Réelle conviction ou coup de com ? Le bilan des cinq dernières années ne plaide pas pour un
réel changement de politique en matière environnementale…
Un
"Conseil national de la refondation" pour "agir vite et
fort", une "mission flash" pour les urgences à l'hôpital, etc. Emmanuel Macron veut réunir dès après les élections législatives les
forces politiques, économiques, sociales, associatives du pays mais aussi des
citoyens tirés au sort pour lancer ses réformes touchant au pouvoir d'achat, à l'écologie,
aux institutions et aux retraites.
Ce genre de proposition, dont Emmanuel Macron abuse comme s'il n'y avait pas d'Assemblée Nationale, a déjà été faite plusieurs fois lors du quinquennat précédent et n’a jamais débouché sur la mise en œuvre de mesures nouvelles significatives.
« Il y a eu quelques petits pas anecdotiques, de vrais reculs et énormément de blabla, résume, Clément Sénéchal, de Greenpeace. La ratification du Ceta, la réautorisation des néonicotinoïdes, la baisse des impôts de production, les coupes dans les effectifs des fonctionnaires de l’environnement... sur tous ces plans, on a reculé. »
Une pléthore de textes aux noms affriolants : loi pour la sortie des hydrocarbures, loi Énergie Climat, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, loi d’orientation des mobilités, loi Climat et Résilience mais « des coquilles vides. Le gouvernement et sa majorité ont occupé le terrain et les textes proposés n’étaient pas du tout à la hauteur de la crise écologique, avec des mesures insuffisantes », dénonce M. Sénéchal. .
A
travers 9 exemples, on peut juger du double discours d’Emmanuel Macron en matière d'écologie.
1. La ratification du Ceta
En février
2018, mis à part les multinationales en France, personne ne voulait du CETA.
Même nos représentants au parlement européen de l’époque avaient dans leur
grande majorité et toutes tendances confondues, voté contre ce traité mais il
avait reçu quand même l’approbation d’une majorité des 2/3 des parlementaires
européens.
Le CETA n’est qu’un accord de libre-échange supplémentaire basé sur les mêmes principes qui conduisent aux mêmes promesses, c’est à dire que la concurrence permettrait de faire progresser la qualité des services en faisant baisser les prix et en améliorant le pouvoir d’achat. Cela fait cinquante ans que cette chanson est entonnée par les tenants du libéralisme avec toujours le même refrain : « toujours plus de concurrence et le bonheur sera pour demain ».
Considéré
comme climaticide, l’accord de libre-échange entre le Canada et
l’Union européenne a été ratifié par l’Assemblée nationale le 23 juillet
2019.
Sur 553
députés votants, 266 ont voté pour, 213 ont voté contre, 74 se sont abstenus.
2. La réautorisation des néonicotinoïdes
Les
pesticides néonicotinoïdes tuent les abeilles et les insectes pollinisateurs.
C’est pourquoi ils ont été interdits en 2018. Mais face à une maladie
ravageant les cultures de betteraves, les députés ont réautorisé ces
insecticides en 2021, malgré leur nocivité étayée par de nombreuses études
scientifiques.
Sur 527
votants, 313 ont voté pour, 158 contre, et 56 se sont abstenus.
3. L’interdiction des lignes intérieures
en cas d’alternative ferroviaire
Il
s’agissait d’une des propositions phares de la Convention citoyenne
pour le climat (CCC) : « Organiser progressivement la fin du
trafic aérien sur les vols intérieurs d’ici 2025, uniquement sur les lignes où
il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps (sur un
trajet de moins de 4 heures). »
Mais
l’Assemblée a finalement adopté une version fortement édulcorée de cette
mesure : l’interdiction des vols intérieurs est effective seulement s’il
existe une alternative de moins de 2 h 30, avec des dérogations
possibles pour les correspondances. Certains députés ont bien tenté de faire passer
quatre amendements différents pour rétablir l’ambition des 4 heures mais en vain.
Sur 79
votants, 69 ont voté contre, 7 ont voté pour, 3 se sont abstenus.
4. L’interdiction de l’élevage en cage des
poules
Les ONG attendaient
l’interdiction de l’élevage des poules en cage. Emmanuel Macron l’avait promis
lors de sa campagne présidentielle. Lors de la loi Agriculture et Alimentation,
les députés ont voté l’interdiction, à compter du 1er janvier 2022, de la
vente d’œufs provenant d’installations d’élevage en cage. Cette mesure, adoptée
par 72 députés sur 76 votants, n’est cependant pas
suffisante car de nombreuses poules pourront toujours être élevées en cage
afin de fournir des œufs à l’industrie agroalimentaire, pour des pâtes, des
gâteaux, des plats transformés...
Selon
L214, au moins douze amendements différents proposaient d’abolir
progressivement l’élevage industriel de poules. Tous ont été rejetés.
Le texte a
été rejeté par 59 députés, sur 66 votants ; 5 ont voté
pour, 2 se sont abstenus.
5. L’interdiction de la publicité pour des
produits polluants
Les ravages
de la publicité sur l’environnement sont désormais bien connus. C’est
pourquoi nombre d’associations demandent l’interdiction des spots vantant des
industries polluantes. Dans le cadre de la loi Économie circulaire, plusieurs
députés ont ainsi tenté d’encadrer ces pratiques commerciales, en
proposant notamment l’interdiction de « la diffusion de messages
publicitaires qui inciteraient à la surconsommation ou au gaspillage de
ressources naturelles ». Comme tous ceux similaires, cet amendement, porté
par le député Matthieu Orphelin, a été rejeté.
Sur 38
votants, 27 ont voté contre, 10 ont voté pour, 1 s’est abstenu.
6. La limitation des entrepôts de
e-commerce
Parmi
les pistes pour freiner l’artificialisation des sols, la Convention citoyenne
pour le climat proposait de « prendre immédiatement des mesures
coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines
très consommatrices d’espace ». La ministre de la Transition écologique,
Barbara Pompili, avait d’abord semblé favorable à un gel des chantiers avant
que le gouvernement ne fasse machine arrière. Après moult rebondissements,
les députés n’ont adopté aucune restriction à l’implantation des
entreprises de e-commerce comme Amazon. Pourtant, une série d’amendements (2497,
146, 5580) ont été proposés pour durcir les conditions d’installation
d’entrepôts.
Pour
les trois amendements cités ci-dessus, tous ont été rejetés.
7. La mise en place d’un menu végétarien
dans les cantines
C’est
l’une des principales avancées de la loi Climat saluée par les associations
environnementales : le texte prévoit l’instauration d’un menu
végétarien par jour dès 2023 pour tous les gestionnaires de restauration
collective de l’État, des établissements et des entreprises publics « dès
lors qu’ils proposent habituellement un choix multiple de menus ».
Certaines associations et députés ont regretté que cette « option
végétarienne » ne soit pas mise en place plus tôt et qu’elle ne
concerne que les établissements publics.
Sur 103
votants, cette mesure a été adoptée par 89 députés. 12 se sont abstenus ;
2 ont voté contre.
8. L’exclusion du soja et de l’huile de
palme des biocarburants
Parmi
les plantes utilisées pour faire du carburant figuraient le soja et le palmier
à huile, dont la production est source de déforestation dans les zones
tropicales. Mais fin 2020, les députés ont décidé d’exclure l’huile de soja et
l’huile de palme de la liste des biocarburants. Un amendement adopté de
justesse, contre l’avis du gouvernement. C’est une victoire pour
l’environnement, selon l’association Canopée, qui suit de près ce dossier.
Sur 71 votants,
33 ont voté pour cette exclusion, 32 ont voté contre, 6 se sont
abstenus.
9. La conditionnalité écologique des aides
publiques
À la
suite de la pandémie, l’État a financièrement soutenu nombre d’entreprises
plombées par le confinement et les restrictions sanitaires. Nombre
d’associations ont plaidé pour que l’octroi de ces aides soit conditionné à la
mise en place de mesures écologiques et sociales. Limitation des dividendes,
interdiction de la fraude fiscale, respect de l’Accord de Paris, etc. En 2020,
lors de l’examen du budget rectificatif censé entériner les aides publiques,
plusieurs députés ont proposé des amendements posant de telles conditions.
En
vain, tous ont été rejetés.
Aujourd'hui, le décalage entre les discours et les actes du président de la République sur l’écologie et le climat est abyssal. Pendant ce temps, le dérèglement climatique s’accélère et nous venons de vivre un mois de mai parmi les plus chauds jamais enregistrés en France. Peut-on accepter que la sécheresse et les événements météo extrêmes menacent la vie sur Terre ?
Des
millions de personnes sont en danger, pas demain, mais dès aujourd’hui. Et une large majorité de Français est prête pour la
transition écologique mais il ne manque que la volonté politique...
Photo Creative Commons
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