L'Assemblée
nationale a examiné et approuvé le projet de budget de la Sécurité sociale
(PLFSS) pour 2013. Le sénat a rejeté ce projet mais le dernier mot appartiendra
bien sûr à l’Assemblée.
Si une
série de dépenses nouvelles ont été votées et saluées, comme la gratuité à 100
% de l'interruption volontaire de grossesse, la contraception libre et gratuite
pour les mineures de 15 à 18 ans ou encore l'amélioration de la protection
sociale des exploitants agricoles, l'Assemblée a approuvé également 5 milliards
d'euros de recettes supplémentaires…
Parmi
ces recettes, toute une série de taxes et contributions : sur la bière, le
tabac, les boissons énergisantes, l’huile de palme, un prélèvement de 0,30%
touchant les retraités imposables qui s'appliquera à compter du 1er avril 2013,
une augmentation des prélèvements sociaux sur les travailleurs indépendants, un
relèvement de la taxe prélevée sur GDF et EDF pour financer les régimes
spéciaux de retraite de ces entreprises, etc.
Une
nouvelle fois, ce gouvernement, comme le précédent, renvoie à plus tard un
changement du mode de financement de la Sécurité sociale en cédant à la
facilité et en faisant encore appel à la fiscalité indirecte, particulièrement
injuste. Dans un pays comme la France où les impôts indirects (TVA, TIPP et
taxes diverses) représentent 65% des recettes budgétaires de l’Etat, ces
nouvelles taxes vont accroître encore les inégalités sociales, déjà très
grandes.
Rien
n’est fait véritablement pour trouver une autre solution et sortir de la
situation de déficit chronique dans laquelle se trouvent le régime général, le
régime agricole ou les autres régimes spéciaux. Toutes ces prélèvements
proportionnels restent injustes car ne taxant pas les foyers fiscaux selon leur
faculté contributive, comme pourrait le faire l’impôt progressif sur les
revenus.
Quid de la modification de l’assiette des cotisations salariales ?
Le
système de financement repose aujourd’hui sur ce qu’il est convenu d’appeler
tantôt des cotisations (maladie, vieillesse, allocations familiales, accidents
du travail, etc.), tantôt des contributions (CSG, CRDS, etc.), tantôt
déductibles du revenu fiscal, tantôt non déductibles, versées par les salariés
ou les employeurs et dont l’assiette est basée essentiellement sur les
salaires.
Mais
les différentes prestations maladie, familiales ou vieillesse étant accessibles
à tous les citoyens, le principe de solidarité nationale exigerait que soient
mis à contribution l’ensemble des revenus des personnes physiques, tels que
déclarés à l'administration fiscale, d’autant plus que la part des
salaires dans la richesse produite chaque année a baissé de 10 points ces
trente dernières années. Un tel changement serait à la fois plus juste et plus
rémunérateur (un point de prélèvement assis sur le revenu fiscal rapportant
sensiblement plus que le même taux appliqué sur le seul salaire).
Déjà
adopté partiellement ou en totalité par plusieurs pays, tous les citoyens sans
exception seraient assujettis à cette nouvelle contribution, même de façon
symbolique pour les revenus les plus modestes ou non imposables. Et
l’actuelle CSG pourrait alors être fusionnée avec l’impôt progressif sur le
revenu en constituant ainsi une sorte de cotisation universelle et progressive
de Sécurité sociale finançant tous les régimes sans exception.
Dans
le cas particulier de la branche vieillesse, la retraite étant basée avant tout
sur le salaire perçu, aux cotisations salariales actuelles pourrait venir se
greffer une partie de ces nouvelles recettes. Un tel financement mixte existe
déjà plus ou moins pour les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des
gaziers, cheminots, agents de la RATP, financés à plus de 60% par des
subventions de l’Etat.
Mais
après avoir fait la proposition de fusion entre la CSG et l’IRPP pendant la
campagne présidentielle, François Hollande semble maintenant vouloir la
renvoyer aux calendes grecques. Cela constitue une grave erreur car la seule
possibilité de proposer une alternative crédible au système actuel était
d'instaurer, dès 2013, une CSG progressive. A défaut, la gauche a déjà proposé
peu ou prou la même chose que la droite et Nicolas Sarkozy, à savoir une
augmentation de la TVA et demain sans doute une augmentation proportionnelle de
la CSG…
Quid de la modification de l’assiette des cotisations patronales ?
Le
problème de l’étroitesse de l’assiette salariale se pose également pour les
cotisations des entreprises, dites cotisations patronales. En effet, les
entreprises à fort taux de main d’œuvre, avec une forte masse salariale mais
une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à celles ayant
une faible masse salariale mais une haute valeur ajoutée.
Le
remplacement, même partiel, des cotisations patronales par une contribution sur
la valeur ajoutée serait la mesure la plus appropriée et équivaudrait à la
création d’une «CSG entreprise». Cette proposition fut explorée à plusieurs reprises
par le passé au travers de divers rapports commandés aussi bien par Alain Juppé
que par Lionel Jospin, anciens premiers ministres mais elle est restée lettre
morte…
Un tel
changement d’assiette des cotisations patronales serait une véritable
révolution. Il reviendrait pour la première fois à inclure les profits
d’exploitation des entreprises dans l’assiette de financement de la Sécurité
sociale, notamment les entreprises ayant «ajusté à la baisse» leur masse
salariale à l’occasion de restructurations ou délocalisations.
La
«CSG entreprise» aurait également des effets bénéfiques sur l’emploi des PME,
souvent étranglées par les contraintes imposées par les «donneurs d’ordre».
Plusieurs syndicats sont pour cette raison, favorables à cette nouvelle
assiette qui serait de surcroît beaucoup plus stable que l’assiette salaire. La
confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Union
patronale artisanale (UPA) y sont particulièrement favorables, à la différence
du MEDEF.
La CSG
entreprise serait enfin facile à mettre en place car elle existe déjà en germe
dans la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), assise sur
la valeur ajoutée, mais dont le taux est très faible. Pour réaliser un
basculement des cotisations patronales vers cette CSG entreprise, il suffirait
de leur substituer une C3S dont le taux serait fortement majoré en fonction de
la nature du basculement total ou partiel des cotisations actuelles.
Quid des exonérations de charges et la dette de l’Etat ?
On ne
peut ignorer également le problème des exonérations de charges accordées
indistinctement aux entreprises, ni le problème de la dette de l’Etat envers la
Sécurité sociale.
Les
exonérations ou baisses de charges n’ont jamais suscité les créations d’emplois
annoncés. Leur suppression totale favoriserait un retour rapide à l’équilibre
des comptes mais la situation financière des entreprises étant fortement
hétérogène, leur maintien pourrait être envisagé pour les entreprises fortement
créatrices d’emplois et ne délocalisant pas.
Au
19/10/11, selon l’ACOSS (Agence Centrale des organismes de Sécurité Sociale), le
montant des exonérations de cotisations pour le régime général est resté stable
en 2010 (+ 0,3 %), atteignant 30,0 milliards d’euros, dont 27,0 milliards
d’euros font l’objet d’une compensation. Le montant des exonérations de charges
représentent ainsi 10,1 % du total des cotisations et contributions.
D'après
ces derniers chiffres, la dette de l'Etat serait de 3 Md€. Son montant est lié
principalement aux exonérations de cotisations que l’Etat s’était engagé à
prendre à sa charge (contrats divers, exonérations dans les DOM, etc.) ou aux
prestations sociales versées pour le compte ou prises en charge par l’Etat sans
que les budgets votés suffisent à couvrir la dépense.
Particularité
des exonérations de charges non compensées par l’Etat, cette dette n’apparaît
ni dans le déficit budgétaire (les sommes n’étant pas effectivement versées par
l’Etat), ni dans le déficit de la Sécurité sociale (qui, elle, intègre ces
créances dans ses comptes). Quant aux coûts de trésorerie associés à la dette,
ils représentent plusieurs dizaines de millions d’euros !
Aujourd’hui
donc, une vraie réforme du mode de financement de la Sécurité sociale suppose
d’en finir avec les «bricolages» annuels à courte vue et de faire appel enfin à
la solidarité nationale pour couvrir les besoins des différentes branches,
maladie, famille et vieillesse de tous les régimes.
Si le
système de financement basé principalement sur le recouvrement de cotisations
sur salaires a relativement bien fonctionné pendant les «trente glorieuses», il
a atteint aujourd’hui ses limites. Le gouvernement de François Hollande ferait
bien d’en prendre conscience car faute d’un choix politique clair en faveur
d’une autre assiette de financement, ce sera sur les ménages les plus modestes
et les revenus du travail que pèsera encore le fardeau de la solidarité…
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