21 février 2022

Le Conseil constitutionnel est en de bonnes mains...

Concentration des pouvoirs au profit de l'exécutif, flirts avec les grandes fortunes, corruptions et conflits d'intérêts, absence de proportionnelle pour les élections législatives, absence d’une réforme des parrainages pour l’élection présidentielle, un parquet sous tutelle du gouvernement, etc. , tout est fait pour évincer les contre-pouvoirs.

Le Conseil constitutionnel dont les membres sont nommés par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat n’y échappe pas non plus...

 

Emmanuel Macron entend nommer au Conseil constitutionnel Jacqueline Gourault, 71 ans, ministre chargée au gouvernement de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales depuis octobre 2018. Professeure d’histoire-géographie, Jacqueline Gourault n’est ni juriste ni spécialiste de la Constitution. Elle a exercé divers mandats locaux dans le Loir-et-Cher depuis 1989 et a été sénatrice MoDem de 2001 à 2017 (vice-présidente du Sénat de 2014 à 2017). 

Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, a lui désigné la magistrate Véronique Malbec, 63 ans, qui est actuellement directrice de cabinet d’Éric Dupond-Moretti au ministère de la justice. Cette magistrate a supervisé personnellement et étroitement le classement sans suite de l’affaire des Mutuelles de Bretagne qui visait Richard Ferrand, en octobre 2017, lorsqu’elle était procureure générale de la cour d’appel de Rennes. (relancée par Anticor puis dépaysée, l’affaire a ensuite connu de nombreux rebondissements, de la mise en examen de Richard Ferrand à Lille jusqu’à un non-lieu prononcé par la cour d’appel de Douai en mars 2021). Ayant bénéficié de promotions remarquées sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy puis sous celui d’Emmanuel Macron, Véronique Malbec est, par ailleurs, l’épouse de l’actuel directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux.

Le troisième nouveau membre qui doit rejoindre les « sages » n’est, lui non plus, ni un gauchiste ni un libre penseur. Le président du Sénat, Gérard Larcher (Les Républicains), a porté son choix sur son ancien directeur de cabinet, François Seners, 64 ans, un conseiller d’État qui a exercé dans plusieurs cabinets ministériels de droite (auprès de Rachida Dati et de François Fillon notamment).

Tout cela accentue bien sûr la politisation de l’institution et démontre que l’indépendance et l’impartialité ne sont décidément pas les priorités du moment. A quelques semaines de l’élection présidentielle, à laquelle il n’est pas encore officiellement candidat, Emmanuel Macron essaie ainsi de façonner un Conseil constitutionnel presque entièrement à sa main.

Comme l’indique Mediapart, « Plus le Conseil constitutionnel est censé se rapprocher d’une Cour constitutionnelle, plus le pouvoir politique stoppe cette marche en avant en nommant des inféodés, soupire un magistrat. Ça ressemble au Sénat conservateur du Premier consul et de l’Empereur, qui était “gardien de la Constitution” (sic). C’est une nouvelle gifle à l’institution judiciaire. »

Conflits d’intérêts à tous les étages

Sauf veto éventuel des deux assemblées, ces trois candidat·es rejoindront le Conseil constitutionnel le 14 mars prochain, en remplacement de trois femmes en fin de mandat : Claire Bazy-Malaurie, Nicole Maestracci et Dominique Lottin.

Les trois nominations précédentes au Conseil constitutionnel, en février 2019, avaient déjà montré la politisation de l'institution. Emmanuel Macron avait choisi le sénateur Jacques Mézard (Parti radical de gauche) qui venait de laisser son siège au gouvernement à Jacqueline Gourault... Richard Ferrand avait pour sa part opté pour l’ex-premier ministre RPR Alain Juppé, et Gérard Larcher avait choisi le sénateur LR François Pillet.

Il est vrai aussi que depuis des années, François Hollande avait choisi notamment le socialiste Laurent Fabius (pour la présidence du Conseil) et que Jacques Chirac avait promu son fidèle Jean-Louis Debré.

En faisant ces choix éminemment politiques, aujourd’hui comme il y a trois ans, le président de la République et, avec lui, Richard Ferrand et Gérard Larcher, ont choisi de ne pas transformer l’institution en une véritable Cour suprême, comme le permettraient les évolutions qui l’ont marquée depuis sa création en 1958 : l’extension du bloc de constitutionnalité en 1971 ou encore l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en 2008.

Les « sages » ont pour mission de s’assurer de la conformité de la loi avec la Constitution. Comme l’énonce son article 62, « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours, elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». 

En cas de désaccord avec le gouvernement en place, celui-ci peut choisir de modifier la Constitution, sous réserve d’une majorité qualifiée au Parlement ou d’une décision approuvée par référendum. En théorie, le Conseil constitutionnel doit être indépendant des pouvoirs publics. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ont pu y figurer autrefois de grands juristes qui, au fil du temps et des alternances, ont été remplacés par des personnalités politiques, souvent nommées en remerciement de services rendus.

Aujourd’hui, en nommant des personnes qui lui sont proches, Emmanuel Macron minimise en fait le risque de voir ses lois censurées en donnant des gages au centre et à la droite…


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