourse et les partenaires sociaux craignent un démantèlement de ce fonds car Nicolas Sarkozy n’a pas de sympathie particulière pour cet outil destiné à lisser, à partir de 2020, les besoins de financement du régime de retraite des salariés du privé.

Au vu des dotations annuelles moyennes (4 milliards d'€), le cap initial fixé de 150 milliards semble inaccessible et ce fonds ne couvrirait que 22 % des besoins de financement des régimes de retraite.

Un modèle à l’anglo-saxonne


Le FRR était la seule mesure prise par le gouvernement de Lionel Jospin pour garantir l'avenir des retraites. Mais si cette initiative partait d’un bon sentiment pour palier à toute rupture dans le paiement des pensions de vieillesse à l’horizon 2020-2040, elle était aussi un moyen facile d’éviter d’avoir à faire une véritable réforme des régimes de retraite et d’abroger la réforme Balladur de 1993.

Car il n’est pas inutile de rappeler que la «réforme» Balladur en 1993 - comme d’ailleurs la «réforme» Fillon » en 2003 - ne sont pas de véritables réformes mais des mesures purement comptables, destinées avant tout à réduire le coût financier des retraites. Elles ont conduit à une baisse sensible du montant des pensions en modifiant principalement pour l’une le nombre d’années de référence pour le calcul de la pension (des 10 meilleures années aux 25 meilleures) et pour l’autre le nombre d’années pour avoir une pension au taux plein (de 37,5 années à 40 années puis 41 et 42 années).

En créant ce fonds de réserve, l’ancien Premier ministre socialiste a aussi complètement sous-estimé les difficultés à l’abonder régulièrement d’année en année, les règles n’ayant jamais été très claires en la matière et de plus fluctuantes au gré des changements de majorité politique.

La conjoncture boursière n'est pas favorable non plus au FRR qui pâtit actuellement de son exposition sur les marchés actions (64,5 % des placements). Sa performance cumulée annualisée depuis son origine devrait chuter autour de 6 %, voire en dessous, en 2008.

Et le débat reste entier sur la récupération de la principale ressource du fonds, à savoir le prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et de placement (1,6 milliard d'euros). Une recette qui pourrait être dirigée vers la CADES (Caisse d’amortissement de la dette) afin de transférer les dettes accumulées par la Sécurité sociale et éviter ainsi d'être obligé d'augmenter le taux de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Un tel transfert de recettes condamnerait le fonds de réserve "à une mort lente".

Au problème de l’abondement insuffisant du FRR se greffe donc également le problème de sa gestion hasardeuse en bourse et celui de la tentation de «cannibalisme» du gouvernement de François Fillon.

Une pétition circule bien sur la toile pour réclamer une gestion scrupuleuse du fonds de réserve mais les grandes confédérations syndicales semblent être tombées dans une sorte de léthargie, ne proposant toujours pas de solution globale visant à instituer un financement pérenne de la branche vieillesse et des autres branches du Régime général de la Sécurité sociale.

Même les syndicats qui siègent au conseil de surveillance du Fonds, au même titre que le Medef, justifient bon gré mal gré cette gestion du FRR, comparable à celle des fonds de pension anglo-saxons, faisant appel aux placements en bourse.

Ainsi, Jean-Christophe Le Duigou, numéro 2 de la CGT, justifie ce type de gestion : «Le choix, dès 2002, a été d’investir dans des entreprises cotées pour soutenir l’économie». Ce spécialiste des questions économiques et des retraites œuvrant pour une CFDTisation de la CGT, s’était déjà fait connaître notamment par ses prises de position «réalistes» telles que le Oui au TCE en 2005 ou par la création de l’association «Confrontations-Europe» où il collabore, au sein du comité de direction avec d’illustres figures du Medef telles que Gandois, Mer, Bébéar, Pébereau ou Riboud. Financée par l’Union européenne, cette association a pour but notamment de faire la promotion de l’Europe et de la «concurrence libre et non faussée»…

Mis à part la volonté de placer l’argent en bourse, tout ce joli monde ne dit rien naturellement du mode de financement actuel des différentes branches de la Sécurité sociale, totalement inadapté, qui ne permet pas de sortir de la situation de déficit chronique dans laquelle nous nous trouvons depuis de très nombreuses années.

Un autre système de financement est possible


D’une manière générale, afin de financer la branche vieillesse et les autres branches de Sécurité sociale, il conviendrait d’élargir l’assiette des cotisations et de cesser d’augmenter ou d’empiler tantôt des cotisations (maladie, vieillesse, allocations familiales, accidents du travail, etc.), tantôt des contributions comme la CSG (contribution sociale généralisée) ou la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale)…

Si le financement par le biais de cotisations ou contributions sur salaires a relativement bien fonctionné pendant les «trente glorieuses», il semble avoir atteint aujourd’hui ses limites car la part des salaires dans la richesse produite chaque année a baissé de 10% en 30 ans ! Les cotisations sur salaires pourraient être donc remplacées progressivement par des contributions assises sur le revenu fiscal pour les personnes physiques et la valeur ajoutée pour les entreprises.

Mais dans le cas particulier de la branche vieillesse et compte tenu de l’évolution de la démographie, un financement complémentaire pourrait venir se greffer aux cotisations patronales et salariales actuelles. Il s’apparenterait en quelque sorte au FRR mais devrait être budgétisé, sur des bases claires et de façon pérenne, par l’impôt progressif républicain et l’impôt sur les sociétés plutôt que par la fiscalité indirecte, chère à Nicolas Sarkozy (nouvelles franchises médicales au 1er janvier 2008, TVA sociale à l’étude, etc.) qui aggrave considérablement les inégalités sociales.

Un tel financement mixte (cotisations + solidarité nationale) existe déjà dans de nombreux pays et même en France pour les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des gaziers, cheminots, agents de la RATP, financés de façon complémentaire par des subventions de l’Etat.

Enfin, plusieurs mesures devraient être prises également pour conforter la situation financière :  
  • La fin des exonérations de charges accordées indistinctement à toutes les entreprises, celles dont la santé est florissante et qui délocalisent souvent comme celles qui ont des difficultés sérieuses (volume de 30 milliards annuels €)  
  • Le paiement immédiat et le versement au budget de la Sécurité sociale de la dette de l’état, liée aux exonérations de charges, concernant le régime général ou le régime agricole notamment (plus de 3 milliards € non remboursés par l’état). 
  • L’assujettissement des stock-options ainsi que des indemnités de départ à la retraite ou de licenciement, qui sont des revenus liés au travail, dans les mêmes conditions que les salaires soumis à cotisations (plus de 3 milliards €) 
  • Le remboursement par les employeurs des pathologies en rapport avec le travail : cancers professionnels, allergies, stress, troubles musculo squelettiques et même suicides, etc. car cela constitue en fait une formidable subvention de l’Assurance maladie aux entreprises… 
Cet autre financement permettrait aisément de payer des retraites minimales décentes qui ne devraient pas être inférieures au SMIC, de revenir à une retraite calculée sur les dix meilleures années comme cela existait avant la réforme Balladur de 1993 et de mettre fin au scandale des cotisations instituées sur les retraites (CSG imposable, CSG non imposable, CRDS).

Il permettrait enfin de résorber le soi-disant déficit de la sécurité sociale, largement provoqué par le manque de financement que les gouvernements successifs, depuis de très nombreuses années, ont laissé perdurer au gré des aléas de la conjoncture économique…



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11 commentaires:

Anonyme a dit…

Quelle honte pour la France de jouer en bourse l’avenir des retraites, de voler l’argent des salariés et d’accuser ensuite la crise sans compter Roselyne qui nous met des franchises et des forfaits de partout !

Merci Nicolas pour ce coup de pouce au pouvoir d’achat des salariés. Je m’en souviendrai en 2012…

Anonyme a dit…

JOSPIN GIVE ME THE MONEY

Nous voyons bien que l'inventaire que nous sommes en droit de faire sur les années de la gauche durant la période historique des années de
croissance économique que nous avons eu la chance de connaitre durant 98-2001,les socialistes se sont contentés de faire de la gestion à court terme sans avoir l'esprit des réformes nécessaires et courageuses qu'ils auraient du faire,car ils sont tombé par cela même qui représente le
conservatisme en France : les fonctionnaires.

Voila donc de l'argent qui à été placé dans des fonds à hauteur de 50% en obligation française et 50% en obligation américaine.

La gestion dans le domaine des obligations peut être à long terme mais encore faut-il que les obligations ne soient pas "pourries" !

Une fois encore,voila de l'argent des contribuables qui a été perdu alors que chaque jour dans notre pays des citoyens ont des problèmes de fins de mois difficile et dont l'inflation prend chaque jour un coté inquiétant que cela soit avec le prix du baril de pétrole qui n'est pas encore répercuté à la pompe et aussi dans cette inflation qui se répand comme une trainée de poudre sur tout les produits de consommation courante.

Très inquiétante cette inflation car elle rappelle l'inflation des années 70 et à l'époque, les productions n'étaient pas délocalisées

Anonyme a dit…

@ Lerma

On n'a pas du lire le même article.

Jospin n'était pas si mal, faut voir qui la France a comme premier
ministre depuis . . . et les résultats objectifs qui les accompagnent.

L'objectivité n'est pas ce qu'il y de plus simple en politique comme dans tous les domaines.

Anonyme a dit…

C'est vrai qu'il y a eu un sérieux bug avec ce fonds de réserve.

Mais l'Etat doit un paquet de milliards à la sécu (notamment les taxes sur le tabac et l'alcool)

il doit plus de 5 milliards au régime général, déjà.

Donc il y a une grande part de manipulation dans cette histoire de trou de la Sécu et dérivés !

Anonyme a dit…

Une petite correction :"La conjoncture boursière n'est pas favorable non plus au FRR qui pâtit actuellement de son exposition sur les marchés actions (64,5 % des placements). Sa performance cumulée annualisée depuis son origine devrait chuter autour de 6 %, voire en dessous, en 2008".

Ce n'est pas 6% mais 8,8% de performance nette annualisée comme indiqué dans le communiqué de presse donné par le fonds de réserve sur son site :

http://www.fondsdereserve.fr/IMG/pdf/Conference_presse_15_avril_.pdf

Le 6% indiqué par ce même communiqué est l'hypothèse (basse) de calcul de ce fonds sur toute sa durée jusqu'à 2020.
(Sous des hypothèses de performance annuelle moyenne de 6,3%,

Avec 1,5 md d'euros par an de 2007 à 2020 (soit les abondements minimaux actuels), le FRR pourrait couvrir près d'un tiers des besoins
supplémentaires de financement des régimes éligibles de 2020 à 2040.) C'est à dire, SI le taux moyen est de 6% alors...

Ce taux de 8,8% est repris dans le rapport des comptes (audités) de 2007 :

http://www.fondsdereserve.fr/IMG/pdf/0802539_RA_FRR_72DPI.pdf

Il s'agit donc d'un excellent taux de rendement concernant le long terme,bien supérieur à celui que pourrait espérer ces mêmes ressources publiques) si elles avaient servi (par exemple) à alléger la dette publique et diminuer les charges d'intérêt. Le coût d'opportunité a été fixé
à 4,4%. C'est à dire qu'à moins de 4,4% de rendement, il serait préférable de ne pas conserver ces ressources dans ce fonds. (page 19 du rapport).

Notons enfin, que ce fonds n'est pas destiné à couvrir les charges de retraite futures mais d'éviter de reporter sur le futur des charges trop lourdes (choc démographique). Ce fonds doit permettre de financer entre 20
% et 30 % des besoins de financement supplémentaires qui apparaîtront entre 2020 et 2040.

A 6,3% de rendement, le fonds permettra de financer 20% des besoins supplémentaires. Au dessus de 6,3%, ce sera plus de 20%.

Albert Ricchi a dit…

@ Bulgroz

Merci pour ces précisions très intéressantes et fort bien documentées mais d’ici 2020, les choses peuvent encore beaucoup changer dans un sens comme dans l’autre.

Ce qui me parait essentiel, c’est bien le type de financement complémentaire et pérenne à trouver pour le risque vieillesse dès maintenant afin d’éviter une baisse des pensions commencée en 1993 avec la réforme Balladur et poursuivie par la réforme Fillon de 2003.

Le gouvernement de Nicolas Sarkozy ment honteusement quand il affirme que la réforme à venir en 2008 sera encore faite pour éviter une baisse du montant des pensions qui continue en fait depuis 1993. Cette baisse va même s’accentuer fortement car il sera de plus en plus difficile pour de nombreux salariés d’atteindre prochainement la durée de 41 ou 42 ans pour avoir une retraite à taux plein.

Et un financement complémentaire par la solidarité nationale et l’IRPP est de loin préférable à un financement assuré par des fonds de pension, type FRR, alimentés de façon aléatoire et dont certains se sont littéralement effondrés outre-atlantique.

Cordialement

Albert

Anonyme a dit…

Malgré la gros correctif boursier la rendement du fonds de réserve est de 6,3% et il y a encore qq personnes pour parler de gestion hasardeuse !

La vérité c’est que les mécanismes de lissage permettent d’investir en bourse: la retraite, risque long par nature se prête bien à l’investissement en bourse.

Malheureusement la méconnaissance du sujet en France fait que l’investissement en bourse est mal vu.

J’aimerais bien savoir ce que nos fameux experts auraient fait au liiu de placer en bourse ? on critique, on critique...

Albert Ricchi a dit…

@ JPC45

Au petit jeu des placements en bourse, il y a toujours des gagnants mais aussi souvent des perdants.

Apparemment, vous ne semblez pas savoir que certains fonds de pension se sont cassés "la gueule" alors que l’on peut facilement trouver l’argent pour financer les retraites à condition bien sûr que l’on n’accorde pas plusieurs milliards d’euros de cadeaux fiscaux chaque année aux personnes les plus fortunés.

Apparemment, vous ne semblez pas savoir non plus qu’aujourd’hui en France des millionnaires en euros réussissent à ne pas payer d’impôts sur le revenu grâce aux multiples niches fiscales qui existent.

L’argent existe bel et bien et le déficit de la sécurité sociale n’est qu’un leurre…

Albert

Anonyme a dit…

Bonjour Ceri,

Pour votre information, l'état doit 5 milliards à la sécurité sociale
mais celle ci l'a intégré dans ses comptes (cf cour des comptes) sous forme de dette. Le jour ou l'état remboursera cela n'aura aucune conséquence sur le déficit de la sécurité sociale.

Le pb c'est que l'état n'a pas inscrit cette dette dans ses comptes ce qui diminue la dette effective de l'état.

Anonyme a dit…

Ce fond FFR est comme ses frères du monde entier, un fond de pension (public mais en réalité privé) qui a pour vocation de soutenir les marchés financiers dans la logique immuable du capital : privatisation des bénéfices, socialisation des pertes.

Ces zinszins ne sont pas réformables car il n’y a pas de bonne gestion du capital dans l’intérêt des pauvres.

Et il faut sortir de cette logique dans laquelle depuis des générations on nous enferme...

Anonyme a dit…

Le Duigou ferait mieux de démissionner,car dans peu de temps, il proposera les fonds de pensions a l'américaine.

Si c'est cela que veut la direction de la CGT, les militants, eux ne veulent pas participer a cette mascarade...

Fraternellement,
momo11