L’accord
de partenariat transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis est en passe de
s’imposer comme un sujet de premier plan dans le débat public mais la
désinformation reste forte, les discussions tenues secrètes n’ayant été
ébruitées que grâce à des fuites.
Normes
de sécurité alimentaires, lois et régulations financières, politiques
climatiques, protection de la confidentialité des données, autres politiques
non commerciales, la grande majorité des citoyens continue d’être tenue dans
l’ignorance de ce coup de force des lobbys, banques et autres multinationales
avec la complicité des chefs d’états et de gouvernements européens…
Si
l’on vous disait : « Un coup d’état est en cours en Europe », le croiriez- vous
?
Si
l’on vous disait : « Les normes sanitaires, sociales, environnementales,
techniques et phytosanitaires seront désormais imposées par les multinationales
», le croiriez- vous ?
Si
l’on vous disait : « Une commune, un département, une région, un état peuvent
désormais être attaqués par une firme privée, sans contrôle public et sans
procès démocratique », le croiriez- vous ?
Si
l’on vous disait : « Un état se réclamant de la démocratie négocie en secret
des accords portant sur la totalité des biens et services publics », le
croiriez- vous ?
C’est
pourtant ce que préparent les négociations secrètes en cours entre les Etats-Unis
et l’UE, avec la bénédiction de la France !
Les déportés du libre échange
Le
libre-échange est promu par pratiquement tous les gouvernements comme étant la
panacée aux problèmes de l’économie car, selon le discours dominant, avec des
échanges encore plus libres, moins de règlements, un État amaigri, etc., tout
le monde serait gagnant…
Mais
l’expérience de plus de vingt ans d’accords de libre-échange n’est pas
reluisante : crise généralisée, taux de croissance anémiques, inégalités
sociales accrues, dégradation de l’environnement, etc.
Le
meilleur exemple est celui de l’Accord de Libre Echange Nord-américain
(ALENA), entré en vigueur le 1er janvier 1994, entre les Etats-Unis, le Canada
et le Mexique et promettant un développement sans précédent des échanges
commerciaux entre les trois pays, par l’accroissement du volume des
exportations, dont les bénéfices allaient irriguer toute l’économie mexicaine.
Seize ans plus tard, le constat est amer. L’ALENA, promesse d’un «bien-être
général», a littéralement laminé l’agriculture mexicaine, et notamment les
petits paysans (21% de la population active).
Il
convient de rappeler aussi d’autres accords antérieurs comme l’accord
multilatéral sur les Investissements (AMI) négocié depuis 1995, en secret, au
sein de l’OCDE et qui avait échoué dès que l’opinion publique en avait pris
connaissance ou la directive services appelée «directive Bolkestein», votée une
première fois en 2003, mais qui fit, elle aussi, l’objet de vives
protestations.
Aujourd’hui,
ce nouvel accord de libre-échange transatlantique est un projet de longue date
du Transatlantic Business Dialogue (TABD), connu sous le nom de Transatlantic
Business Council (TBC). Le TBC s’est réuni en 1995 pour établir un dialogue
officiel de haut niveau entre les chefs d’entreprise, les secrétaires de
cabinets aux États-Unis et les commissaires européens. Il s’agit en fait
d’éliminer ce qu’ils appellent les « irritants commerciaux », qui
limitent la capacité à échanger tout produit entre les États-Unis et l’UE ou à
opérer selon les mêmes règles dans les deux zones sans intervention des
gouvernements.
Sont
visées les politiques considérées comme les politiques fondamentales sur la
sécurité alimentaire, environnementale, sanitaire ainsi que toutes les autres
politiques qui composent le pacte social. La « convergence
réglementaire » est le terme aseptisé utilisé pour imposer aux
gouvernements l’obligation d’autoriser les produits et les services qui ne
satisfont pas aux normes domestiques, selon un processus appelé
« équivalence » et « reconnaissance mutuelle ».
Le but
est clair : il s’agit d’éliminer ce qu’il y a de meilleur en termes de
protection de l’environnement, de la santé et des consommateurs des deux côtés
de l’Atlantique et de diminuer les contraintes que la puissance publique peut
mettre en place pour réguler leurs activités. Ce qui est promu comme des règles
« de haut niveau du 21e siècle » pour l’économie mondiale est en
réalité un régime qui ferait reculer beaucoup des progrès obtenus par les
mouvements sociaux au cours du 20e siècle.
L’adoption
de ce traité de libre-échange conduirait aussi à l’ouverture des marchés
publics en Europe aux entreprises des Etats-Unis. Les lobbies d'affaires
risquent de s'en prendre alors à toutes mesures visant à privilégier les
entreprises locales : les collectivités locales devront se plier aux accords et
ne pourront plus lancer les appels d’offre aux conditions qui leur conviennent…
Les
règles de l’accord seraient contraignantes et leur non-respect pourrait
entraîner des sanctions. Le pacte donnerait aux transnationales étrangères des
possibilités nouvelles de remettre directement en cause, devant des tribunaux
extrajudiciaires, des politiques d’intérêt public et de réclamer des
compensations financières dont la charge reposerait sur les contribuables.
Face à
la plus grande menace non militaire à laquelle la France n’ait jamais été
confrontée, il convient aujourd’hui de mettre en place un encadrement beaucoup
plus strict des activités des multinationales plutôt que se lancer dans une
fuite en avant vers des accords de « libre-échange » visant à
accroître la compétitivité mondiale et renforcer les libertés des firmes
multinationales échappant au contrôle démocratique…
Et
l’on croit rêver quand le Président de la République affirme, à
Washington dernièrement, qu’il convient d’aller encore plus vite pour
mettre en œuvre le traité de libre-échange transatlantique. Une déclaration
ahurissante qui montre une nouvelle fois la naïveté politique de François
Hollande face aux conséquences de la mondialisation libérale…
Lexique
des différentes nominations du Grand Marché Transatlantique, voulues pour
brouiller davantage la compréhension :
GMT :
Grand Marché Transatlantique
TAFTA
: Trans-Atlantic Free Trade Agreement
TTIP :
Transatlantic Trade and Investment Partnership
PTCI,
Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement
APT,
Accord de Partenariat Transatlantique
Photo
Creative Commons
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