04 juin 2022

Avions, pesticides, poules en cage... ce qu'ont voté les députés sous Emmanuel Macron !

Climat et écologie
La composition du nouveau gouvernement et la campagne pour les élections législatives ont été placés par Emmanuel Macron notamment sous le signe du climat et de l’écologie en général.

Réelle conviction ou coup de com ? Le bilan des cinq dernières années ne plaide pas pour un réel changement de politique en matière environnementale… 


Un "Conseil national de la refondation" pour "agir vite et fort", une "mission flash" pour les urgences à l'hôpital, etc. Emmanuel Macron veut réunir dès après les élections législatives les forces politiques, économiques, sociales, associatives du pays mais aussi des citoyens tirés au sort pour lancer ses réformes touchant au pouvoir d'achat, à l'écologie, aux institutions et aux retraites. 

Ce genre de proposition, dont Emmanuel Macron abuse comme s'il n'y avait pas d'Assemblée Nationale, a déjà été faite plusieurs fois lors du quinquennat précédent et n’a jamais débouché sur la mise en œuvre de mesures nouvelles significatives.  

« Il y a eu quelques petits pas anecdotiques, de vrais reculs et énormément de blabla, résume, Clément Sénéchal, de Greenpeace. La ratification du Ceta, la réautorisation des néonicotinoïdes, la baisse des impôts de production, les coupes dans les effectifs des fonctionnaires de l’environnement... sur tous ces plans, on a reculé. » 

Une pléthore de textes aux noms affriolants : loi pour la sortie des hydrocarbures, loi Énergie Climat, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, loi d’orientation des mobilités, loi Climat et Résilience mais « des coquilles vides. Le gouvernement et sa majorité ont occupé le terrain et les textes proposés n’étaient pas du tout à la hauteur de la crise écologique, avec des mesures insuffisantes », dénonce M. Sénéchal. . 

A travers 9 exemples, on peut juger du double discours d’Emmanuel Macron en matière d'écologie.

1. La ratification du Ceta

En février 2018, mis à part les multinationales en France, personne ne voulait du CETA. Même nos représentants au parlement européen de l’époque avaient dans leur grande majorité et toutes tendances confondues, voté contre ce traité mais il avait reçu quand même l’approbation d’une majorité des 2/3 des parlementaires européens. 

Le CETA n’est qu’un accord de libre-échange supplémentaire basé sur les mêmes principes qui conduisent aux mêmes promesses, c’est à dire que la concurrence permettrait de faire progresser la qualité des services en faisant baisser les prix et en améliorant le pouvoir d’achat. Cela fait cinquante ans que cette chanson est entonnée par les tenants du libéralisme avec toujours le même refrain : « toujours plus de concurrence et le bonheur sera pour demain ».

Sur le plan environnemental, depuis l’automne 2017, l'expérimentation du CETA a permis de constater que les exportations de pétrole canadien vers l’Europe ont bondi de + 63 % ! Du pétrole issu en grande partie des sables bitumineux qui ravagent l’Alberta, mais qu’importe que ce pétrole émette 50% de gaz à effet de serre de plus  que le conventionnel !  

Considéré comme climaticide, l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne a été ratifié par l’Assemblée nationale le 23 juillet 2019.

Sur 553 députés votants, 266 ont voté pour, 213 ont voté contre, 74 se sont abstenus.

2. La réautorisation des néonicotinoïdes

Les pesticides néonicotinoïdes tuent les abeilles et les insectes pollinisateurs. C’est pourquoi ils ont été interdits en 2018. Mais face à une maladie ravageant les cultures de betteraves, les députés ont réautorisé ces insecticides en 2021, malgré leur nocivité étayée par de nombreuses études scientifiques.

Sur 527 votants, 313 ont voté pour, 158 contre, et 56 se sont abstenus.

3. L’interdiction des lignes intérieures en cas d’alternative ferroviaire

Il s’agissait d’une des propositions phares de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) : « Organiser progressivement la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs d’ici 2025, uniquement sur les lignes où il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps (sur un trajet de moins de 4 heures). » 

Mais l’Assemblée a finalement adopté une version fortement édulcorée de cette mesure : l’interdiction des vols intérieurs est effective seulement s’il existe une alternative de moins de 2 h 30, avec des dérogations possibles pour les correspondances. Certains députés ont bien tenté de faire passer quatre amendements différents pour rétablir l’ambition des 4 heures mais en vain.

Sur 79 votants, 69 ont voté contre, 7 ont voté pour, 3 se sont abstenus.

4. L’interdiction de l’élevage en cage des poules

Les ONG attendaient l’interdiction de l’élevage des poules en cage. Emmanuel Macron l’avait promis lors de sa campagne présidentielle. Lors de la loi Agriculture et Alimentation, les députés ont voté l’interdiction, à compter du 1er janvier 2022, de la vente d’œufs provenant d’installations d’élevage en cage. Cette mesure, adoptée par 72 députés sur 76 votants, n’est cependant pas suffisante car de nombreuses poules pourront toujours être élevées en cage afin de fournir des œufs à l’industrie agroalimentaire, pour des pâtes, des gâteaux, des plats transformés...

Selon L214, au moins douze amendements différents proposaient d’abolir progressivement l’élevage industriel de poules. Tous ont été rejetés.

Le texte a été rejeté par 59 députés, sur 66 votants ; 5 ont voté pour, 2 se sont abstenus.

5. L’interdiction de la publicité pour des produits polluants

Les ravages de la publicité sur l’environnement sont désormais bien connus. C’est pourquoi nombre d’associations demandent l’interdiction des spots vantant des industries polluantes. Dans le cadre de la loi Économie circulaire, plusieurs députés ont ainsi tenté d’encadrer ces pratiques commerciales, en proposant notamment l’interdiction de « la diffusion de messages publicitaires qui inciteraient à la surconsommation ou au gaspillage de ressources naturelles ». Comme tous ceux similaires, cet amendement, porté par le député Matthieu Orphelin, a été rejeté.

Sur 38 votants, 27 ont voté contre, 10 ont voté pour, 1 s’est abstenu.

6. La limitation des entrepôts de e-commerce

Parmi les pistes pour freiner l’artificialisation des sols, la Convention citoyenne pour le climat proposait de « prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines très consommatrices d’espace ». La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, avait d’abord semblé favorable à un gel des chantiers avant que le gouvernement ne fasse machine arrière. Après moult rebondissements, les députés n’ont adopté aucune restriction à l’implantation des entreprises de e-commerce comme Amazon. Pourtant, une série d’amendements (2497, 146, 5580) ont été proposés pour durcir les conditions d’installation d’entrepôts.

Pour les trois amendements cités ci-dessus, tous ont été rejetés.

7. La mise en place d’un menu végétarien dans les cantines

C’est l’une des principales avancées de la loi Climat saluée par les associations environnementales : le texte prévoit l’instauration d’un menu végétarien par jour dès 2023 pour tous les gestionnaires de restauration collective de l’État, des établissements et des entreprises publics « dès lors qu’ils proposent habituellement un choix multiple de menus ». Certaines associations et députés ont regretté que cette « option végétarienne » ne soit pas mise en place plus tôt et qu’elle ne concerne que les établissements publics.

Sur 103 votants, cette mesure a été adoptée par 89 députés. 12 se sont abstenus ; 2 ont voté contre.

8. L’exclusion du soja et de l’huile de palme des biocarburants

Parmi les plantes utilisées pour faire du carburant figuraient le soja et le palmier à huile, dont la production est source de déforestation dans les zones tropicales. Mais fin 2020, les députés ont décidé d’exclure l’huile de soja et l’huile de palme de la liste des biocarburants. Un amendement adopté de justesse, contre l’avis du gouvernement. C’est une victoire pour l’environnement, selon l’association Canopée, qui suit de près ce dossier.

Sur 71 votants, 33 ont voté pour cette exclusion, 32 ont voté contre, 6 se sont abstenus.

9. La conditionnalité écologique des aides publiques

À la suite de la pandémie, l’État a financièrement soutenu nombre d’entreprises plombées par le confinement et les restrictions sanitaires. Nombre d’associations ont plaidé pour que l’octroi de ces aides soit conditionné à la mise en place de mesures écologiques et sociales. Limitation des dividendes, interdiction de la fraude fiscale, respect de l’Accord de Paris, etc. En 2020, lors de l’examen du budget rectificatif censé entériner les aides publiques, plusieurs députés ont proposé des amendements posant de telles conditions.

En vain, tous ont été rejetés.

Aujourd'hui, le décalage entre les discours et les actes du président de la République sur l’écologie et le climat est abyssal. Pendant ce temps, le dérèglement climatique s’accélère et nous venons de vivre un mois de mai parmi les plus chauds jamais enregistrés en France. Peut-on accepter que la sécheresse et les événements météo extrêmes menacent la vie sur Terre ? 

Des millions de personnes sont en danger, pas demain, mais dès aujourd’hui. Et une large majorité de Français est prête pour la transition écologique mais il ne manque que la volonté politique...


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